Procès de Brétigny : «En 37 ans de carrière, je n’ai jamais vu quatre boulons cassés en même temps»

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Publié le 29/04/2022 16:39:17

Le chef de la division ingénierie de la maintenance des voies de la SNCF a été entendu au 5e jour du procès, à Evry-Courcouronnes. Il a été l’un des premiers à réaliser les constations autour de l’éclisse le soir de l’accident, le 12 février 2013.

Les souvenirs de cette soirée sont un peu confus neuf ans après. Mais si Régis A. peut affirmer une chose, c’est qu’« en 37 ans de carrière, je n’ai jamais vu quatre boulons cassés en même temps ». Cet homme de 59 ans était appelé ce vendredi à témoigner à la barre du tribunal correctionnel d’Évry-Courcouronnes, où se tient depuis le début de semaine le procès de la catastrophe ferroviaire de Brétigny-sur-Orge (Essonne).

Le 12 juillet 2013, quelques heures après le déraillement du train Intercités 3657 Paris-Limoges qui a coûté la vie à 7 personnes et blessé plus de 400 autres, ce chef de la division ingénierie de la maintenance des voies de la SNCF se rend sur place. « Ce jour-là, c’était très compliqué pour moi en tant que cheminot. On n’est pas là pour faire dérailler des trains », lâche-t-il. Jusqu’à 4 heures du matin, il sera réquisitionné pour assister les enquêteurs qui mènent les premières investigations. L’objectif, déterminer la cause de cette catastrophe.

« L’éclisse était tournée complètement »

« Qu’est-ce qui vous a frappé ? » lui demande la présidente Cécile Louis-Loyant. « L’éclisse était tournée complètement, lâche-t-il avant de poursuivre. Par acquit de conscience, je suis remonté 200 m à 300 m en amont pour vérifier s’il ne pouvait pas y avoir d’autres causes, comme une pièce qui traînait. Mais tout était normal. L’éclisse était bien à l’origine du déraillement. »

Au moment où le train est passé, cette sorte d’agrafe métallique qui relie deux rails a pivoté dans un aiguillage après avoir perdu trois de ses quatre boulons. Selon les constatations des policiers, deux boulons à tête diamant sont cassés, un est fortement écrasé, le dernier - celui qui est resté sur place et a fait pivoter l‘éclisse - est tordu. « Rien ne permet à ce moment-là de déterminer si les boulons ont cassé au passage du train ou en amont », rappelle la présidente.

Selon le rapport du Bureau d’enquêtes sur les accidents de transport terrestre (BEA-TT) rendu en septembre 2015 et qui a été parcouru à l’audience ce vendredi, la rupture de la tête diamant du boulon qui occupait le trou numéro 3 aurait pu être détectée le 4 juillet 2013. Date à laquelle Laurent Waton effectue la dernière tournée de surveillance avant la catastrophe. Cet ancien cadre de la SNCF, la seule personne physique poursuivie dans ce procès, n’avait rien relevé d’anormal.

Les experts pointent des défaillances dans les opérations de maintenance

Et le BEA-TT va plus loin, assurant que des défaillances dans les opérations de maintenance ont joué un rôle dans le désassemblage de l’éclisse à l’origine du déraillement. Car le problème aurait pu être détecté bien avant, la rupture s’étant produite selon les experts, qui s’appuient sur des traces visibles d’oxydation, entre un et huit mois avant l’accident. Les trois autres boulons ont cédé « vraisemblablement quelques jours seulement avant le déraillement », précise le rapport.

Une version remise en cause par l’avocat de la SNCF, Emmanuel Marsigny qui s’est rendu en mars dernier sur la base aérienne 217, à Brétigny. C’est là qu’est conservée, depuis le déraillement, l’éclisse. « En fonction de l’angle de vue, l’oxydation n’est pas aussi flagrante », assure-t-il, promettant d’en faire prochainement la démonstration. Déjà, dès janvier 2014, un rapport rédigé par la Direction des audits de sécurité (DAS) de la SNCF préconisait des expertises métallurgiques pour préciser le déroulement du scénario.

Car tout l’enjeu du procès est là : est-ce un problème de maintenance des voies, comme l’a souligné un ingénieur de la SNCF présent sur place dès les premières heures après l’accident, ou un drame imprévisible, thèse mise en avant par la défense ? Le procès, qui doit durer jusqu’au 17 juin, reprendra ce mardi.

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Source : https://www.leparisien.fr/essonne-91/proces-de-bretigny-en-37-ans-de-carriere-je-nai-jamais-vu-quatre-boulons-casses-en-meme-temps-29-04-2022-J7MIWHJYOBHT7DG2EURMWVPN2Q.php