Publié le 08/09/2022 16:12:03
Le témoignage de ce prêtre jésuite a reçu ce mercredi 7 septembre le « Prix de la liberté intérieure », décerné par Le Jour du Seigneur en partenariat avec RCF, La Procure, France 2 et Ouest-France.
Trente ans d’anti-inflammatoires, on arrête. Vous permettez que je prenne soin de vous ? Je vais vous orienter vers notre centre antidouleur. Patrick Goujon, rongé par un mal de dos chronique depuis l’enfance, a été sauvé par ces mots. La nouvelle thérapie qui lui est proposée et le permettez que je prenne soin de vous prononcé par son rhumatologue l’ont conduit à une prise de conscience progressive.
Patrick Goujon a été abusé sexuellement par un prêtre lorsqu’il était enfant. Un souvenir enfoui au plus profond de lui-même, pendant des décennies. Lors de l’agression, l’émotion trop violente est interceptée, écrit-il. Au moment où elle heurte, elle est aussitôt soustraite, sans qu’elle ait eu le temps d’être sentie. C’est l’œuvre de quelque puissance de la psyché qui fait écran. Mais la victime n’en est pas quitte pour autant. C’est là son piège : ce qui la protège sur le coup fait surgir ce qui la mettra à la peine, pendant vingt, trente, quarante ans. La victime ne pourra en soupçonner l’origine : elle a été dissimulée afin que l’enfant puisse grandir.
Cette révélation, des années après les faits, est une libération, mais d’une puissance dévastatrice. Patrick Goujon partage, dans un récit ciselé, où chaque mot est pesé au trébuchet, sa stupeur, ses doutes, la rage et la honte, sa culpabilité (Je fus consterné de n’avoir pas su parler pendant de si nombreuses années), l’effondrement et la renaissance induits par la résurgence de ce traumatisme. Le besoin de savoir, aussi. Et de faire éclater la vérité.
Soutenu par l’évêque de Verdun, qu’il alerte sur les faits, il découvre que son agresseur a sévi pendant des années, faisant plus de 400 victimes. Que ses agissements étaient connus de l’Église, qui l’a éloigné des enfants, mais sans engager de poursuites faute de plaintes. Que la justice des hommes, qui l’écoute, instruit l’affaire, a ses limites, bornée par la prescription.
Patrick Goujon met tout sur la table. Jusqu’à la question de la foi, réinterrogée par ce grand bouleversement. Et pourtant, vous êtes prêtre aujourd’hui. Comment est-ce possible ?, s’étonne l’inspecteur de police qui recueille sa plainte. Une question lancinante - comment avais-je bien pu choisir de devenir prêtre à mon tour ? » - à laquelle ce jésuite, professeur d’histoire de la spiritualité au centre Sèvres-Facultés jésuites de Paris, apporte une réponse lumineuse : Prière de ne pas abuser. Thérapie pour lui, témoignage essentiel pour nous tous. À lire absolument.
Prière de ne pas abuser, Patrick C. Goujon, Le Seuil, 89 pages, 12 €.
Patrick Goujon sera l’invité de l’émission Le Jour du Seigneur , ce dimanche 11 septembre, à 10 h 30, sur France 2.
Le Prix de la Liberté intérieure a été créé par l’émission Le Jour du Seigneur en 2018. Cette cinquième édition a été organisée en partenariat avec RCF, La Procure, France 2 et Ouest-France. Le jury 2022 était présidé par Charles Wright, lauréat du Prix de la Liberté intérieure 2021 pour Le Chemin des Estives (Flammarion).
Pour cette nouvelle édition, six autres ouvrages étaient dans la sélection, chroniquées cet été par Le Jour du Seigneur et RCF : Être à sa place, de Claire Marin (L’Observatoire) ; Si tu veux la vie, de David-Marc d’Hamonville (Albin Michel) ; Vivre en mortel, de Christian de Cacqueray (Salvator) ; S’adapter, de Clara Dupont-Monod (Stock) ; Sois le berger de mes agneaux, d’Alexandre Siniakov (Desclée de Brouwer) ; Il n’y a pas de cheval sur le chemin de Damas, de Florence Delay (Seuil).
Crédits image et texte : Ouest France©
Source : https://www.ouest-france.fr/culture/livres/patrick-goujon-laureat-du-prix-de-la-liberte-interieure-2022-pour-priere-de-ne-pas-abuser-3f32563a-2f6c-11ed-9e2e-941646c9f304