Procès du 13 novembre : Mohamed Bakkali va-t-il être condamné « au prix du sang » ?

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Publié le 21/06/2022 18:15:27

Au procès du 13-Novembre, les avocats de Mohamed Bakkali ont demandé à la cour de ne pas le condamner à la perpétuité. Dans une plaidoirie redoutable, Me Rezlan a essayé de convaincre les juges que l’accusé n’était pas membre de la cellule terroriste.

Il faut bien l’avouer : il y a des accusés plus faciles à défendre que d’autres. Et Mohamed Bakkali, un Belge de 35 ans, ne fait pas partie des clients pour lesquels l’avocat peut se targuer d’avoir de solides arguments à faire valoir. Mohamed Bakkali, ce sont d’abord des antécédents judiciaires. En décembre 2020, il a été condamné à 25 ans de prison pour complicité dans l’attaque du train Thalys, le 21 août 2015. Il a fait appel de cette décision, la peine n’est donc pas définitive. Mais forcément, il est difficile de ne pas y penser…

Retrouvez notre direct sur l’audience du mardi 21 juin 2022 au procès des attentats du 13 novembre 2015.

Mohamed Bakkali fait aussi partie de ces accusés qui ont décidé de faire jouer leur droit au silence, lors de l’actuel procès du 13-Novembre. Il n’a donc répondu directement aux accusations dont il a fait l’objet. « Ce silence ne lui a pas été favorable » , n’a pas caché son avocate, Me Orly Rezlan. Avant d’expliquer qu’il a été très marqué ​par le procès du Thalys dans lequel ses avocats avaient plaidé l’acquittement. Au procès du 13-Novembre, à la place où il se trouve, il est persuadé qu’il ne réussira à vous apparaître sincère​, rappelle-t-elle.

Enfin, Mohamed Bakkali figure parmi les accusés contre lesquels les enquêteurs ont accumulé le plus de preuves à charge. Il a ainsi loué deux des planques des terroristes à Schaerbeek et Jette sous de fausses identités. Mohamed Bakkali a participé à la gestion et à l’approvisionnement de ces caches […]. Il est le seul membre de la cellule dont la procédure a établi qu’il connaissait l’ensemble des six planques utilisées par la cellule, a insisté l’un des avocats généraux, Nicolas Braconnay, qualifiant l’accusé de surintendant de la terreur.

Mohamed Bakkali a encore convoyé les trois djihadistes français qui attaqueront le Bataclan. Il en a conduit d’autres (Sofien Ayari et Osama Krayem notamment) dans différentes planques. Il a également loué, sous son nom, cinq véhicules qui seront utilisés par les terroristes. Bref, pour le ministère public, Mohamed Bakkali a un rôle absolument central et stratégique dans cette sorte de tectonique des planques​. Ils ont requis contre lui la peine de prison à perpétuité, assortie d’une peine de sûreté de 22 ans.

C’est cet homme-là qu’ont eu à défendre, ce mardi, Me Orly Rezlan et Me Abraham Johnson. On vous le disait, il y a plus simple. D’entrée, Me Rezlan surprend : Tous les actes reprochés à Mohamed Bakkali ont été faits avant novembre 2015. Ils n’ont pas du tout consisté en une aide aux préparatifs des attentats… Son ton est calme, posé. L’avocate ne se lance dans un aucun effet de manche. Elle paraît sûre d’elle-même.

Oui, son client a fait tout ça. Mais que savait-il précisément des projets terroristes des frères El Bakraoui, grands organisateurs de la cellule belge, avec qui il était en contacts réguliers ? Il est à la fois dedans et dehors la préparation des attentats, dans ce qu’on appelle une zone grise. L’avocate s’explique. Pour la location de l’appartement de Jette, c’est Khalid El Bakraoui qui a tout préparé : la fausse carte d’identité, les faux justificatifs… La fonction de Mohamed Bakkali était de cacher le rôle des frères Bakraoui ​qui, eux, étaient déjà bien repérés pour grand banditisme. Elle ajoute qu’aucun ADN de son client n’a été retrouvé dans les planques, contrairement à plein d’autres terroristes ou accusés, preuve qu’il ne pénétrait pas à l’intérieur.

C’est le cloisonnement des tâches : peu à peu, le monde terroriste s’est professionnalisé, précise Me Johnson. Il y a eu ceux qui ont su qu’une tuerie de masse se préparait – les frères El Bakraoui notamment – et ceux-là étaient destinés à mourir​. Les deux frères se feront exploser à Bruxelles le 22 mars 2016. Et il y a ceux qui ne savaient pas dont ferait partie Mohamed Bakkali.

Me Rezlan en veut pour preuve ces journées des 15 et 16 novembre 2015, lorsque la cellule en Belgique cherche à venir en aide à deux des terroristes des terrasses, Abdelhamid Abaaoud et Chakib Akrouh. Les frères El Bakraoui et un dénommé Belkaid interviennent à distance. Mais Mohamed Bakkali, lui, n’a pas été sollicité. Imagine-t-on sérieusement que s’il avait été cette pièce maîtresse de la cellule, on ne fasse pas appel à lui en cet instant ?

Autre exemple : l’avocate rappelle que le 26 novembre 2015, c’est Mohamed Bakkali qui s’est rendu aux forces de l’ordre, apprenant qu’il était recherché. S’il avait vraiment appartenu à la cellule, les frères El Bakraoui l’auraient-ils vraiment laissé se rendre ? De très sales personnages aguerris à la violence qui avaient déjà tiré sur des policiers, rappelle Me Johnson.

Pour ses avocats, Mohamed Bakkali était dans cette zone grise​, celle des services rendus progressivement aux frères El Bakraoui. Par habitude et par mauvaise conscience aussi de la part d’un accusé qui a cherché un accès à un idéal religieux et qui a été sensible au discours valorisant de l’islam. Ainsi qu’au sort des Syriens pendant la guerre en Syrie.

Dans la salle d’audience, plusieurs avocats sont secoués par les arguments avancés. Me Rezlan, elle, a demandé à la cour de ne pas céder au prix du sang demandé par l’accusation : Si au nom de l’émotion, on condamne le loueur de voitures à l’égal de l’assassin, alors l’état de droit aura fendu son socle.

Retrouvez notre supplément sur le procès des attentats du 13 novembre 2015.

Crédits image et texte : Ouest France©
Source : https://www.ouest-france.fr/faits-divers/attentats-paris/proces/proces-du-13-novembre-mohamed-bakkali-va-t-il-etre-condamne-au-prix-du-sang-2db236e4-f16b-11ec-87d0-35a1f71d923f