Procès du 13-Novembre : « Dans cette bande, on ne balance pas », dit une avocate des parties civiles

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Publié le 23/05/2022 20:46:43

Pour le premier jour des plaidoiries, certains avocats des parties civiles ont tenté d’apporter une explication aux attentats du 13 novembre 2015. Comment les accusés, français et belges pour la plupart, ont-ils pu y participer ou ne pas les dénoncer après en avoir pris connaissance ?

Que nous est-il arrivé ? Qu’avons-nous fait ?​ s’interroge Me Sylvie Topaloff qui a ouvert, ce lundi 23 mai, les plaidoiries des parties civiles, au procès du 13-Novembre. Pour quelles raisons, la cellule terroriste, basée dans le secteur de Bruxelles et téléguidée depuis la Syrie, a-t-elle visé la France, faisant 132 morts et plus de 400 blessés ?

Retrouvez le direct de l’audience du lundi 23 mai 2022 au procès des attentats du 13 novembre 2015.

Il y a le faux prétexte de la coalition, cet argument de bas niveau​, rejette Me Didier Seban. À plusieurs reprises, des accusés ont en effet expliqué que s’ils avaient participé à ces attentats, c’était en réaction aux frappes de la coalition internationale (à laquelle participait la France) en Syrie et en Irak, contre le groupe État islamique. L’avocat ne croit pas un instant à cette justification. Il en veut pour preuve la propre propagande de Daech, publiée dans l’un de ses magazines en juillet 2016 : En réalité, même si vous cessez de nous bombarder […], nous continuerons à vous détester parce que la cause principale de cette haine ne cessera pas tant que vous n’aurez pas embrassé l’islam​, est-il écrit.

Me Topaloff n’y croit pas davantage car elle observe, avec justesse, que, certes, l’Occident a beaucoup de choses à se reprocher. Mais ce dont les djihadistes nous font grief, ce ne sont pas nos vices, ce sont nos vertus ​: notre envie de partager de bons moments aux terrasses, dans une salle de concert ou dans un stade de foot. Et l’avocate de se désoler : Nous ne parviendrons sans doute jamais à les convaincre que la France est le pays où on a le plus manifesté contre les crimes de Bachar el-Assad.

Pourtant, même si les terroristes et une partie des accusés se sont fourvoyés dans l’idéologie meurtrière de Daech, ce ne sont ni des fous ni des marginaux ni des monstres​, a rappelé Me Topaloff. Ni d’ex-enfants maltraités. Au cours du procès, la quasi-totalité des accusés avaient reconnu avoir eu des parents aimants. Je ne manquais de rien », a déclaré Mohamed Abrini, l’un des six accusés encourant la perpétuité, a rappelé l’avocate. Comment alors ont-ils pu basculer dans le mal et tuer des individus avec qui ils auraient pu converser ?​ s’est interrogé Me Jean Reinhart. À n’en pas douter, il s’agit de « la » ​grande question de ce procès.

Cinq d’entre eux ont séjourné dans les rangs de Daech et ont donc pu être davantage endoctrinés. Mais pas tous. Une partie de la réponse tient aussi dans l’effet de groupe. Les accusés qui venaient de Molenbeek, passaient nombre d’heures ensemble, notamment au café Les Béguines à vendre du cannabis et à visionner des vidéos du groupe État islamique. Dans cette bande, on ne balance pas​, note Me Topaloff.

Ils sont restés solidaires entre eux jusque dans le box​, déplore également Me Gérard Chemla. Celui-ci en veut pour preuve l’attitude de Mohammed Amri et Hamza Hattou, lorsqu’ils sont allés chercher Salah Abdeslam à Paris, dans la nuit du 13 au 14 novembre 2015 : ils acceptent de le ramener à Bruxelles alors qu’ils viennent d’apprendre que leur copain a participé aux attentats. Ils sont tétanisés, nous disent-ils, souligne Me Chemla. ​Mais sur le chemin du retour, lors de leur troisième contrôle routier, ils sont interviewés par des journalistes. Et que répondent-ils ? Que ces contrôles sont tout de même abusifs… Mais quel cynisme !

Rien ne vaut la solidarité de quartier, renchérit Me Didier Seban. ​Dans le box, ils se sont tenu la main. Aucun d’entre eux n’a donné un détail que nous ne connaissions pas.

Et Me Chemla de conclure à l’intention des accusés qui se sont tus et de ceux qui ont parlé sans vouloir répondre à toutes les questions : Ils se sont défendus comme des vendeurs de shit. Je n’ai pas vu qu’ils ont été à la hauteur de leur procès.

Crédits image et texte : Ouest France©
Source : https://www.ouest-france.fr/faits-divers/attentats-paris/proces/proces-du-13-novembre-dans-cette-bande-on-ne-balance-pas-dit-une-avocate-des-parties-civiles-998e0b96-daa4-11ec-af80-542c876fe5bf