REPORTAGE. Kurdes tués à Paris : « Le sentiment d’insécurité resurgit au sein de la communauté »

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Publié le 27/12/2022 19:27:14

Trois personnes sont décédées, vendredi 23 décembre, lors d’une attaque à l’arme à feu dans le 10e arrondissement de Paris. Trois autres ont été blessées. Le suspect, un homme de 69 ans incarcéré hier, a revendiqué un acte « raciste ». La communauté kurde, qui a manifesté sa colère et son désarroi, parle d’un « sentiment fort d’insécurité ».

Des portraits, des bougies, des fleurs et des visiteurs qui se recueillent, présentent leurs condoléances aux familles des victimes. L’hommage à Emine Kara, « combattante contre l’État islamique », au « chanteur » Mir Perwer et au « retraité » Abdurrahman Kizil, assassinés vendredi dans et près du Centre culturel kurde à Paris, s’est poursuivi ce mardi 27 décembre après une marche blanche qui a réuni hier des centaines de participants.

Une « douleur immense », souligne une Franco-kurde devant le bâtiment au 16, rue d’Enghien. « Ça a réveillé un sentiment d’insécurité au sein de la communauté », estimée « à plus de 300 000 personnes désormais en France ». Beaucoup évoquent l’assassinat en janvier 2013, rue La Fayette non loin de là, de trois militantes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Une réunion de préparation des commémorations de ce triple assassinat était justement prévue au centre culturel vendredi, finalement reportée en raison des grèves.

Le centre, qui porte le nom d’Ahmet Kaya, « musicien chanteur décédé en 2000 »,a été créé « pour promouvoir la culture kurde. On y propose des cours de musique, de théâtre, de danse… et une cafétaria-librairie pour se retrouver et s’informer », explique un chargé de communication. Il abrite aussi le siège du conseil démocratique kurde de France, émanation du mouvement nationaliste kurde en France et réputé proche du PKK, ennemi juré de la Turquie et considéré comme une organisation terroriste par l’Union européenne.

Si ce centre culturel a eu une histoire mouvementée, « c’est un lieu qui fait partie de la vie des Kurdes installés en région parisienne ». Ce peuple sans État, à cheval sur quatre pays (la Turquie, l’Iran, l’Irak et la Syrie) a trouvé refuge dans plusieurs régions du monde, dont la France. Les premières vagues de réfugiés politiques sont arrivées « dès les années 1970 dans le 10e arrondissement de la capitale. Beaucoup ont suivi au début des années 80, après le coup d’État militaire en Turquie. »

Les Kurdes « travaillaient alors dans la restauration, le bâtiment, la coiffure et les ateliers de confection du Sentier », poursuit la jeune Franco-kurde. Après le quartier s’est transformé. S’il reste le centre culturel et quelques commerces communautaires, les Kurdes n’habitent plus là, mais certains y travaillent encore et d’autres continuent d’y passer. Quant aux générations suivantes, elles ont fait des études et se sont intégrées dans la population française, même si elles sont toujours sensibles à ce qu’il se passe » au Moyen-Orient.

Le dossier kurde est un des nombreux axes de crispation dans les relations bilatérales entre la France et la Turquie. Des éléments de l’enquête sur le triple assassinat de 2013 à Paris suggèrent que le tireur aurait pu agir pour le compte des services de renseignements turc. Il est depuis décédé mais des juges antiterroristes ont repris l’enquête.

Le drame de vendredi a réveillé les craintes. La communauté refuse la thèse du crime raciste par un homme isolé. « Le régime fasciste d’Erdogan a encore frappé », martelait hier Agit Polat, le président du conseil démocratique kurde de France. Ankara, de son côté, a convoqué l’ambassadeur de France en Turquie pour exprimer son « mécontentement face à la propagande lancée par les cercles du PKK », selon une source diplomatique turque.

Crédits image et texte : Ouest France©
Source : https://www.ouest-france.fr/societe/faits-divers/reportage-kurdes-tues-a-paris-le-sentiment-d-insecurite-resurgit-au-sein-de-la-communaute-b1e3a05a-85e6-11ed-98b9-32dde9f7da8f