Yvelines : un ambulancier de 44 ans condamné pour avoir « châtié sa propre fille jusqu’au sang »

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Publié le 23/02/2023 18:42:23

Une adolescente de 17 ans a été retrouvée couverte de sang dans la rue, à Chambourcy. Son père l’avait frappée à coups de ceinture la veille. Il a été condamné ce jeudi à un an de prison ferme.

Au lycée ou ailleurs, Leïla*, 17 ans, n’a pas le droit de parler aux garçons. Elle n’a pas le droit non plus d’avoir un téléphone, ni de se maquiller, ni même de porter des chaussettes trop courtes parce qu’on pourrait voir ses chevilles. Mardi matin, à Chambourcy (Yvelines), elle est sortie de chez elle en sang et transie de froid. Frappée à coups de ceinture par son père, elle venait de passer la nuit à la cave, contrainte d’uriner dans une bassine.

Une dame qui promenait son chien l’a découverte dans la rue, en état de choc. C’est elle qui a prévenu le commissariat de Saint-Germain-en-Laye et les pompiers.

La jeune fille, « terrorisée », a eu du mal à parler de son quotidien aux policiers. Mais elle a fini par le faire. Elle a raconté ce flicage permanent, les garçons interdits, les coups qui pleuvent sur elle et sur sa mère. Le ceinturon paternel réservé aux corrections, encore dégainé dans la nuit de lundi à mardi à cause d’un téléphone découvert dans ses affaires par son frère aîné.

Le père de l’adolescente, un ambulancier de 44 ans, a été condamné ce jeudi soir à deux ans de prison dont un assorti d’un sursis probatoire. Il devra effectuer les douze mois restants sous bracelet électronique, avec l’obligation de suivre des soins et l’interdiction d’entrer en contact avec son épouse et leurs six enfants.

Contrainte d’adresser une lettre d’excuses à son père

Dans le box, emmitouflé dans un gros blouson bleu, Karim écoute attentivement le récit glaçant déroulé par la présidente. Le sang sur Leïla, sa nuit sordide au sous-sol, mais aussi les blessures infligées à son épouse quelques mois plus tôt.

Et ce premier épisode, en septembre dernier. Après avoir reçu plusieurs coups de ceinturon, Leïla avait alors été contrainte de passer plusieurs jours à la cave, d’attendre que sa mère veuille bien lui descendre de quoi manger. Pour être de nouveau admise dans le cercle familial, l’adolescente avait dû rédiger une lettre d’excuses adressée à son père : elle avait téléphoné à un garçon et devait donc faire amende honorable.

Lorsque la présidente lui donne parole, Karim veut « remettre les choses dans leur contexte ». « La cave, en fait, c’est une chambre, avec des canapés et tout, ose-t-il. Elle aurait pu sortir. » Ce déchaînement de violence ? Il l’a « regretté le soir même, vraiment ». Mais il était « très fatigué » par son voyage à Dubaï. Et surtout « très inquiet pour sa fille », dont il surveille les fréquentations « à cause des femmes violées ». « Dans mon métier, explique-t-il, je vois souvent des femmes qui ont subi ça et j’en parle avec elles. »

« Et des femmes victimes de violences de la part de leur père et ou de leur mari, vous en avez déjà rencontré ? » s’agace la présidente. « Je m’y suis très mal pris. J’ai compris que je devais complètement revoir mes méthodes d’éducation. Je présente mes excuses à tous mes enfants et à ma femme et je les aime profondément », lâche le père, en larmes.

« Il a un fort caractère » avance son épouse

Stress post-traumatique, crises d’angoisse aiguës… Le psychologue qui a examiné Leïla au cours de son hospitalisation a estimé que son état nécessitait l’équivalent de trente jours d’incapacité totale de travail (ITT). Sur des photos brandies par le procureur, Karim a de nouveau été confronté aux blessures infligées à son épouse l’année dernière.

« Cette image-là, vous la voyez bien ? Vous avez quand même réussi à lui rentrer un pied de chaise dans la cuisse, s’étrangle le procureur. Comment c’est possible d’en arriver là ? Et votre fille, majeure dans six mois, vous pensez qu’elle peut prétendre à un peu de liberté ? » « Le pied de chaise, monsieur le procureur, il n’est pas vraiment rentré dans la cuisse », tente le prévenu.

Cramponnée à la barre, l’épouse glisse péniblement que ce n’est pas « un homme méchant ». « Mais il a un fort caractère et il a eu une enfance difficile », avance-t-elle. Poussée dans ses retranchements par la présidente, elle finit par se lancer : « Vous avez raison, admet-elle. Je suis d’accord avec ma fille et je veux protéger mes enfants. Ce qu’on a vécu n’est pas normal et pour le moment, je ne veux plus voir mon mari. Je veux être tranquille à la maison avec les enfants ».

Sur une idée soufflée par son avocate, Karim égraine toutes les sorties familiales pendant les week-ends, le cinéma, les soirées « tous ensemble devant des séries »… Et aussi les cours particuliers qu’il paye à ses enfants, « surtout à elle (Leïla) parce qu’elle veut devenir médecin ».

« Nous sommes face à un tyran domestique, balaie le procureur. Cet homme a été capable de châtier sa propre fille jusqu’au sang. »

* Le prénom a été modifié.

Crédits image et texte : Le Parisien©
Source : https://www.leparisien.fr/yvelines-78/yvelines-un-ambulancier-de-44-ans-condamne-pour-avoir-chatie-sa-propre-fille-jusquau-sang-23-02-2023-LNZ25X7EOBCMNDDI3ODZIEX5NI.php