Pays basque : 400 000 euros évaporés dans un investissement opaque

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Publié le 10/11/2021 20:20:38

Mardi 9 novembre, le tribunal de Bayonne s’est penché sur les opérations financières réalisées par une famille de Bassussarry. L’ex-compagnon était accusé d’escroquerie

Il y a deux endroits où l’attente est insupportable, le tribunal et le karaoké. Mardi 9 novembre, dans la salle des pas perdus, Lorenzo prépare sa défense. De retour parmi le public, il se met dans sa bulle. Il surligne ses phrases, entoure ses mots, relit ses notes dans un cahier parfaitement tenu.

À l’appel du tribunal, le dernier prévenu de la journée se lève difficilement. Vers 16 heures, cet Italien de 64 ans, né à San Remo, ancien avocat sans revenu, héritier d’un trust familial, se présente à la barre. Habillé modestement, presque hésitant, il demande au président du tribunal la permission de s’asseoir, car il a des problèmes de santé. L’audience vient de commencer, elle se terminera à 22 heures.

Rapidement, Lorenzo se défend comme un lion. Il connaît bien les prétoires. Cette fois, il est accusé d’avoir escroqué près de 400 000 euros à huit personnes de l’entourage de son ex-compagne, et d’avoir tenté d’extorquer 30 000 euros à un bureau de change biarrot, ente mai 2009 et décembre 2013.

À cette période, Lorenzo s’est rapproché d’une femme vivant à Bassussarry. Il l’épouse et s’installe au Pays basque. Il reçoit la famille de sa compagne. Lorenzo a un beau train de vie. Il en impose. Il explique aux membres de sa nouvelle famille que son argent provient d’investissements très rémunérateurs contractés auprès du Crédit suisse. Il propose de leur faire partager son plan en or.

« Un système pyramidal »

La sœur de sa compagne est la première a lui confier 250 000 euros. Ils signent un contrat précis. Les intérêts arrivent très vite. Les autres membres de la famille lui emboîtent le pas. « La première voyait revenir la somme. Elle a récupéré pratiquement tout son argent. C’était l’appât. Les autres ont perdu davantage », explique Me Bernard-Franck Macera. L’avocat bayonnais défend une partie de l’entourage, face à celui qu’il définit comme un escroc « sournois et machiavélique » qui a monté un « système de Ponzi », appelé aussi « cavalerie ».

Ce mécanisme financier consiste à rémunérer les premiers investisseurs par les capitaux des nouveaux entrants. Les personnes attirées par des rendements élevés nourrissent le système jusqu’à son effondrement. « Lorsqu’il n’y avait plus d’argent en retour. Les membres de la famille gagnent de moins en moins. Un couple de jeunes gens, la fille et le beau-fils de sa compagne, ont perdu pratiquement 250 000 euros. » Dans un montage pyramidal, le dernier arrivé tombe toujours de très haut.

Faux billets et un pistolet

« Il se faisait remettre les sommes, prétextant qu’elles étaient envoyées au Credit suisse. Il rapportait, quelques fois, jusqu’à 20 % d’intérêt aux investisseurs. Alors, les membres de sa famille de cœur lui en donnaient encore davantage. Il disait qu’il connaissait le vice-président d’une des plus grandes banques du monde. Mais, le président du Crédit suisse dont il parlait n’existait pas », explique Me Bernard-Franck Macera.

« Lorenzo raconte dans les moindres détails comment le prêteur mafieux aurait sorti un pistolet »

Le 23 décembre 2013, Lorenzo se rend dans un bureau de change de la rue Mazagran, à Biarritz. Il dit avoir besoin de 71 200 francs suisses pour payer les intérêts d’un emprunt. Il part à Monaco, remet la somme au prêteur et revient catastrophé. Il reproche à l’agent de change d’avoir glissé 15 faux billets. La fausse monnaie aurait été détectée par un obscur restaurateur sicilien.

Lorenzo raconte dans les moindres détails comment le prêteur mafieux aurait sorti un pistolet du coffre d’une Maserati dans un parking souterrain, menaçant de l’abattre ici ou ailleurs. Lorenzo a donc expliqué à l’agent de change qu’il risquait d’avoir des ennuis s’il n’acceptait pas de payer la moitié.

À la sortie du bureau de change

Selon le Ministère public, Lorenzo aurait voulu extorquer le bureau de change de Biarritz pour payer les intérêts à la famille et continuer son montage financier. Interpellé à la sortie du bureau de change, placé en détention le 25 décembre 2013, il sort de prison en 23 décembre 2014 pour des raisons de santé.

Lorenzo décrit des gens avides qui l’auraient utilisé dans le but de vouloir gagner beaucoup d’argent. S’il n’a pas pu les rembourser, c’est parce qu’il lui était impossible de se rendre en Suisse à cause du contrôle judiciaire. « On a des entrées dans les comptes, des grosses sorties d’espèces, mais rien qui ne justifie les 400 000 euros investis par les parties civiles », se lamente Me Bernard-Franck Macera.

La substitut du procureur, Amélie Djaoudo, a requis trois ans de prison dont deux ferme, assorties d’une obligation de soin et d’indemniser les victimes, une interdiction d’exercer une activité commerciale et d’émettre des chèques.

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Source : https://www.sudouest.fr/pyrenees-atlantiques/bayonne/pays-basque-400-000-euros-evapores-dans-un-investissement-opaque-6895064.php