Violences sexistes et sexuelles : à quoi servent les cellules d’écoute des partis politiques ?

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Publié le 21/09/2022 18:37:44

Les récentes accusations contre des hommes politiques ont remis les cellules de lutte contre les violences sexistes et sexuelles créées par les partis sur le devant de la scène. Quelle est leur utilité et leur valeur juridique ? On fait le point.

Comité de suivi contre les violences sexistes et sexuelles à la France insoumise (LFI), cellule d’enquête et de sanction sur le harcèlement et les violences sexuelles et sexistes chez Europe Écologie Les Verts (EELV), commission de lutte contre le harcèlement et les discriminations au Parti socialiste ou encore cellule de signalement au sein de Renaissance.

Si certains partis politiques ont pris des initiatives en interne pour faire face aux violences sexistes et sexuelles, d’autres, à l’image des Républicains, du Rassemblement national ou de Reconquête !, préfèrent laisser la justice œuvrer directement.

Obligatoires dans la fonction publique ou dans les universités par exemple, ces instances de lutte contre les violences sexistes et sexuelles sont créées au bon vouloir des partis dans le milieu de la politique. Elles ont été mises en place « sous la pression médiatique », rappelle Fiona Texeire, cofondatrice de l’Observatoire des violences sexuelles et sexistes en politique, également enseignante à l’Institut d’études politiques de Rennes (Ille-et-Vilaine).

Pour écouter, entourer, conseiller et accompagner les victimes, elles sont utiles d’un point de vue moral, estime la chercheuse. « Des rapports peuvent être remis aux instances dirigeantes du parti », explique Fiona Texeire, avec des constats et des suggestions pour prévenir ces agissements ou éviter qu’ils ne se reproduisent. Mais « juridiquement, elles ne valent rien », explique Me Claire Latouche, avocate spécialisée en droit du dommage corporel. « Le comité du parti peut se faire porte-parole auprès du procureur », mais pour qu’il y ait réparation, « un processus classique de justice doit être mis en place », ajoute Me Latouche. Concrètement, cela signifie un dépôt de plainte, une saisie du parquet, une enquête, un jugement et, éventuellement, une condamnation.

Bien que ces instances « se saisissent » et « enquêtent », selon leurs termes, leur travail ne vaut justice aux yeux de la loi. « L’emploi d’un vocabulaire commun peut laisser penser que c’est un tribunal, alors que ce sont des comités d’éthiques qui œuvrent en interne », décrypte Me Sévag Torossian, avocat en droit pénal politique.

Et pourtant, l’existence de ces organes a déjà eu des conséquences pour les accusés, au point de faire penser à des « pseudo-tribunaux », selon Me Torossian. Taha Bouhafs le premier, en mai dernier, a été poussé à retirer sa candidature aux législatives alors qu’il était visé par une enquête interne après que le comité de suivi contre les violences sexistes et sexuelles de la France insoumise (LFI) a reçu un témoignage l’accusant d’agression sexuelle.

Mardi 20 septembre 2022, c’est Julien Bayou qui a été « mis en retrait » de ses fonctions de coprésident d’Europe Écologie Les Verts, après un signalement de son ancienne compagne effectué auprès de la cellule d’enquête et de sanction sur le harcèlement et les violences sexuelles et sexistes d’EELV. Lui avait indiqué au Figaro début juillet qu’il serait interrogé par une commission interne du parti, assurant que cela ne constituait « en rien des violences sexistes ou sexuelles ni des comportements inappropriés envers quiconque ».

S’il faut faire attention à « la présomption de culpabilité » qui a tendance à naître avec ces entités pour Me Torossian, « l’étalage public est parfois le seul moyen pour faire bouger les lignes », regrette Fiona Texeire.

Ces comités, cellules et autres commissions aident à mettre en lumière certains agissements et, même sans dépôt de plainte, le procureur peut alors décider de s’autosaisir. C’est ce qui s’est passé dans l’affaire Adrien Quatennens, puisque le parquet de Lille a ouvert une enquête après avoir été informé « du contenu de la main courante » déposée par l’épouse du député du Nord. « C’est pour l’intérêt de la société », explique Me Latouche, car le procureur « est le représentant de l’ordre public ».

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Source : https://www.ouest-france.fr/politique/a-quoi-servent-les-comites-de-lutte-contre-les-violences-sexistes-et-sexuelles-en-politique-8d22f99a-35c9-11ed-a858-f7410f1f4331