Meurtre d’Elodie Kulik : la cour d’assises revit le supplice de la jeune femme

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Publié le 16/06/2021 20:03:39

Entre le témoignage d’un enquêteur, encore marqué par cette affaire, et les photos de la scène de crime, la cour et les jurés ont pris, ce mercredi, la mesure du calvaire enduré par la jeune femme, violée, étranglée et brûlée en 2002 dans la Somme.

Le silence se fait religieux, les cous se tendent vers les écrans géants de la salle des assises de Douai (Nord). La vue aérienne, malgré le brouillard, permet de distinguer nettement les lieux du crime : au loin, l’usine Bonduelle, bordée d’une route rectiligne dont s’échappe un sentier de terre, deux coudes à angle droit et, au bout, une plate-forme bétonnée, au milieu des champs. C’est là, dans ce no man’s land hostile, que le corps partiellement calciné d’Élodie Kulik avait été découvert au matin du 12 janvier 2002, abandonné près d’un tas de fumier.

En ce troisième jour d’audience, la cour visionne, par une lente succession d’images, les premières constatations des enquêteurs qui ont eu à travailler sur cette douloureuse affaire, celle d’une brillante jeune femme de 24 ans, séquestrée, étranglée et violée. Un dossier hors-norme qui, presque vingt ans plus tard, doit connaître d’ici au 1er juillet son épilogue judiciaire : condamné à trente ans de prison fin 2019, Willy Bardon, qui clame son innocence, est jugé en appel depuis le 14 juin pour ce crime atroce.

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À l’époque, Jean-Luc Guillemont était encore un jeune gendarme, technicien en identification criminelle. Aujourd’hui retraité, l’homme se souvient avec acuité de cette première scène : la voiture accidentée d’Élodie, retrouvée 24 heures plus tôt, vide de tout occupant. Les relevés techniques, compliqués par le givre, alors que l’ADN en est encore à ses prémices, et cette sortie de route incompréhensible, en pleine ligne droite. La voiture d’Élodie a heurté le talus, fait un tonneau avant de retomber sur ses roues à 180 degrés. « Il n’y a rien qui puisse prouver l’intervention d’un autre véhicule, pas de trace de peinture ni d’enfoncement violent », expose-t-il à la barre.

Son corps calciné

Le lendemain matin, il est requis six kilomètres plus loin, à Tertry (Somme). Sur la plate-forme, le corps calciné d’Élodie vient d’être retrouvé, au milieu d’une forêt d’indices : une serviette, des mégots, un tampon usagé, un préservatif et son emballage déchiré… « Le feu a tout détruit sur le côté, on voit à l’intérieur du corps, détaille le gendarme. Il y a un écoulement de sang au niveau du sexe, le visage est brûlé, la langue est sortante. Des cheveux, il n’y en a plus… » Il s’interrompt soudain, la voix coupée par l’émotion. Il marque une pause, ses doigts tapotant nerveusement sur ses notes, inutiles tant le souvenir semble vivace.

« Le corps est recroquevillé, les jambes relevées et écartées… » poursuit-il péniblement. « Aussi longtemps après, on vous sent ému par cette scène de crime, relève Me Didier Seban, avocat de Jacky et Fabien Kulik, le père et le frère d’Élodie. C’est quel élément en particulier ? » « C’est ce qu’on pouvait imaginer, répond-il aussitôt. Le préservatif, le vagin apparent, le corps brûlé… Des homicides, on en traite, des corps, on en voit. Mais ça, on n’a pas l’habitude » « Quand on travaille, normalement, on occulte. Mais ce dossier, on était imprégné… », détaille-t-il encore, donnant là l’une des clés de l’acharnement des gendarmes à résoudre cette énigme.

La cour d’assises a encore en tête les sanglots réprimés du gendarme quand vient son tour de découvrir les images en question. L’album photo s’est approché, en plans de plus en plus resserrés, pour aboutir au cadavre. Une onde silencieuse parcourt la salle. Par réflexe, on ferme les yeux, pour les rouvrir sur cette scène sinistre : à quelques mètres d’un arbre décharné, le corps gît sur le sol givré, bras et jambes comme écartelés. Le bas du corps est dénudé, offert à la vue, figeant Élodie dans son viol. La suie, qui recouvre le torse et tout le côté gauche forme un contraste saisissant avec la blancheur de sa peau, la finesse de ses membres, la beauté de ce visage coupé en deux : le bien et le mal, la grâce et la brutalité réunis sur une même image.

La même sensation glaçante que suscite cet appel de détresse, passé aux pompiers par Élodie après sa sortie de route et que la cour d’assises a écouté, ce mercredi, pour la première fois. Une forme de testament vocal et une pièce maîtresse qui sera âprement débattue puisqu’on y reconnaît, selon six proches, la voix de Willy Bardon. Une autre appartient à Grégory Wiart, un homme désigné par ADN en 2012, bien après sa mort, dans un accident de la route. Durant ces vingt-six secondes, c’est l’effroi pur, la supplication d’une femme mise à mort. Mais derrière ces sanglots stridents teintés de terreur, l’on est surtout saisi par ces voix d’hommes, calmes et déterminés. Les bourreaux d’Élodie.

Crédits image et texte : Le Parisien©
Source : https://www.leparisien.fr/faits-divers/meurtre-delodie-kulik-la-cour-dassises-revit-le-supplice-de-la-jeune-femme-16-06-2021-FCJSHFDQQVEYRMLB66A4XCJBZA.php