Procès du 13-Novembre. Ali El Haddad Asufi, « un vendeur de shit, pas un terroriste »

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Publié le 17/06/2022 19:45:58

À l’encontre d’Ali El Haddad Asufi, les avocats généraux ont requis 16 ans d’emprisonnement. L’ami des principaux terroristes n’a-t-il vraiment rien su du projet des attentats du 13-Novembre ? Oui, ont soutenu ses avocats.

C’est l’échec absolu de ce dossier​, claque Me Jonathan De Taye, avocat d’Ali El Haddad Asufi. L’échec, c’est l’enquête sur les armes qui ont servi lors des attentats du 13 novembre 2015. Elle n’a jamais pas permis de déterminer qui avait fourni les six kalachnikovs et trente et un chargeurs aux terroristes. Les enquêteurs et juges instructeurs ont juste émis des hypothèses concernant de potentielles filières.

Retrouvez notre direct sur audience du vendredi 17 juin 2022 au procès des attentats du 13 novembre 2015.

Pour autant, Ali El Haddad Asufi, 38 ans, ancien employé à l’aéroport de Zaventem, est soupçonné d’avoir aidé la cellule terroriste à rechercher des armes. Et d’avoir nécessairement su que son ami Ibrahim El Bakraoui, l’un des membres de la cellule et l’un des kamikazes des attentats de Bruxelles, le 22 mars 2016, était affilié au groupe État islamique. Pour cette association de malfaiteurs à caractère terroriste, les avocats généraux ont requis seize ans d’emprisonnement.

Au sujet des armes, les enquêteurs se sont notamment appuyés sur des conversations Whatsapp entre Ali El Haddad Asufi et l’un de ses cousins, dans lesquelles les deux interlocuteurs évoquent des Clio​. Un mot codé, évidemment. Mais que désignait-il ? Pour les avocats de l’accusé, il ne fait pas l’ombre d’un doute qu’il s’agit de stupéfiants, Clio étant l’anagramme de kilos. Ali El Haddad Asufi n’ayant en outre jamais caché qu’il achetait et revendait du cannabis. Dans l’une de ces conversations, le cousin, très explicite, demande à Asufi : Tu as besoin d’un kilo quand ? Je ne savais pas que les armes se vendaient au kilo comme la vaisselle et les fruits​, ironise Me Jonathan De Taye.

Selon l’accusation, c’est à Rotterdam, en Hollande, qu’Ali El Haddad Asufi aurait tenté de trouver des kalachnikovs auprès d’un père et de son fils, réputés trafiquants d’armes. Je ne vous remercierai jamais assez, M. le président, d’avoir permis la déposition de Richard ​(le père). Malgré nos demandes répétées, cela n’a jamais été possible lors de l’instruction », ​sourit Me De Taye.

À l’audience, le supposé trafiquant international d’armes ​avait admis avoir été condamné une fois pour une détention d’armes : Mais c’était il y a trente ans. Il s’agissait d’un pistolet d’alarme​, s’était amusé le témoin. Et souvenez-vous, M. le président, poursuit l’avocat dans une plaidoirie enlevée, ​lorsqu’on lui a demandé où il se trouvait en octobre 2015, il a répondu qu’il devait être en Equateur !​, triomphe l’avocat.

À l’inverse, Me De Taye s’étonne que des pistes évidentes n’aient pas été creusées. Khalid El Bakraoui, le frère d’Ibrahim, a par exemple été impliqué dans l’affaire Charwa : l’achat de trente-neuf chargeurs de kalachnikovs dans une armurerie de Wavre, en 2014. Et l’avocat de s’étonner que l’hypothèse selon laquelle, si Khalid El Bakraoui recherchait des chargeurs, c’est qu’il possédait déjà les kalachnikovs, n’est pas davantage été prise en considération.

L’avocat belge prend un malin plaisir à tourner en dérision une autre hypothèse de l’accusation : les contacts d’Ali El Hadda Asufi avec un autre trafiquant de stupéfiants pour rechercher des armes. Asufi qui est un trafiquant de stupéfiants, va en Hollande, pays de stupéfiants, pour rencontrer un trafiquant de stupéfiants et on en déduit qu’il allait chercher des… armes. Alors certes, je suis Belge, mais là, je ne comprends pas tout. ​Des rires éclatent dans la salle.

Pour autant, Ali El Haddad Asufi aurait-il pu se rendre compte qu’Ibrahim El Bakraoui, son ami, se radicalisait et préparait des projets mortifères ? Les deux hommes se voyaient très régulièrement. Lorsqu’Ibrahim était en prison – il était membre du grand banditisme et avait été condamné à dix ans de prison pour avoir tiré sur des policiers lors d’un braquage – Ali El Haddad Asufi lui avait rendu visite à 41 reprises. Lorsqu’Ibrahim El Bakraoui, sorti de prison, se rend en Turquie puis en Grèce, en juin et juillet 2015, probablement pour rejoindre la Syrie, Ali El Haddad Asufi l’accompagne à l’aéroport de Zaventem pour le premier déplacement, puis jusqu’en Grèce.

Lorsqu’Ibrahim El Bakraoui s’installe dans un appartement conspiratif à Etterbeek, en septembre 2015 (la cellule terroriste est alors en plein dans les préparatifs), Ali El Haddad Asufi lui rend visite à de nombreuses reprises. Pouvait-il vraiment ne pas savoir ? N’a-t-il rien remarqué ? Evidemment que non, selon l’accusation. Oui, soutient une autre avocate de l’accusé, Me Ménya Arab-Tigrine. Elle lit des extraits du serment d’allégeance à Daech, fait par Ibrahim El Bakraoui, le 21 mars 2016, soit à la veille des attentats de Bruxelles : A l’heure d’aujourd’hui, la meilleure action est de combattre les mécréants dans leurs terres […] Prenez une grenade, jetez leur dessus, tirez-leur des coups de feu, prenez un couteau égorgez-les, venez par-derrière, ouvrez leur le crâne avec une hache ou avec une pierre, renversez-les en voiture, tous les moyens sont bons pour, pour, pour les tuer… ​Et l’avocate de commenter : ça, c’est le testament d’un mec qui va mourir en martyr. Alors le mensonge, la trahison, ça ne lui fait pas peur​, plaide Me Arab-Tigrine.

Pour Me Martin Méchin, troisième avocat de l’accusé, le fait que son client n’ait rien perçu du terroriste qu’était devenu son ami est tout simplement logique. Asufi pensait que son ami, en délicatesse avec la justice, souhaitait se mettre au vert. « Pour lui, Bakraoui qui avait commis des braquages, était en cavale. Et son casier judiciaire nous a démontré que c’était plausible. Il était en libération conditionnelle qui devait être révoquée car il ne respectait pas ses obligations ! »

Pour Me Méchin, l’engagement idéologique, « ce n’est pas la bonne clé de lecture pour comprendre Ali ». Les avocats de l’accusé demandent donc que leur client soit acquitté de l’association de malfaiteurs à caractère terroriste. Et qu’il soit simplement condamné pour recel de malfaiteurs…

La semaine prochaine, les plaidoiries de la défense se poursuivront. Ce sera au tour des avocats d’Osama Krayem et de Yacine Atar lundi.

Crédits image et texte : Ouest France©
Source : https://www.ouest-france.fr/faits-divers/attentats-paris/proces/au-proces-du-13-novembre-asufi-un-vendeur-de-shit-pas-un-terroriste-d7fe1b70-ee39-11ec-a52e-44edc7039e9e