Mort de Steve à Nantes. Pourquoi un commissaire de police est mis en examen

logo Ouest France illustration Mort de Steve à Nantes. Pourquoi un commissaire de police est mis en examen

Publié le 21/07/2021 07:47:22

Premier acte de la réponse de la justice, deux ans après la mort de Steve Maïa Caniço à Nantes. Le commissaire de police chargé de l’intervention controversée de l’île de Nantes le soir de la fête de la musique est mis en examen pour homicide involontaire.

Deux ans, c’est long. Cette lenteur a beaucoup été reprochée aux autorités saisies sur les causes de la noyade dans la Loire de Steve Maïa Caniço, le 22 juin 2019, à Nantes. Deux ans que le slogan « Justice pour Steve » s’impose dans les cortèges, sur les murs, sur les autocollants éparpillés dans la ville.

Ce mardi 20 juillet, le parquet de Rennes a annoncé la mise en examen pour homicide involontaire du commissaire divisionnaire Grégoire Chassaing. C’est lui qui dirigeait les policiers venus à 4 h du matin couper le son de la soirée électronique de l’île de Nantes, organisée en marge de chaque la fête de la musique.

« Pour la famille de Steve Maïa Caniço, cette mise en examen est un grand soulagement », commente Cécile de Oliveira, l’avocate des parents de l’animateur périscolaire de 24 ans, jeune homme très apprécié dans son école de Treillières, près de Nantes. Les éléments techniques réunis très sérieusement par le juge d’instruction confirment le lien de causalité entre la charge policière et la mort de Steve. »

La police a toujours réfuté ce mot de « charge ». Lors de l’intervention, un DJ s’est rebellé en rallumant le son sur un hymne anti-flic, quelques teufeurs ont lancé insultes et projectiles, elle a répliqué avec des lacrymos… « Jeter plusieurs dizaines de grenades lacrymogènes sur un espace restreint , la nuit, près de l’eau, s’apparente à une charge », maintient l’avocate.

Le 17 juin, un rapport d’expertise commandé par le juge d’instruction a établi que le téléphone de Steve s’est bien éteint à 4 h 39, au moment de l’intervention policière. Cela accrédite l’hypothèse de ses amis : ce soir-là, le jeune passionné de musique électro, qui ne buvait pas, dormait après avoir beaucoup dansé. Il s’est réveillé en pleine panique collective et il est tombé dans la Loire comme une poignée d’autres teufeurs. Mais lui ne savait pas nager. On a retrouvé son corps trente-huit jours plus tard, dans un bras du fleuve, de l’autre côté de l’île de Nantes.

Un rapport de l’Inspection générale de l’administration (du ministère de l’Intérieur) avait pointé un « manque de discernement » dans la conduite de cette intervention policière. Il détaillait aussi les moyens utilisés : 33 tirs de grenades lacrymogènes, 10 tirs de grenades de désencerclement et 12 tirs de lanceur de balles de défense (LBD), sur un quai de Loire dépourvu de barrières...

Après tout, lors de la free party de juin 2017, au même endroit, les policiers avaient préféré se replier en attendant que la fête se calme. Pourquoi le commissaire divisionnaire nantais (devenu depuis le n° 2 de la police du Puy-de-Dôme), n’a-t-il pas fait preuve d’une telle prudence ? Ce sera sans doute un élément clef du débat si l’instruction aboutit, un jour, à une comparution devant un tribunal.

Pour l’heure, Grégoire Chassaing « conteste les motifs et les termes de sa mise en examen, mais il ne souhaite faire aucun commentaire sur une instruction en cours », a réagi, auprès de l ’AFP, son avocat Me Louis Cailliez.

Le commissaire ne fait pas l’objet d’une mesure de contrôle judiciaire, mais il devrait être de nouveau entendu par le juge d’instruction, à la fin septembre.

La mise sur la sellette de ce cadre policier, pour des faits ayant eu lieu lors d’une année « gilets jaunes », où les forces de l’ordre ont fait face à de nombreuses manifestations violentes à Nantes, a suscité beaucoup d’indignation chez ses collègues.

Un autre commissaire, Thierry Palermo, le supérieur de Grégoire Chastaing, qui supervisait les interventions lors de cette fête de la musique 2019 à partir du commissariat central de Nantes, n’a pas été mis en examen. Il a été placé sous le statut de témoin assisté, indique le procureur de Rennes, Philippe Astruc.

Quatre autres personnes sont convoquées par le juge d’instruction dans cette affaire, d’ici à la fin septembre : la maire (PS) de Nantes Johanna Rolland, son ancien adjoint à la sécurité Gilles Nicolas, l’ancien préfet de Loire-Atlantique Claude d’Harcourt, ainsi que le directeur de cabinet du préfet en poste au moment des faits, rapporte l’AFP. Un rapport de l’administration leur reproche d’avoir toléré l’existence d’une free party sur ce quai de Loire de 35 m de large, dépourvu de barriérage, sans mesure de sécurité adéquate.

Crédits image et texte : Ouest France©
Source : https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/nantes-44000/mort-de-steve-pourquoi-un-commissaire-est-mis-en-examen-7dbd0a5a-e961-11eb-89e6-1dd7ac0e3ad2