Un non-voyant porte plainte pour violences contre un chauffeur Uber qui refusait de le transporter avec son chien guide

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Publié le 13/03/2023 14:58:21

Un chef d’entreprise non-voyant a déposé plainte pour violences sur personne vulnérable contre un chauffeur Uber, qui a refusé à Paris, le 6 mars, de faire monter son chien à bord de son véhicule. Avant de s’en prendre violemment à l’animal et à son maître

Anthony Martins-Misse, dynamique chef d’entreprise malvoyant et judoka paralympique de 33 ans, ne se sépare jamais de son chien guide d’aveugle, Nepia. Ce lundi 6 mars à Paris, il est 8h45 lorsqu’il commande un VTC sur la plateforme Uber, accompagné de sa belle-mère et de sa fille, qu’il doit déposer à l’école. Mais une fois sur place, le chauffeur refuse de faire monter Nepia à bord de son véhicule.

« Je lui réponds calmement que c’est contraire à la loi. Et que s’il refuse la prise en charge, il risque une amende et la suspension de son compte par Uber », relate Anthony, que nous avons rencontré. L’article 88 de la loi n° 87-588 du 30 juillet 1987 garantit en effet l’accès des chiens guides d’aveugles à tous les transports, sous peine d’une amende allant jusqu’à 450 euros.

Anthony, qui a déjà essuyé plusieurs refus de chauffeurs Uber pour faire monter son chien dans le véhicule, filme systématiquement ses courses. Dans la vidéo des faits, que nous avons pu consulter, on peut voir le chauffeur inviter Anthony à réserver un chauffeur avec l’option — payante — permettant de voyager avec un animal à bord. « Cela ne concerne évidemment pas les chiens guide d’aveugle », s’exaspère Anthony. « Je comprends que cela soit inquiétant et angoissant de faire monter un chien aussi grand que le mien dans une voiture. C’est pour ça que je propose systématiquement qu’il monte dans le coffre. »

« Effacez la vidéo, sinon je ne vous prends pas »

Le chauffeur avance qu’il serait allergique aux chiens. Une passante, se présentant comme infirmière, se mêle à la conversation, et prévient à son tour que la loi lui interdit ce refus de prise en charge. Elle lui lance qu’en cas d’allergie, il lui suffit de mettre un masque. Le chauffeur semble enfin consentir à faire monter Anthony.

Le chef d’entreprise, pensant avoir eu gain de cause, s’apprête à faire monter son chien dans le coffre. Mais le chauffeur refuse tout net. Le ton monte. « Effacez la vidéo, sinon je ne vous prends pas », lance ce dernier. « Il me touche au niveau du sternum. Je dois lui dire à six reprises, de façon un peu virulente, de ne pas me toucher », rapporte Anthony.

Le chauffeur finit par dire qu’il va prendre le chien. « Je ne vais pas te laisser dans la merde », l’entend-on promettre. Mais il veut d’abord faire une réclamation auprès d’Uber. Alors que le chauffeur est en train de pianoter sur son téléphone, Anthony se décide à ouvrir la portière arrière, et fait monter son chien à bord. La situation dégénère. Sur les images, on voit le chauffeur se ruer, en hurlant, sur Anthony.

Il tire la chienne « comme un fou »

La suite, très tendue, n’est pas visible. Selon le récit d’Anthony, le chauffeur lui aurait « mis un coup dans les côtes ». « Je le tire contre moi pour le bloquer et je lui dis de se calmer », rapporte Anthony. « Il me lâche, je le lâche et il part comme une furie de l’autre côté du véhicule. Il ouvre la porte côté passager arrière gauche, et il attrape Nepia, alors que j’essaie de mon côté de la faire sortir. Il la tire comme un fou, et je retrouve Nepia sur la banquette alors qu’elle était au sol ».

On entend le chauffeur, hors de lui, crier qu’il « ne veut pas du chien dans la voiture » qu’il a payée 60 000 euros. « Il était hors de contrôle », dénonce Anthony.

Anthony, choqué, se met en retrait, et se décide à remonter chez lui. « J’ai laissé mon chien à la maison, en me disant qu’elle avait besoin de se reposer. J’ai sacrifié mon confort dans l’autonomie à cause d’un chauffeur qui a refusé de me prendre en charge et qui m’a agressé. »

« Ce chauffeur n’était ni formé, ni informé »

Mardi 7 mars, Anthony a déposé plainte contre le chauffeur pour violences sur personne vulnérable sans incapacité. « Cette affaire symbolise tout un pan des situations que nous vivons au quotidien. J’ai la boule au ventre quand j’appelle un VTC sur Uber. »

Un cas loin d’être isolé, selon Me Matthieu Juglar, l’avocat d’Anthony. « Ce sont des professionnels qui facturent des sommes passablement élevées, en affirmant que les chiens d’assistance sont acceptés à bord. Or, ce n’est pas le cas. Il faut qu’il y ait un mort pour qu’Uber prenne enfin ses responsabilités ? Manifestement, ce chauffeur n’était ni formé, ni informé. »

Le Centre indépendant d’éducation (CIE) - Chiens guides du cœur, propriétaire de Nepia, a déposé plainte également pour ce refus d’accès, et pour les violences infligées à l’animal. « Après les faits, Nepia a été réticente à l’idée de monter dans une voiture, et était inhabituellement stressée au guidage », dénonce Lucas Granit, chargé de développement du CIE. « On a de plus en plus de bénéficiaires qui n’osent plus utiliser ce service. C’est intolérable ». Contacté, le parquet de Paris n’a pas donné suite à nos sollicitations.

Uber suspend le chauffeur, le gouvernement condamne

Uber a pour sa part condamné cette « discrimination grave » et affirme avoir « le jour même procédé à la suspension définitive du compte du chauffeur ». « La prise en charge d’un passager et de son chien d’assistance est obligatoire et inscrite dans la loi. Nous le rappelons régulièrement aux chauffeurs lorsque nous les sensibilisons au handicap », a ajouté un porte-parole de la plateforme, dans un cours communiqué transmis au Parisien.

Anthony souhaite interpeller le gouvernement, pour lui demander de renforcer le statut du chien d’assistance. « Il ne faut plus décorréler le chien du maître. Refuser le chien, cela doit signifier refuser la personne. Une agression du chien, c’est aussi une agression de son maître. Quand ce chauffeur s’en prend physiquement à Nepia, il s’en prend à mes yeux. »

Contactée par Le Parisien, Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des Personnes handicapées, a condamné « avec la plus grande fermeté cette infraction » et apporté « évidemment tout [son] soutien à M. Misse ». « Je demande à Uber de veiller au futur à la sensibilisation et la formation de ses conducteurs et de sanctionner tout manquement immédiatement », a ajouté la ministre.

Après la bousculade, on peut entendre dans la vidéo une personne tenir des propos xénophobes envers le chauffeur. « Je ne sais pas qui a tenu ces propos. Je les condamne avec la plus grande fermeté », a dénoncé Anthony.

Crédits image et texte : Le Parisien©
Source : https://www.leparisien.fr/faits-divers/hors-de-controle-un-chauffeur-uber-refuse-de-prendre-en-charge-et-brutalise-un-malvoyant-et-son-chien-13-03-2023-C36ETSR2RBBAHPJ2LVNT4I4DQI.php