Nicolas Sarkozy à la barre au procès Bygmalion : «Je conteste que cet argent ait servi à abonder ma campagne»

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Publié le 15/06/2021 20:20:43

Au 16e jour du procès ce mardi devant le tribunal de Paris, l’ancien président-candidat, l’un des prévenus, a nié toute imprudence ou négligence et affirmé que les millions d’euros de la fraude n’avaient pas servi à financer sa campagne 2012.

Son message est clair, martelé avec de grands moulinets de bras ou des haussements d’épaules. Non, tonne Nicolas Sarkozy, ce mardi 15 juin, à la barre du tribunal de Paris, il n’a jamais eu « l’intention de trafiquer » les comptes de sa campagne électorale de 2012 à coups de « fausses conventions » et de « fausses factures ». Non, insiste l’ancien chef d’Etat, prévenu dans le procès Bygmalion, il n’a pas non plus été « négligent » ou « imprudent » face aux avertissements de ceux qui devaient veiller aux dépenses – ces fameuses « notes d’alerte » des experts-comptables qu’il préfère appeler « notes prudentielles ».

Et quant aux 20 millions d’euros de dépassement du plafond dissimulés ? L’ancien président de la République, costume sombre sur chemise claire, affirme haut et fort cette conviction : « Je conteste que cet argent ait servi à abonder ma campagne ! Je conteste que ces fausses factures aient servi à (la) financer », répète-t-il.

« L’argent, il n’a pas été dans ma campagne, parce que s’il y avait été, ça se serait vu ! Sarko est devenu fou, il offre du caviar aux militants qui viennent ! », explique-t-il, niant ainsi, a contrario de ce qu’écrivait le juge d’instruction dans son ordonnance de renvoi, avoir « incontestablement bénéficié des fraudes révélées par l’enquête » en disposant « de moyens bien supérieurs à ce que la loi autorisait ».

«Elle est où la campagne en or massif ?»

Face à la présidente de la 11e chambre, tel un tribun à un meeting, le prévenu phare du procès s’emporte parfois avec véhémence, cherchant du regard des soutiens à gauche et à droite de la barre. « Pardon madame ! glissera-t-il. Je suis devant un tribunal, je défends mon honneur et je le défends avec passion ! » Pour sa première apparition dans ce prétoire, la salle est bondée, sa géographie – sécurité oblige ? – a été modifiée. Ses gardes du corps veillent au premier rang ; ses communicants au second ; son avocat, Me Thierry Herzog, à sa gauche.

Nicolas Sarkozy répond du seul délit de « financement illégal de campagne électorale » et encourt une peine bien moindre que les treize autres prévenus du dossier – un an de prison et 3 750 € d’amende, quand d’autres risquent jusqu’à cinq ans pour usage de faux, abus de confiance ou escroquerie. « J’ai cru comprendre qu’ils n’étaient pas renvoyés pour les mêmes chefs que moi », justifiera-t-il face à la procureure quant au « choix » de son absence jusque-là à l’audience.

Interrogé longuement sur l’organisation matérielle de sa campagne présidentielle de 2012, Nicolas Sarkozy défend mordicus qu’elle n’aurait pas été plus dispendieuse que celle de 2007 et qu’elle ne s’est jamais « emballée ». « Une campagne amateur à cinq meetings, c’est une fable (…). Elle est où la campagne en or massif ? En quoi ma campagne a été différente de celles de François Hollande ou de Marine Le Pen ? » A l’entendre, lui n’aurait eu personnellement que deux exigences : « Une bonne sono, où je n’ai pas la voix cassée, je ne suis pas Patrick Bruel ! Et après, qu’on ne me fasse pas apparaître blafard, voilà ! » Le grand raout de Villepinte à six millions d’euros et ses 70 000 militants enflammés ? La scène dressée ? « Villepinte est un hangar. Il faut une scène parce qu’il faut que le candidat soit vu. »

«Tout était d’équerre»

Si différence il y a, dit-il, au regard de 2007, c’est qu’en 2012 il était président sortant et non plus, comme à l’époque, patron de l’UMP, qui avait alors géré sans prestataire, pour un nombre de meetings équivalent (plus d’une quarantaine). Le choix de les confier à Event ou à Bygmalion, dont il n’avait jamais entendu les noms avant la révélation du scandale en 2014 ? Il n’est donc pas le sien mais celui de Jean-François Copé, alors à la tête du parti, tacle-t-il, en renvoyant la balle dans le camp de celui « dont il est de notoriété publique » qu’ils « n’avaient pas de rapports confiants ».

S’il doit reconnaître une erreur, c’est d’avoir voulu « rassembler », y compris en nommant celui qui était le bras droit de Jean-François Copé à l’UMP (Jérôme Lavrilleux) comme directeur adjoint de la campagne. Et aussi d’avoir « délégué » à tous ceux qu’il avait désignés et dont il défend le choix : « Je ne peux être tenu pour responsable du fait de savoir si le mandataire, le trésorier, l’expert-comptable ont fait ce qu’ils devaient faire. Ce n’était pas à moi, président et candidat, de faire le boulot à leur place. »

Il a sans doute vu les notes d’alerte, admet-il, mais jamais il n’a signé ni un devis, ni les « 43 cartons de factures ». Et s’il a paraphé le compte de campagne in fine, dit-il, c’est parce que « tout était d’équerre » avec même « 1,6 million d’euros de marge ».

«À qui profite le crime, sinon à ceux qui gagnent de l’argent ?»

« Est-ce que ma campagne a coûté le double ? Mon mandataire et mon expert ont-ils couvert un système de fausses factures ? Non, répond Nicolas Sarkozy, qui insiste encore : « Elle n’a pas coûté ce qu’on a dit. »

« Pourquoi cette fraude alors ? » insiste la présidente. L’ancien président revient encore à cette hypothèse, pourtant étudiée et balayée par l’instruction, désignant Bygmalion et ses dirigeants : « A qui profite le crime, dit-il, sinon à ceux qui gagnent de l’argent. Quel avantage en ai-je tiré ? D’organiser le Sarkhoton pour lever 11 millions d’euros ? (NDLR : pour renflouer les caisses du parti après l’invalidation de son compte en 2013) ? De payer de ma poche 363 000 € ? D’être bafoué depuis des années ? »

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