Meurtre du père Olivier en Vendée : « Il ne faut ni expulser ni régulariser sans exception », selon Pierre Henry

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Publié le 10/08/2021 20:31:45

Spécialiste du droit d’asile, le président de « France Fraternité » dénonce le discours de nombreux responsables politiques et appelle à traiter la régularisation des étrangers « avec pragmatisme »

Longtemps directeur général de « France, Terre d’asile », Pierre Henry préside l’association « France Fraternité » depuis septembre 2020.

Comment réagissez-vous à la mort tragique du père Olivier Maire ?

D’abord, c’est un drame épouvantable et je rends hommage au père Olivier Maire. Un drame qui suscite une exploitation politique sans vergogne, comme d’habitude, avec l’ultra-droite qui surfe sur ces faits divers. Une aubaine au moment où on parle du pass sanitaire et de la vaccination obligatoire. Je vous laisse imaginer les réactions si l’auteur des faits avait été musulman.

Le problème est que la situation d’Emmanuel Abiyisenga n’a rien à voir avec le droit d’asile, au sens de la Convention de Genève. Il avait fait des demandes d’asile auprès de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), il a été débouté et aurait dû être reconduit à la frontière. Le tribunal administratif a invalidé ces décisions en appliquant le droit. Il faudrait rappeler à nombre de responsables politiques la séparation des pouvoirs. S’il n’a pas été expulsé, c’est parce qu’il a des comptes à rendre à la justice française pour l’incendie de la cathédrale de Nantes.

Y a-t-il eu une défaillance juridique ?

Il y a d’abord eu une défaillance de l’appareil psychiatrique. Jamais cet homme n’aurait dû quitter l’hôpital où il était interné. On a mal évalué sa dangerosité. Franchement, c’est un miracle qu’il n’y ait pas, chaque jour, des faits divers comme celui qui vient d’endeuiller la communauté catholique et l’ensemble du pays. Il y a un vrai problème de moyens. Le père Olivier Maire l’avait accueilli, mettant en pratique les préceptes de l’Évangile. C’est un drame éthique autour des valeurs de l’accueil.

Comment se fait-il qu’il n’ait jamais été reconduit à la frontière ?

Parce que les éloignements du pays ne sont pas efficaces. Il est extrêmement difficile de savoir ce que deviennent les personnes déboutées de leur demande de droit d’asile. Le nombre d’OQTF (Obligations de quitter le territoire français) dépasse les 100 000 chaque année. On les multiplie pour faire du chiffre. Dans la réalité, environ 15 000 sont exécutées. En Allemagne, par contre, où le problème est traité avec pragmatisme, on compte 50 000 obligations mais 25 000 sont concrétisées. Il y a de surcroît un système par points qui peut aboutir à la régularisation.

Régularisation, ce n’est pas un gros mot. Cela doit être traité au cas par cas, raisonnablement et intelligemment. Quand j’entends des responsables politiques prôner l’expulsion de tous les étrangers irréguliers, c’est aussi démagogique et binaire que demander leur régularisation sans exception. Je rappelle que, même pendant le quinquennat Sarkozy, il y avait environ 30 000 régularisations par an. Et je rappelle aussi qu’avant juillet 2020, M. Abiyisenga était parfaitement intégré. Il était pris en charge par la communauté catholique, il était sacristain à la cathédrale de Nantes et ne présentait aucun risque.

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