TÉMOIGNAGES. « Je n’ai pas de plan B » : dans le Var, le feu géant a détruit le rêve de leur vie

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Publié le 23/08/2021 08:15:45

Pierre-Alain et Cécile ont tout perdu dans l’incendie de leur domaine viticole, ravagé par l’incendie géant qui a embrasé le Var. 31 maisons ont été détruites ou endommagées par les flammes. Deux personnes sont décédées.

« Quand les Canadairs sont arrivés sur moi pour me sauver, c’était comme dans un film » , raconte Pierre-Alain Pianetti, la voix étranglée par l’émotion. Du rêve de cet œnologue professionnel, et de sa femme Cécile, documentaliste, il ne reste aujourd’hui, pour l’essentiel, que des cendres. Des bâtiments agricoles en ruines. Et une entêtante odeur de végétaux carbonisés.

Mercredi 18 août, dans la soirée, le méga-feu qui ravageait depuis près de deux jours la plaine des Maures, dans l’arrière-pays de Saint-Tropez, a finalement traversé leur domaine de Théolier, à La Garde-Freinet. Trois ans plus tôt, les deux quinquagénaires, parents de trois grandes filles, avaient vendu leur maison près de Montpellier (Hérault) et investi toutes leurs économies pour réaliser le rêve de leur vie : créer leur propre domaine viticole, en biodynamie.

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Ils ont le coup de coeur pour un domaine à l’abandon égaré dans les collines au coeur d’une nature encore sauvage. Douze hectares qu’ils vont défricher, planter de cépages rares et de plantes médicinales. J’y passais tous mes congés. Mon patron me disait que ce n’était pas de vraies vacances​, sourit Cécile.

Lundi 16, vers 17 h 30, un incendie se déclare sur l’aire d’autoroute de Sigues, à Gonfaron, au bord de l’A57. Selon les enquêteurs, probablement à cause d’un mégot mal éteint. La première nuit, Pierre-Alain voit filer l’incendie au loin sur les collines, à 3 km de ses vignes. C’était un mur de feu. ​Première nuit blanche, mais les flammes restent à distance. Le lendemain, le feu vient lécher le domaine, et le viticulteur se bat avec un pulvérisateur d’eau pour sauver une caravane. Il court d’un point à l’autre, déplace son matériel, se prive à nouveau de sommeil.

Mais le mercredi, une saute de vent ramène les flammes par un ravin qui traverse le domaine. Le feu se propage de part et d’autre à toute vitesse. J’ai dû me réfugier dans la maison. ​Sa femme et ses filles, qui ne sont pas sur place, appellent les pompiers, les supplient d’intervenir. Soudain, après un dernier message, la ligne est coupée. J’ai craint le pire​, souffle sa fille Emma.

Dans la maison cernée par les flammes, les vitres explosent. Pierre-Alain se réfugie au milieu d’une parcelle, dans son tracteur. Les Canadairs sont venus à mon secours. Le premier a arrosé à ma droite. Le deuxième a surgi juste devant moi et a largué sur mon tracteur. Et le troisième à ma gauche. Ils m’ont sauvé la vie. ​D’autres pompiers le secourent. Pierre-Alain peut enfin appeler les siens, immensément soulagés.

L’homme est sauf, mais son rêve de toujours est parti en fumée. La maison est assurée. Pas les vignes, détruites à 70 %, car une assurance coûtait trop cher pour nos moyens​. Ils ont chiffré le coût de leur nouveau départ à 67 000 € : de quoi racheter des plants, les protéger, remplacer le matériel agricole détruit. Et créer trois bassins d’eau de réserve incendie. Poussés par leurs enfants, Cécile et Pierre-Alain ont accepté que la famille mette en place pour eux une cagnotte en ligne, pour en appeler à la générosité publique. Je n’ai pas de plan B​, reconnaît le viticulteur.

Son cas est loin d’être isolé. Guillaume de Chevron Villette, grand propriétaire, possède deux domaines dans la réserve naturelle nationale de la plaine des Maures. Les deux ont été touchés. J’ai sans doute 20 à 30 % de pertes​. Il estime que d’autres viticulteurs ont perdu tout ou partie de leurs vignes.

Au Luc, à quelques kilomètres du domaine de Théolier, les Pradel, Thierry et Virginia, et leur fille Anaïs, ont eu un plus de chance. Non pas que le feu les ait épargnés : sur les 50 ha de leur domaine équestre, 42 ont été carbonisés. Mais nous allons pouvoir reprendre l’activité​, assure Thierry. Malgré la rapidité et la virulence du feu, ils ont pu, protégés par les pompiers, évacuer à temps leurs nombreux chevaux. Aucun n’a été blessé. Les amis, la famille, les voisins, des gens qu’on ne connaît pas​, et même un éleveur breton, leur ont proposé un coup de main. Leur maison n’a pas été touchée.

Au total, 31 maisons ont été détruites ou endommagées par les flammes. Deux personnes sont décédées. Dimanche 22, 465 pompiers de 14 départements étaient encore engagés pour guetter la moindre reprise du plus grand feu en France de ces vingt dernières années​, selon le colonel Frédéric Gosse, directeur départemental adjoint des pompiers du Var.

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Source : https://www.ouest-france.fr/societe/faits-divers/temoignage-je-n-ai-pas-de-plan-b-dans-le-var-le-feu-geant-a-detruit-le-reve-de-leur-vie-55f85208-037a-11ec-8169-d619eb9bffd9