Procès du crash Rio-Paris : l’avocat des parties civiles appelle à « refermer cette page noire »

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Publié le 06/12/2022 21:43:15

L’avocat des parties civiles au procès du crash Rio-Paris a demandé, ce mardi 6 décembre 2022, au tribunal de faire entendre par son jugement que « rien ne vaut le prix d’une vie » et de « refermer définitivement cette page noire de l’histoire de l’aéronautique pour que les victimes reposent en paix ».

Debout à la barre, Me Alain Jakubowicz prononce, un à un, le nom de chacune des 228 personnes mortes dans le crash du Rio-Paris en 2009. L’avocat a demandé mardi 6 décembre 2022 au tribunal de « refermer cette page noire de l’histoire de l’aéronautique » avec la condamnation d’Airbus et d’Air France.

« C’est long, 228 victimes », souligne, après avoir énuméré les noms, le conseil de l’association Entraide et Solidarité AF447, dans une salle d’audience pleine.

« Qu’ils soient Français, Allemands, Italiens, Brésiliens, Chinois, Suisses, Américains, Espagnols, Hongrois, Polonais, tous, absolument tous, conservent gravés au plus profond de leur mémoire et de leur être, le lieu et le moment précis où ils se trouvaient quand leur vie a basculé, en cette fin de matinée, lundi 1er juin 2009 », commence-t-il d’une voix forte.

Il raconte, par les yeux de certains proches, ces heures de choc qui ont suivi le crash du vol Rio-Paris dans l’Atlantique, au large du Brésil.

« Plus rien ne sera comme avant, mais il faut vivre avec, ou plutôt survivre », déclare-t-il. « Il faudra du temps, beaucoup de temps, pour accepter cette vérité […] : le fils ainé, le papa, la maman, l’épouse, ne reviendra jamais, il est mort, elle est morte. »

« Pour les victimes des accidents collectifs, c’est la double peine » car « plus il y a de victimes, moins on parle d’elles », poursuit l’avocat, qui souligne que « chacune d’elles, homme, femme, enfant, était unique, irremplaçable ».

La robe noire se tourne vers le banc des prévenus.

« De tout cela, madame la directrice d’Air France, monsieur le dirigeant d’Airbus, vous êtes responsables. Bien sûr pas ad hominem, mais vos entreprises sont responsables », lance-t-il, citant les deux patrons des sociétés venus, le premier jour, au procès.

« Venir les écouter » la semaine dernière pendant leurs témoignages, « dire : “nous sommes désolés” », « reconnaître (vos) fautes » : « c’est cela que les familles de victimes […] espéraient, attendaient. Mais ces mots ne sont pas venus », affirme-t-il.

Jugées depuis le 10 octobre pour homicides involontaires, les deux entreprises contestent avoir commis une faute ayant mené à la catastrophe. Depuis jeudi, les conseils des parties civiles se sont succédé à la barre, détaillant les raisons pour lesquelles les entreprises doivent, selon eux, être condamnées. Le réquisitoire est prévu mercredi.

Me Jakubowicz revient sur la déclaration du représentant d’Airbus, un ancien pilote d’essai, à qui il a demandé, le 15 novembre, s’il « aurait fait mieux » à la place des pilotes de l’AF447 - ce à quoi il avait répondu oui.

« En vous entendant, je ne vous entendais plus, j’entendais les échanges entre les pilotes, ces voix d’outre-tombe que nous avons entendues dans cette salle le 17 octobre et qui depuis m’obsèdent », affirme l’avocat, faisant référence à la diffusion de l’enregistrement des boîtes noires au procès.

Il cite : « “Qu’est-ce qui se passe”, “on a perdu le contrôle de l’avion”, “on a tout tenté”, “on va taper, c’est pas vrai”. » Et au-delà des voix, il y avait aussi « la sonnerie stridente, obsédante, mortifère » de l’alarme de décrochage, avec « cette voix droite, mécanique, de la machine, que l’homme ne parvient pas à maitriser », répétant le mot « Stall » (décrochage).

Parlant des pilotes comme de « trois hommes qui font totalement tout ce qu’ils peuvent », le conseil a fait valoir qu’ils n’étaient pas préparés à la panne des sondes Pitot, mesurant la vitesse de l’avion, et à ses conséquences, ce qui a selon lui mené à l’accident.

Tourné vers eux, il parle de débats « cadenassés » par les prévenus, relève la « discrétion » d’Air France à l’audience et accuse vertement Airbus d’être « au-dessus de tout le monde ».

L’avocat conclut en évoquant le « calvaire » vécu par les proches pendant « 13 ans ».

« L’enjeu, c’est pas de savoir le montant de l’amende », ajoute-t-il, « le véritable enjeu de ce procès, c’est celui de la sécurité aérienne ».

« Dans votre jugement, on vous demande de dire que rien, absolument rien ne vaut le prix d’une vie. On vous demande de refermer définitivement […] cette page noire de l’histoire de l’aéronautique pour que les victimes reposent, et que les familles vivent, enfin, en paix. »

Alors que la présidente ordonne une suspension d’audience, une salve d’applaudissements s’élève depuis les bancs des parties civiles.

Crédits image et texte : Ouest France©
Source : https://www.ouest-france.fr/societe/faits-divers/crash/proces-du-crash-rio-paris-l-avocat-des-parties-civiles-appelle-a-refermer-cette-page-noire-f02bd1e2-759d-11ed-ac18-73d5751915d8