Meurtre des époux Muller à Izon (33) : « On a le sentiment d’être oubliés »

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Publié le 12/12/2021 17:00:51

La nuit du 14 au 15 décembre 2019, les époux Muller étaient sauvagement assassinés dans leur domicile. Deux ans plus tard, l’enquête n’a toujours pas permis d’identifier le ou les auteurs. Natacha, la fille aînée du couple, se dit « très en colère »

Deux ans et toujours rien. Le meurtre des époux Muller sera-t-il un jour à classer dans les « cold case », ces dossiers non élucidés dont les auteurs ne sont pas identifiés et dont on ne connaît jamais la vérité ? Les gendarmes de la section de recherches de Bordeaux et de la brigade des recherches de Libourne, en charge des investigations, s’y refusent.

« Une équipe d’enquêteurs est dédiée à cette affaire qui occupe largement leur esprit », confie un gradé de la gendarmerie. « Ils sont à l’affût, cherchent de nouvelles pistes et poursuivent sans relâche leur travail. » En deux ans, près de 200 personnes ont été auditionnées, membres de la famille, du cercle proche des amis, du milieu professionnel. Les enquêteurs referment les portes une à une. Pour l’instant, ils ne disposeraient que de maigres indices : un ADN mélangé et une empreinte partielle de semelle de chaussure.

« Nous regrettons que la famille des victimes ait été écartée pendant de longs mois de l’enquête, ce qui a certainement été préjudiciable à son efficacité », déplorent Mes Benoît Ducos-Ader et Arnaud Dupin, avocats de la partie civile. « L’enquête piétine par manque de moyens. Elle souffre de la carence des exploitations scientifiques initiales. Nous espérons une reprise du dossier sous l’impulsion des juges d’instruction. C’est indispensable. »

Tués à coups de couteau

Les enquêteurs travaillent dans la plus grande discrétion pour tenter de comprendre qui pouvait ainsi en vouloir à Jean-Claude Muller, 58 ans et à son épouse Sylviane, 50 ans, tués de plusieurs coups de couteau dans la nuit du 14 au 15 décembre 2019 à leur domicile, route de Saint-Sulpice à Izon. C’est la plus jeune des filles du couple, Margaux, aujourd’hui âgée de 25 ans, qui a découvert le drame le dimanche 15 décembre en fin de journée. Ses parents étaient allongés sur leur lit, nus, baignant dans une mare de sang. L’autopsie a révélé que Jean-Claude Muller avait reçu une vingtaine de coups de lame, dont une dizaine dans la région du cœur. Son épouse portait les stigmates d’un viol et avait également été tuée de plusieurs coups de couteau, notamment au niveau de la gorge.

Jean-Claude et Sylviane Muller devaient fêter leurs 30 ans de mariage en 2020.

Photo DR

« Alors qui et pourquoi ? », interroge Natacha Muller, la fille aînée du couple, qui n’accepte pas « que le ou les auteurs de ce crime soient dans la nature ». Elle se dit « très en colère car on a le sentiment d’être oubliés ».

« Au vu de plusieurs éléments, on peut penser que c’est ma mère qui était visée, juge la jeune fille. Mais une vengeance, on ne comprend pas. Mes parents étaient aimés de tout le monde. Ils étaient très accueillants. Mon père avait le cœur sur la main, il était très généreux. »

« Comme dans un coma »

Jean-Claude Muller, après avoir monté une société d’alarme et de téléphonie, s’était spécialisé dans la domotique. Électrotechnicien reconnu, il était toujours prêt à rendre service et dépannait très souvent la famille et les amis. Sylviane Muller, longtemps investie dans l’élevage de bouledogues français, se consacrait à sa petite-fille âgée d’un an et demi à l’époque des faits.

« Quand c’est arrivé, j’étais enceinte de trois mois de mon petit garçon, raconte Natacha. Aujourd’hui, il a 19 mois et ressemble à mon père. Il a ses airs et certains traits de caractère. Mes enfants, c’est ma force pour avancer. »

Les gendarmes ont procédé à de minutieux relevés de traces et indices sur la scène de crime le 16 décembre 2019.

J.-M. D.

« On nous a laissées orphelines à la veille des fêtes de fin d’année »

Natacha Muller explique vivre « comme dans un coma » depuis deux ans. « J’ai changé. Mon cerveau n’accepte pas et j’ai un blocage émotionnel. Je n’arrive plus à pleurer. Je suis une pierre. »

À la fin du mois de juin dernier, les scellés judiciaires ont été retirés de la maison à Izon, cambriolée entre-temps. « Les voleurs avaient pris des bijoux, des vêtements et de l’électroménager. Ils ont été arrêtés récemment et sont en prison mais les gendarmes nous ont dit qu’ils n’avaient aucun lien avec le meurtre. Là, j’attends encore qu’on m’appelle pour identifier nos affaires ! »

Mercredi 15 décembre, pour rendre hommage à leurs parents, Natacha et Margaux Muller se rendront au cimetière de l’église romane à Artigues-près-Bordeaux, où ils reposent. « Ils s’étaient mariés dans cette église il y a trente ans », relate Natacha, qui a ouvert une page sur son compte Facebook et invite toutes celles et tous ceux qui le souhaitent à venir fleurir leur tombe « pour leur montrer que nous ne les oublions pas ».

« On nous a laissées orphelines à la veille des fêtes de fin d’année. Il est pour nous impossible de faire notre deuil tant que l’on ne saura pas. »

L’appui du système Salvac

Pour tenter d’élucider le meurtre des époux Muller, les gendarmes sont notamment en relation avec les analystes du logiciel Salvac (Système d’analyse des liens de la violence associés aux crimes). Ce système informatique est conçu pour aider des enquêteurs spécialement formés dans le profilage à cerner les crimes sériels et leurs auteurs en établissant des rapprochements existant entre les crimes perpétrés par un même individu. En France, il a été mis au profit de la police et la gendarmerie en 2003. Plus de 15 000 dossiers sont intégrés dans la base Salvac.

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Source : https://www.sudouest.fr/gironde/izon/meurtre-des-epoux-muller-a-izon-on-a-le-sentiment-d-etre-oublies-7323952.php