Meurtre d’Elodie Kulik : «Je n’ai jamais participé à ce crime horrible», répète Willy Bardon à son procès en appel

logo Le Parisien illustration Meurtre d’Elodie Kulik : «Je n’ai jamais participé à ce crime horrible», répète Willy Bardon à son procès en appel

Publié le 15/06/2021 19:44:31

L’accusé a une nouvelle fois nié, ce mardi au deuxième jour de son procès en appel, être impliqué dans le supplice subi par la jeune femme en 2002. Une experte a estimé qu’il n’avait pas une « personnalité inquiétante au sens criminologique du terme ».

« Willy Bardon a-t-il selon vous une personnalité inquiétante ? » Voilà une bonne demi-heure, ce mardi, que les deux experts, une psychiatre et un psychologue, déroulent pour la cour d’assises du Nord leur prudente analyse, quand la présidente leur pose cette question clé. Depuis l’ouverture de son procès en appel, lundi à Douai, l’accusé a certes été décrit comme une « grande gueule » volontiers vulgaire, un rustre un brin magouilleur, pas en reste sur l’alcool et les femmes.

Mais de l’avis de ses proches, et de son passé, l’on a encore bien du mal à voir se dessiner le portrait d’un prédateur sexuel, capable d’un crime aussi atroce que celui subi par Élodie Kulik, 22 ans, étranglée, violée et brûlée le long d’une route de la Somme à l’hiver 2002.

Dans leur exposé à deux voix, les experts eux-mêmes semblent souvent contrebalancer, voire contredire leur rapport écrit. Le narcissisme de l’accusé, maintes fois présenté comme un « trouble de la personnalité » ? « C’est un narcissisme somme toute assez typique », tempère l’un. Le « profil prépsychotique », relevé dans le rapport ? « Pas au sens psychiatrique », nuance-t-il encore. La tendance à la victimisation ? « C’est parce qu’il dit qu’il ne comprend pas pourquoi on l’accuse », décrypte l’autre.

«Il a des limites»

S’il possède des « traits antisociaux » - impulsivité et tolérance à la frustration réduite - Willy Bardon « a des limites », et « n’a pas un fonctionnement pervers ». Il peut être manipulateur, « mais pas dans la finesse ». Ils notent également un discours sans filtre sur la sexualité, un manque d’empathie qui peut le conduire à « fonctionner sans le désir de l’autre », notamment en ayant recours au service de prostituées sans y voir le moindre problème.

Mission délicate que de sonder la psychologie d’un accusé, et d’émettre un avis tranché sur quelqu’un qui risque sa tête : « c’est un point de vue purement hypothétique » se dédouane ainsi plusieurs fois le psychologue. Sa consœur psychiatre, avec qui il écrivait que la personnalité de Bardon, en lien avec une forte alcoolisation ne serait « cliniquement pas incompatible » avec un passage à l’acte, modère aujourd’hui le propos. « Cette consommation, il paraît en mesure de l’auto-contrôler ». Et conclut : « ce n’est pas une personnalité inquiétante au sens criminologique du terme ».

La défense boit du petit-lait. D’autant que, plus tôt dans la journée, l’accusé et ses avocats avaient plutôt réussi à esquiver les coups venant de l’accusation, qui a mis en avant quelques faits d’armes peu glorieux. D’abord sa relation extraconjugale, sept ans durant, avec la compagne de son neveu. « Il a toujours été gentil, il m’a soutenue », est venue témoigner celle qui partage désormais - officiellement - sa vie. Elle décrit un attachement sincère et réciproque ; un homme chez qui elle a trouvé « stabilité, écoute, respect », contrastant avec son ancien compagnon, un homme violent.

«Il drague, mais il n’est pas misogyne»

Bien sûr, « il drague, convient-elle. Mais il n’est pas misogyne ». Deux de ses cousines, un ami d’enfance… eux non plus n’ont jamais noté de comportement déplacé dans sa jeunesse. Mais c’est la période des faits - 2002 - qui intéresse l’accusation, et ces « bars à thèmes » que Willy Bardon, avec sa bonhomie habituelle, reconnaît avoir fréquentés avec des clients alors qu’il montait son entreprise de plomberie. Avec l’une de ces « filles de joie », comme il les appelle, « on s’est amusés » avec un collègue, admet-il, tout comme il aurait bien aimé avoir une relation à trois, avec sa compagne et sa maîtresse.

Il y a encore cet autre adultère, consommé à l’arrière de son 4 x 4, sur un matelas gonflable, une histoire de fausses factures quand il travaillait au noir dans un garage ou, plus embêtant, ce coup de fusil tiré en l’air pour faire peur à un voisin qui avait dégradé ses voitures. Avec sa compagne, justifie-t-il, « on n’avait plus d’argent à ce moment-là, ça met la rage. »

« C’est pas parce que vous traitez votre femme de grosse que vous êtes suspect ! »

La même compagne qu’il a pu traiter au téléphone de « cas soc’ » et de « bougnoule » en l’enjoignant à « le sucer plus souvent »… « On se parlait comme ça, on se connaît depuis qu’on a quatorze ans… » oppose-t-il, presque surpris. « Attendez monsieur, on vous présente comme le meilleur des hommes, le plus gentil, le plus serviable. C’est comme ça qu’on parle à sa femme ? C’est ça les mots doux qu’on envoie ? » s’étrangle l’une des avocates générales.

Soucieux d’éviter le procès de la mauvaise réputation, Me Gabriel Duménil, l’un de ses avocats, reprend la main. « Il me semble, moi, que vous êtes un homme normal. Parfois vous vous emportez, vous dites des choses graveleuses, et parfois vous êtes sympa… » « Ben oui… Parmi mes proches, j’en connais pas beaucoup qui sont nickel. Et puis c’est pas parce que vous traitez votre femme de grosse que vous êtes suspect ! »

PODCAST. Meurtre d’Elodie Kulik : un enregistrement, un verdict, et toujours des zones d’ombre



Lui l’est depuis 2013, depuis que son copain Grégory Wiart a été identifié par son ADN - bien après son décès - et que sa voix a été reconnue par des proches sur l’appel aux pompiers d’Élodie, juste avant sa mort. Lui-même a toujours clamé son innocence. « J’ai jamais participé à ce crime horrible », redit-il, soudain plus grave. « Et qu’est-ce que ça fait d’être mis en cause depuis autant d’années ? » le lance son avocat. « C’est invivable. La nuit, vous rêvez, la journée, ça vous travaille. Tous les jours, chaque minute. Quand on a été condamné à trente ans de prison en première instance, on se dit : est-ce qu’ils vont voir la vérité ? »

« Et comment vous faites pour surmonter ça ? » Dans sa voix, l’émotion affleure jusqu’au sanglot. « J’ai des personnes qui me soutiennent aujourd’hui, ma compagne, mes amis. Ils me disent toujours : Willy, il faut que tu te lèves. »

Crédits image et texte : Le Parisien©
Source : https://www.leparisien.fr/faits-divers/meurtre-delodie-kulik-je-nai-jamais-participe-a-ce-crime-horrible-repete-willy-bardon-a-son-proces-en-appel-15-06-2021-77XDC3XDQFGI3I63IZUEKEGQ4I.php