Meurtre de Julie Douib : perpétuité requise contre son ancien compagnon

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Publié le 16/06/2021 09:37:03

La réclusion criminelle à perpétuité a été requise ce mercredi matin contre Bruno Garcia-Cruciani, qui avait abattu son ex-compagne en mars 2019 à l’Ile-Rousse, en Corse.

« Lorsqu’il la tue, il s’érige en propriétaire de la même façon qu’il sera le seul parent survivant. » Ce mercredi matin, au terme de cinq jours d’audience, l’avocate générale Charlotte Beluet a requis la réclusion criminelle à perpétuité contre Bruno Garcia-Cruciani, jugé à Bastia (Haute-Corse) pour le meurtre de Julie Douib, son ex-compagne, la mère de ses deux enfants. La magistrate a également réclamé la déchéance de l’autorité parentale pour « qu’il retire la main qu’il a sur ses enfants ».

Tuée le 3 mars 2019, cette femme de 34 ans était devenue un symbole des violences conjugales après des années de maltraitances commises par « l’individu cabossé » du box des accusés. Au cours d’un réquisitoire long de près de deux heures, la magistrate accable Bruno Garcia-Cruciani, qui garde les yeux rivés au sol. « Bruno Garcia a tué délibérément la mère de ses enfants, comme on tue dans son propre clan », dénonce Charlotte Beluet, gardant une pensée pour les deux petits garçons du couple, devenus « fils d’une mère assassinée et d’un père assassin ». La magistrate soutient la thèse de l’assassinat, du crime mûrement réfléchi, et réclame 15 ans de suivi sociojudiciaire, injonction de soin à sa sortie de prison et interdiction de porter une arme pendant quinze ans.

Julie Douib « n’est pas morte le 3 mars 2019 à 11h53. (…) Elle est morte le jour ou elle a rencontré Bruno Garcia, (…) quand une mécanique s’est enclenchée », poursuit la représentante du ministère public. « L’emprise, elle peut saisir, submerger n’importe quelle femme, quelle que soit son éducation, quelle que soit sa force. » « Je t’aime, je te moleste, je m’excuse, tu me pardonnes et je recommence à nouveau et ainsi de suite », récite la magistrate qui imagine que Julie Douib a vécu « avec l’espoir dévastateur que l’autre (allait) changer ».

« En la tuant, il reprend le contrôle qu’il avait sur elle »

Sur les derniers mois de sa vie : « Bien entendu qu’elle avait le droit de sortir (…) mais jamais sans son autorisation à lui. (…) Plus Julie a essayé d’avoir de la liberté, plus cette emprise l’a étranglée. En la tuant, il reprend le contrôle qu’il avait sur elle depuis sept ans. »

En fin de réquisitoire, la magistrate entame le mea culpa du parquet, des autorités judiciaires qui n’ont jamais donné suite aux deux plaintes pour violences et six mains courantes déposées par Julie Douib dans les six mois précédant son décès. « Dans ses silences, Julie Douib nous a crié des tas de choses, nous n’avons pas su l’écouter (…) Nous n’avons pas su la mettre en confiance. (…) Le danger n’a pas été correctement évalué. »

Celle qui est connue pour être l’une des premières magistrates à avoir utilisé le terme « féminicide » dès l’été 2019 conclut : « Reconnaître ses failles, c’est permettre d’avancer sur ce terrain-là ».

« On a tous besoin de symboles pour faire avancer une cause. Si ce dossier permet de faire avancer la cause, tant mieux ! », répond Me Camille Radot, à la défense de Bruno Garcia-Cruciani qu’il considère comme « une grande gueule qui menace et intimide mais ne passe pas à l’action ». Au cours de sa plaidoirie, le pénaliste prévoit d’ « offrir des clés de compréhension pour essayer de pénétrer l’univers de Bruno Garcia que pendant cette audience il ne nous a pas beaucoup ouvert. » « On peut décider la perpétuité à chaque fois qu’une femme meurt sous les coups de son compagnon. (…) une peine automatique…) merci bonsoir. (…) C’est pas ça la justice. Bruno Garcia c’est pas un animal, c’est pas un monstre, c’est pas un animal sauvage. C’est un être humain. Mais il ne le montre pas, il en est incapable (…) Il est là habillé en noir, avec un masque noir, avec ses yeux noirs, son regard noir. »

« Il ne veut pas la tuer, il veut ses enfants pour lui, il veut qu’elle quitte la Corse »

Tout en concédant la difficulté à défendre un tel accusé - « Je lui en veux à Bruno Garcia, son pire ennemi, c’est lui »-, Me Camille Radot tente de nuancer l’idée que son client a fait vivre un enfer, un calvaire fait de coups et de tabassages pendant plusieurs années à Julie Douib : « On ne peut pas concevoir deux secondes que dans ce couple il y a eu un peu de bonheur ? (…) Alors qu’ils ont eu deux enfants ? Evidemment que la dernière année de sa vie a été extrêmement difficile (..) Mais ne pensez pas que c’était dix ans de calvaire et d’enfer, ce n’est pas vrai ! »

Opposant le « taiseux » Bruno Garcia-Cruciani, qui « ne nous dit rien sur rien », l’homme isolé, à la « solaire » et lumineuse Julie Douib, dont toutes les amies se sont succédé à la barre pendant plusieurs jours, le pénaliste parisien appelle à « hiérarchiser l’horreur et la violence » : « Qu’on ne me dise pas pour justifier une peine à perpétuité qu’elle avait le droit de ne rien faire et qu’elle était séquestrée chez elle ! »

Selon la thèse de son défenseur, Bruno Garcia-Cruciani n’avait pas prémédité son geste mais avait l’intention d’intimider son ex : « Il ne veut pas la tuer, il veut ses enfants pour lui, il veut qu’elle quitte la Corse. »

Comme un va-tout, Camille Radot tonne : « C’est un échec total ces réquisitions, c’est un échec de ne pas savoir quoi faire avec Bruno Garcia ! Qu’est-ce qu’il a fait de plus que les autres ? Pourquoi lui doit avoir perpétuité ? Quand on regarde qui il est, avec son casier judiciaire vierge ? Avec l’enfance qu’il a ? Est-ce qu’il a torturé et brûlé des enfants ? Non ! » Le pénaliste illustre : « Qui on condamne à la perpétuité en France ? Des Fourniret, des gens qui violent des enfants, des petites filles. Abdelkader Merah, il a pris trente ans. Il est pire qu’Abdelkader Merah, lui ? »

« Monsieur vous avez pris une vie, on va vous prendre la vôtre. C’est répondre à la haine par la haine »

Pour l’avocat de la défense : « La peine de perpétuité, c’est la peine de mort, aujourd’hui. C’est une peine de haine, de vengeance. C’est la loi du Talion. Monsieur vous avez pris une vie, on va vous prendre la votre. C’est répondre à la haine par la haine. »

Droit comme un piquet, le regard dans le vide, Bruno Garcia-Cruciani lance ces derniers mots à la cour : « Je tiens à dire que je regrette pour mes enfants, je m’excuse pour mes enfants et c’est tout ce que j’ai à dire. » Le verdict est attendu en fin de journée ce mercredi.

Crédits image et texte : Le Parisien©
Source : https://www.leparisien.fr/faits-divers/meurtre-de-julie-douib-perpetuite-requise-contre-son-ancien-compagnon-16-06-2021-CIURDYVCURABHKX2GA346XXLUI.php