Procès du 13-Novembre : les accusés « sont pourris comme une banane pourrie »

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Publié le 19/05/2022 18:02:18

Ce sont les mots d’un enfant de 5 ans et demi, lus ce jeudi, au procès du 13 novembre 2015. Son père est mort au Bataclan et sa mère, alors enceinte, est une survivante.

Emile a aujourd’hui cinq ans et demi. Ce garçon est né six mois après les attentats du 13 novembre 2015. Le soir des tueries, Aurore et Antoine, ses parents, étaient au Bataclan, Aurore était enceinte depuis près de trois mois. Elle fera partie des onze otages retenus à l’étage du Bataclan ; Antoine, lui, a été tué.

Par l’intermédiaire de l’avocate de la famille, Me Cournac, Emile a écrit un texte qui a été lu à l’audience. Ce sont les mots rares d’un enfant de cinq ans et demi : Ils sont pourris comme une banane pourrie. Ils ont tué mon papa et ça, c’est vraiment pas bien. Il ne faut plus leur donner à manger pour qu’ils meurent. Je veux qu’ils meurent car ils sont vraiment horribles. Je suis en colère car ils sont méchants.

Aurore, la maman, a aussi tenu à transmettre un message aux accusés : Votre haine n’entachera jamais notre amour et notre intelligence de cœur. Vous n’êtes rien et nous sommes tout le reste.

Retrouvez notre direct sur l’audience du jeudi 19 mai 2022 au procès des attentats du 13 novembre 2015.

En cette nouvelle journée d’audience, la souffrance, l’incompréhension et les larmes ont une fois de plus empli la salle d’audience. Les témoignages des victimes ont beau se succéder. Tout le monde a beau connaître le déroulé de cette soirée tragique. Et pourtant, l’émotion, à fleur de peau de chaque victime, surprend encore. On m’entend bien ?​, s’inquiète Shani en se penchant vers le micro. Cela fait six ans que je veux faire entendre ma voix​, raconte cette rescapée du Bataclan. Six ans qu’elle s’est tenue à l’écart des associations de victimes. Maintenant, je suis prête​, commence-t-elle à apprécier.

Ce procès aura aussi eu cette vertu : amener des victimes à se sentir moins seules. Mais il aura aussi été un mal nécessaire : Il nous a aussi fait replonger. Car ce que ne comprennent pas toujours nos amis ou nos collègues, c’est que, même s’il y a des jours où cela va mieux, cette chose-là, à l’intérieur de nous, est toujours là​, témoigne une survivante.

D’autres parties civiles ont besoin de témoigner pour tenter de s’alléger d’un poids : La culpabilité paradoxale des victimes : victimes de rien et coupables de tout​, résume Anne-Laure, autre survivante du Bataclan, alors que ces personnes ne sont coupables de rien et victimes de tout.

La diversité des réactions est telle qu’elles étonnent parfois. Coralie qui était aussi au Bataclan, s’en veut car elle pense que sa souffrance a déteint sur ses proches : Ils ont fini par avoir les mêmes réflexes que moi : avoir peur pour un bruit, être hypervigilants… Le quotidien est tellement dur pour moi que je n’ai pas pu m’empêcher de déverser sur eux toutes mes peurs​, regrette-t-elle. Et pourtant, malgré ses souffrances et son sentiment de culpabilité, Coralie termine son témoignage en ayant une pensée pour les accusés, semblant vouloir comprendre comment ceux-ci en sont arrivés à participer à de tels attentats : J’ai l’impression qu’ils ont fait de mauvaises rencontres, qu’ils ne sont pas sentis soutenus par la société. Malgré tout, j’ai une pensée pour eux. ​Parole rare.

Une autre victime, Fatima qui a passé plus de deux heures retranchée dans une loge du Bataclan avec d’autres spectateurs, reconnaît aussi, à contrecœur, que certains accusés l’ont touchée et même fait rire. Mais beaucoup m’ont énervée. Je sais que vous n’êtes pas tous impliqués au même degré, leur lance-t-elle. Mais par vos actes, même les plus insignifiants, vous avez permis cette horreur.

Guillaume qui aimerait tant passer à autre chose, au point d’être retourné au travail dès le lundi qui a suivi les attentats, aimerait que ce procès permette de tourner une page. On a souvent entendu : ils ont tué la jeunesse, la musique. Aujourd’hui, la jeunesse se porte bien et la musique aussi. Moi, j’ai 49 piges, alors la jeunesse… Ils ont tué des hommes et des femmes, des pères, des mères… Je ne suis pas un symbole, je suis un homme. J’aimerais que ce procès permette une dernière fois de vider tout ça et que tout le monde se porte mieux ensuite. ​Avant de conclure de manière abrupte en s’adressant à la cour : Mesdames, Messieurs, merci. Et bonne journée. ​Jean-Louis Périès, le président de la cour, n’a pas le temps de lui poser une question. Guillaume a déjà tourné les talons…

Pierrick BAUDAIS.

Crédits image et texte : Ouest France©
Source : https://www.ouest-france.fr/faits-divers/attentats-paris/proces/13-novembre-les-accuses-sont-pourris-comme-une-banane-pourrie-65cb5b5c-d774-11ec-862e-32dcdc637907