Pornographie. Le patron de « Jacquie et Michel » en garde à vue : cinq questions sur l’affaire

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Publié le 15/06/2022 16:08:14

L’interpellation et la garde à vue du propriétaire du site pornographique « Jacquie et Michel » révèle les coulisses sordides du porno amateur. La condition des femmes dans cette industrie est de plus en plus dénoncée.

L’annonce bouscule de nouveau l’industrie du porno amateur. Le propriétaire du site « Jacquie et Michel », Michel Piron, sa femme ainsi que trois hommes présentés comme des « acteurs » ont été placés en garde à vue mardi 14 juin 2022 dans le cadre d’une enquête ouverte en juillet 2020 à Paris pour viols et proxénétisme.

Retour sur cette affaire en cinq questions.

Michel Piron, 64 ans, est le président du groupe Arès qui détient le site « Jacquie et Michel ». Son interpellation et sa garde à vue résultent d’une enquête lancée en juillet 2020 dans laquelle il est poursuivi pour agressions sexuelles et complicité de plusieurs infractions parmi lesquelles viols aggravés, proxénétisme aggravé et traite d’êtres humains. Sa femme, dénommée Araceli, âgée de 60 ans, a aussi été placée en garde à vue, de même que trois hommes, qui seraient des acteurs, retenus pour soupçons de viols aggravés ou en réunion, traite d’êtres humains ou encore proxénétisme.

La police judiciaire enquête sur cette affaire après les témoignages de plusieurs actrices affirmant avoir été contraintes à des pratiques sexuelles alors qu’elles n’étaient pas consentantes.

L’affaire est tombée dans les mains de la justice après que des actrices ont brisé le silence, se confiant notamment aux associations Osez le féminisme, les Effronté-es et le mouvement du Nid. Ces associations ont relayé les témoignages de plusieurs actrices qui affirment avoir été contraintes à des « pratiques sexuelles hors normes et douloureuses » alors qu’elles n’étaient pas consentantes.

Ce signalement avait suivi les témoignages de deux femmes en février 2020 par le site Konbini, relatant des pratiques sexuelles imposées malgré des refus répétés ainsi que des méthodes de rabattage impliquant l’un des fondateurs de la société Arès, propriétaire de Jacquie et Michel.

Dans son livre-enquête intitulé Judy, Lola, Sofia et moi (Ed. Goutte d’Or, 2018), le journaliste Robin D’Angelo a aussi raconté les dessous du porno amateur après avoir infiltré l’industrie. Il y dénonce « l’absence récurrente de consentement, le non-respect du droit du travail et des pratiques contraires à la dignité humaine ».

En décembre 2021, Le Monde avait aussi raconté les pratiques de rabattage menées pour convaincre des jeunes femmes précaires ou fragiles de tourner des vidéos. L’enquête révélait notamment que les réalisateurs leur imposaient au dernier moment de multiples partenaires et des pratiques violentes non consenties.

Ce mercredi, le journal relate notamment le témoignage d’une actrice qui affirme que les réalisateurs de Michel Piron lui ont fait consommer de la drogue avant les tournages. Elle raconte avoir été séquestrée, forcée à des pratiques non mentionnées dans le contrat, et décrit une scène qui s’apparente selon elle à de la « torture ».

L’avocat du groupe Arès, qui détient le site Jacquie et Michel, Me Nicolas Cellupica, affirme que Michel Piron ignorait les actes de violences sexuelles et balaye les accusations de prostitution et de proxénétisme : « La pornographie n’a jamais été assimilée à de la prostitution : une actrice porno n’est pas une prostituée et un réalisateur ou diffuseur n’est pas un proxénète », défend-il.

La ligne de défense de « Jacquie et Michel » est surtout d’affirmer que le groupe n’est qu’un simple diffuseur : « Le groupe Jacquie et Michel n’a jamais produit ou réalisé de film et n’est que diffuseur de films réalisés par des producteurs indépendants », estime l’avocat.

Cette version est toutefois contestée par des acteurs et producteurs de l’industrie qui soutiennent que c’est Michel Piron, présent sur les tournages, qui donne les directives. « Le groupe Jacquie et Michel serait, selon eux, le véritable donneur d’ordre et serait parfaitement au courant des dérapages sur les tournages », rapporte ainsi Le Monde.

L’actrice Nikita Bellucci qui a travaillé pour Jacquie et Michel en 2012, a témoigné ce mardi sur BFMTV , assurant que le groupe ne peut pas se cacher derrière son statut de simple diffuseur, car il était au courant de ce qui se passait sur les tournages.

Une autre enquête colossale est aussi menée à Paris depuis 2020, visant les pratiques de la plateforme « French Bukkake ». Au moins douze personnes, dont les producteurs surnommés « Pascal OP » et « Mat Hadix », sont poursuivies dans ce dossier exceptionnel ouvert pour traite d’êtres humains aggravée, viol en réunion ou proxénétisme aggravé. Des dizaines de victimes ont été identifiées par les enquêteurs.

Michel Piron apparaît à plusieurs reprises dans cette affaire : « Jacquie et Michel, et plus précisément Michel Piron, gère la production de ses scènes pornographiques », relevait ainsi en janvier une gendarme de la section de recherches de Paris sur des échanges entre deux producteurs X.

D’origine toulousaine, Michel Piron était d’abord enseignant avec sa femme dans un petit village de la banlieue de Tarbes avant de se lancer dans le porno amateur. L’homme a commencé par créer en 1999 une page Internet diffusant des photos osées avant de déposer – fort de son succès – sa marque Jacquie et Michel en 2004.

Le couple quitte l’éducation nationale et lance deux ans plus tard des vidéos sur son site. L’entreprise qui prolifère est une affaire familiale puisque, en plus de sa femme, son fils Thibault a repris en partie les rênes à la fin des années 2010. Il devient le bras droit de son père. Le groupe qui a fondé son succès sur l’achat à petits prix de vidéos amateur en France, professionnalise peu à peu sa production, concurrençant désormais les leaders de l’industrie pornographique.

Crédits image et texte : Ouest France©
Source : https://www.ouest-france.fr/societe/faits-divers/pornographie-le-patron-de-jacquie-et-michel-en-garde-a-vue-cinq-questions-sur-l-affaire-dd5a1c94-ec7d-11ec-b8a2-57b769467ba5