Soirée étudiante, week-end d’intégration… Le bizutage perdure mais reste interdit et durement puni

logo Ouest France illustration Soirée étudiante, week-end d’intégration… Le bizutage perdure mais reste interdit et durement puni

Publié le 07/09/2022 16:31:22

La plupart des universités françaises ont rouvert leurs portes lundi 5 septembre 2022. De nombreux étudiants participeront à des soirées d’intégration dans les prochaines semaines. « Bizutage », vente d’alcool… Cette pratique est strictement encadrée. Des militants alertent également sur les risques de violences sexuelles.

Pour les étudiants aussi, c’est la rentrée. Durant les prochaines semaines, pour créer du lien, ils seront nombreux à participer ou préparer des soirées ou des week-ends d’intégration, les fameux « WEI ». À Rennes, l’Association de formation en soins infirmiers a prévu d’organiser le sien fin septembre.Au programme : olympiades, jeux de société, et « gala de cohésion. On préfère ce terme à celui d’intégration, qui peut faire penser au bizutage », remarque Emma Peltais, la présidente.« C’est quelque chose qu’on a totalement banni, ça met des étudiants à l’écart », estime l’élève infirmière de troisième année, pas fan des BDE (Bureau des étudiants) qui prônent « la fête tout le temps, avec beaucoup d’alcool. »

En 2018, les écoles, les universités et les associations étudiantes ont signé une charte avec le ministère de l’Enseignement supérieur pour encadrer ces événements festifs. Vingt ans plus tôt, le bizutage avait été interdit par la loi. Cette pratique, qui consiste à « amener une personne à subir ou à commettre des actes humiliants ou dégradants », constitue un délit passible de six mois d’emprisonnement et 7 500 € d’amende.

Pourtant, malgré sa prohibition, le phénomène perdure selon Marie-France Henry, présidente du Comité national contre le bizutage (CNCB), créé il y a 25 ans pour recueillir des témoignages, soutenir les victimes et interpeller les autorités. « On a toujours autant de signalements, annonce-t-elle, avant de citer quelques exemples : actes à connotations sexuelles, pressions psychologiques à l’encontre des nouveaux… Les victimes osent rarement signaler ces dérives, par honte, par peur des représailles si elles balancent. Les témoins doivent aussi réagir, dénoncer. Et les encadrants ne doivent pas cautionner. »

« Ces agissements graves » ontun dénominateur commun pour la militante : la consommation excessive d’alcool, dont la vente est autorisée sous conditions.En buvette, les étudiants peuvent proposer de la bière, du vin, du cidre, ou du champagne. Mais pas d’alcool fort, faute de licence IV. Pour lutter contre la multiplication des cas de coma éthylique, le Code de la santé publique interdit depuis 2010 la vente d’alcool à volonté.

Référente prévention santé à la Fage, le syndicat majoritaire chez les étudiants, Bleuenn Laot reconnaît que ces traditions « existent encore ». Mais l’étudiante considère qu’elles sont « moins violentes qu’à une époque. Déjà, il y a plus de campagnes de prévention. Et le Covid a freiné le phénomène. » Les restrictions sanitaires ont privé les étudiants de fêtes durant de longs mois, entre 2020 et 2021.

Les faits de bizutages sont difficiles à quantifier. « Nous n’avons pas de vision consolidée sur les procédures disciplinaires ouvertes dans les établissements, répond l’entourage de la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Sylvie Retailleau. Il est donc difficile de dire si ces dérives augmentent, diminuent, ou stagnent. » Si ces enquêtes internes n’aboutissent pas, les victimes ont la possibilité de faire appel de la décision auprès du conseil national de l’Enseignement supérieur, ajoute le ministère.

Elles peuvent également porter plainte. Sollicité, le ministère de la Justice écrit qu’au cours des cinq dernières années, « treize condamnations ont été prononcées pour une infraction principale de bizutage. Parmi celles-ci, on dénombre moins de cinq peines d’emprisonnements ». Des chiffres qui peuvent sembler relativement faibles, mais qui sont à relativiser. Par exemple, si des faits de harcèlement sont commis lors d’une soirée d’intégration, c’est cette qualification pénale qui sera retenue, et non celle de bizutage.

Concernant les violences sexuelles, des témoignages récoltés par des associations rapportent que des viols et des agressions sont commis lors de ces fêtes étudiantes : « C’est extrêmement fréquent, assure Emmanuelle Piet, présidente du Collectif féministe contre les viols, qui a mis en place une plateforme d’écoute, joignable au 0 800 05 95 95. Tout cela est déguisé en jeu, on rigole, on donne son soutien-gorge… Les étudiants se retrouvent dans une machinerie à laquelle ils ne peuvent pas résister. Il y a des séquelles graves pour les victimes, avec extrêmement peu de plaintes. »

En 2020, un rapport « Paroles étudiantes sur les violences sexuelles et sexistes » a été publié par l’Observatoire Étudiant des Violences Sexuelles et Sexistes dans l’Enseignement Supérieur. Une étudiante sur dix disait en avoir été victime durant son cursus. Parmi les principales causes, « l’alcool, le sentiment d’impunité et l’effet de groupe » étaient pointés du doigt par les 10 000 personnes ayant répondu à l’étude, dont une écrasante majorité de femmes. « Ces violences physiques sont commises hors du campus, en soirée ou en week-end d’intégration, note la secrétaire générale de l’Observatoire, Gaëlle Berton. Aussi, 71 % des répondants considéraient que le contexte et les traditions de leur établissement n’étaient pas égalitaires par rapport au genre et évoquaient des pratiques d’intégration sexistes. Par habitude, les associations continuent ces rituels. À Sciences Po Toulouse par exemple, les étudiantes devaient crier devant toute la promo le nom des camarades avec qui elles avaient couché… »

Crédits image et texte : Ouest France©
Source : https://www.ouest-france.fr/education/soiree-etudiante-week-end-d-integration-le-bizutage-perdure-mais-reste-interdit-et-durement-puni-7f938712-2d14-11ed-b51f-5704b8d091a6