Marseille. 2022, une année noire pour les règlements de compte sur fond de trafic de stupéfiant

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Publié le 26/12/2022 15:44:25

Depuis les années 2000, la cité phocéenne et son département sont régulièrement endeuillés par des fusillades qui minent des quartiers paupérisés. Avec plus de 30 morts recensés, les chiffres de l’année 2022 inquiètent. Le phénomène ne se limite plus au grand banditisme et les contours sont toujours plus flous.

Dans la soirée du réveillon de Noël, un jeune homme est mort sous les balles dans la cité HLM Méditerranée, dans le XIVe arrondissement de Marseille. Les Bucco-Rhodaniens ont rapidement pu mettre un nom et un visage sur ce drame. Âgé de 22 ans, Adel Santana Mendy était un joueur de foot formé à l’Olympique de Marseille. Il évoluait au poste d’attaquant au sein du club d’Aubagne, en National 2.

Quelques heures après ce drame, un autre a eu lieu dans le même arrondissement. Dans la cité La Marine Bleu cette fois, un homme, âgé de 20 ans, a été également victime d’une fusillade. Ce sont les 31e et 32e victimes par balle de l’année dans le département des Bouches-du-Rhône.

Si tous ces décès étaient comptabilisés comme des « règlements de comptes », le terme consacré pour qualifier les meurtres sur fond de trafic de stupéfiants, 2022 marquerait définitivement une recrudescence du phénomène en étant la pire année depuis 2010. Mais ce n’est pas aussi simple.

L’existence d’un contexte local qui favorise de tels actes est bien connue. « La ville de Marseille se caractérise par des règlements de comptes entre malfaiteurs plus nombreux que dans les autres agglomérations », soulignait le ministère de l’Intérieur dans son bilan statistique 2018 sur l’insécurité et la délinquance.

En revanche, la comptabilité du phénomène est sujette à débat. Les autorités sont parfois accusées de « casser le thermomètre » en retirant de la catégorie « règlements de comptes » des homicides violents, comme le soulignait Le Canard enchaîné du 9 novembre 2022. Cela permettrait de présenter un meilleur bilan au ministère de l’Intérieur, ce que conteste la préfecture de police des Bouches-du-Rhône. Cette dernière a comptabilisé 60 faits d’homicide ou de tentative d’homicide liés au trafic de stupéfiants dans le département en 2022.

Un bilan similaire à celui de 2021, qui avait connu 49 faits recensés, pour 31 morts. Mais seules 16 victimes avaient été classées dans la catégorie « règlements de comptes ». Pourquoi ?

Derrière l’expression « règlements de comptes », se cache en fait « une notion policière forgée dans le courant des années 2010 par la direction centrale de la Police judiciaire », souligne un journaliste de La Provence . Pour être qualifié comme tel, un « réglo » doit correspondre à trois critères : le mode opératoire, le mobile et le profil des victimes. La victime doit avoir un pedigree judiciaire, les faits doivent s’inscrire dans une guerre des territoires, et les auteurs doivent être lourdement armés.



En suivant cette définition stricte, l’année 2016 est la pire de la décennie passée avec 29 décès liés à des règlements de comptes. La presse comme la préfecture s’étaient alors accordées pour dire qu’il s’agissait d’une année noire. Mais on peut retrouver des chiffres divergents les autres années, notamment en 2015, où La Provence évoquait 19 règlements de comptes contre 14 pour la préfecture.

Le quotidien régional s’est d’ailleurs interrogé sur la pertinence même de ce chiffrage. Notamment parce que cette bataille de chiffres ne saurait masquer l’évolution de la violence par armes à feu à Marseille, qui concentre la majorité des faits, mais aussi dans le reste du département.

Le narcobanditisme de la région marseillaise a en effet bien changé. Si la guerre de gangs entre les « Blacks » et les Oliviers A correspond au schéma « classique », de nombreuses fusillades impliquent de jeunes hommes qui ne sont pas directement liés à des organisations importantes.

Des petits dealers peuvent être ciblés pour conquérir des points de deal de faible envergure, où les ventes ne dégagent que quelques milliers d’euros par jour. « On attaque le magasin plutôt que le gérant », résume la préfète de police des Bouches-du-Rhône Frédérique Camilleri au Monde .

Une violence de plus en plus aveugle, qu’un enquêteur qualifie de « disproportionnée par rapport aux objectifs » auprès du quotidien national.

Cette mutation de la violence liée au trafic de stupéfiants complique la tâche de la police judiciaire, qui, souvent, ne sait plus si elle doit voir un « simple » homicide ou un règlement de compte.

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Source : https://www.ouest-france.fr/provence-alpes-cote-dazur/marseille-13000/marseille-l-annee-2022-marque-t-elle-une-recrudescence-des-reglements-de-compte-a2b7c5aa-850c-11ed-8952-dcf3ffe6ae68