Peur blanche

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Publié le 01/02/2023 04:50:00

Longtemps réservée à la jet-set, la cocaïne inonde désormais l’Europe. Les mafias qui l’importent ont tissé leurs toiles dans les ports du Vieux Continent, dont Le Havre. Et font régner la terreur. L’édito de Damien Delseny, rédacteur en chef adjoint en charge du service police-justice du Parisien-Aujourd’hui en France.

C’est un chiffre de l’Insee qui interpelle. En 2020 les Français ont dépensé un peu plus de 4 milliards d’euros en stupéfiants : cannabis, cocaïne, héroïne, drogues chimiques… Quatre milliards d’achats clandestins tombés dans les poches des trafiquants. Deuxième drogue la plus consommée en France et en Europe, la cocaïne se taille une belle part du gâteau.

La poudre n’est plus seulement réservée à la jet-set. La coke, devenue moins chère, s’est démocratisée. À l’échelle européenne la cocaïne pèse plus de 10 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Le business ne pouvait donc pas échapper au crime organisé, aux mafias qui tissent leurs toiles. La concurrence est rude, souvent sanglante, toujours très violente pour gagner ou préserver ses parts de marché.

Pour accueillir la poudre envoyée par les « narcos » sud-américains vers le Vieux Continent, il faut tracer des routes – aériennes, maritimes – et installer des « hubs » pour récupérer la marchandise qui arrive par livraisons de centaines de kilos. Les gangs ont donc ciblé les grands ports européens : Anvers, Rotterdam, Hambourg, Le Havre, mais aussi Saint-Nazaire ou Marseille. Et cherchent à y faire régner leur loi, évidemment celle du plus fort. L’argent du trafic suffit largement à s’offrir les précieux sésames pour éviter les contrôles, les saisies, et corrompre douaniers, dockers, chauffeurs routiers, prêts à verser du côté sombre contre des enveloppes de plusieurs dizaines de milliers d’euros.

Mais une fois tombé dans ce milieu il faut aussi en accepter les règles, et sa principale : celle de la terreur. Enlèvements, passages à tabac, tortures et même éliminations pures et simples. Au Havre, un docker est mort ainsi en 2020, sans que l’on sache si le mobile était son refus de mettre un doigt dans l’engrenage ou s’il en savait trop. Beaucoup d’autres subissent des pressions permanentes, des menaces sur leurs familles, des séquestrations. Tous ne déposent pas plainte. Parce que la peur a envahi les docks. En Belgique et aux Pays-Bas, les mafias ont enclenché une vitesse supérieure : elles ont tué un avocat, un journaliste, tenté d’enlever des ministres. Tous ceux et celles qui cherchent à se mettre sur leur route deviennent des cibles. Sans exception.

Crédits image et texte : Le Parisien©
Source : https://www.leparisien.fr/faits-divers/peur-blanche-01-02-2023-7NJ4KULKXZBUXLDIY3G5QM3Z4M.php