Mort d’Yvan Colonna : deux observations inquiétantes au sujet de son agresseur auraient été effacées des données pénitentiaires

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Publié le 15/03/2023 17:15:17

Le militant indépendantiste avait été agressé il y a un peu plus d’un an par un codétenu qui purgeait plusieurs peines dont une de neuf ans pour « association de malfaiteurs terroriste ». Il avait succombé à ses blessures trois semaines plus tard.

Le meurtrier présumé d’Yvan Colonna à la prison d’Arles (Bouches-du-Rhône) avait fait l’objet de deux observations inquiétantes la veille de l’agression, qui n’apparaissent pas dans les données transmises par l’administration pénitentiaire, a annoncé ce mercredi la commission d’enquête de l’Assemblée nationale.

Le 2 mars 2022, Yvan Colonna, qui purgeait une peine de prison à perpétuité à la maison centrale d’Arles pour l’assassinat du préfet Claude Erignac, avait été violemment agressé par Franck Elong Abé, un homme de 36 ans qui purgeait plusieurs peines dont une de neuf ans pour « association de malfaiteurs terroriste ». Il était décédé des suites de ses blessures après trois semaines de coma. Une procédure judiciaire pour « assassinat en relation avec une entreprise terroriste » avait été ouverte.

La commission des lois de l’Assemblée nationale avait procédé à plusieurs auditions sur ce drame au printemps 2022, dont celles de la cheffe de l’établissement et du directeur de l’administration pénitentiaire, mais plusieurs députés avaient ensuite réclamé une commission d’enquête sur les « dysfonctionnements » ayant permis la mort du militant indépendantiste corse, où les personnes auditionnées doivent prêter serment.

Cette commission a révélé ce mercredi que la veille de l’agression, une surveillante aurait entendu « une conversation de trois détenus dont Franck Elong Abé, où le terme Je vais le tuer est apparu » et elle aurait constaté que ce dernier « vidait sa cellule », selon un document transmis il y a quelques jours par le renseignement pénitentiaire à la commission d’enquête. Or, ces deux observations sont absentes des données transmises par l’administration pénitentiaire et n’ont pas été mentionnées lors des auditions à l’Assemblée, a souligné lors d’une conférence de presse le député nationaliste de Haute-Corse Jean-Félix Acquaviva, président de cette commission.

« Nous avons les plus grandes interrogations et les plus grands doutes (…) quant à la possible tentative d’effacement de ces données » dans le logiciel de l’administration pénitentiaire, a-t-il déclaré. « Nous ne nous interdisons pas tout processus judiciaire » si cette « hypothèse » était avérée, a ajouté le député, au côté du rapporteur de la commission, Laurent Marcangeli (Horizons).

Aucune donnée à partir du 29 janvier 2022

Dans le cadre de leurs travaux, les députés ont demandé à l’administration pénitentiaire le dossier de Franck Elong Abé dans Genesis, le logiciel de traitement de données sur les détenus, a expliqué Jean-Félix Acquaviva. Les agents pénitentiaires doivent y inscrire des observations sur les détenus particulièrement surveillés (DPS), statut de Franck Elong Abé, également étiqueté « terroriste islamiste » (TIS). Mais les données transmises ne comportent aucune annotation sur ce détenu à partir du 29 janvier 2022, contre « quatre à six par mois » auparavant, ce qui est « anormal », a observé le député. Relancée, l’administration pénitentiaire a expliqué que les observations concernant les DPS se trouvaient dans « un onglet à part ». Mais une fois transmis cet « onglet supplémentaire », à la date du 1er mars ne figure qu’« une information mineure » concernant « un échange de paquet de pâtes ».

Or, selon le renseignement pénitentiaire, l’agente a transmis deux courriers à sa hiérarchie après l’agression, détaillant plusieurs incidents, dont la conversation et le rangement de la cellule. Elle y précise avoir averti sa hiérarchie « le jour même », le 1er mars, et avoir « réalisé une observation » dans le logiciel dédié. « Ces informations (…) auraient dû » conduire à « porter encore plus l’attention à la surveillance de l’individu et éviter le drame du lendemain », a déploré Jean-Félix Acquaviva.

L’agression du militant indépendantiste avait déclenché une vague de violence en Corse où il reste une figure appréciée par une partie des habitants. La famille d’Yvan Colonna avait déposé plainte contre l’État français, considérant que l’administration pénitentiaire était « juridiquement responsable de son décès ». La parution du rapport de la commission est prévue en mai.

Crédits image et texte : Le Parisien©
Source : https://www.leparisien.fr/faits-divers/mort-dyvan-colonna-deux-observations-inquietantes-au-sujet-de-son-agresseur-auraient-ete-effacees-des-donnees-penitentiaires-15-03-2023-YFM7SIUHIVERTOPYXLZPBDXIF4.php