Liaison fatale dans l’Orient-Express : la descente aux enfers de Grégoire, victime d’une double tentative de parricide

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Publié le 11/05/2022 20:45:33

Cet homme, dont la mère de ses deux fils est jugée pour avoir tenté de l’assassiner avec la complicité d’un des garçons, est apparu à l’audience, ce mercredi, terriblement affecté par cette épreuve.

Sa voix est pâteuse, le débit lent et saccadé, les réponses courtes. Appelé à la barre en ce mercredi après-midi, Grégoire Lautissier se présente conforme au lourd diagnostic posé par les experts qui l’ont précédé. Depuis les deux tentatives d’assassinat qu’il dénonce en 2010 et en 2015 et pour lesquelles son ex-compagne, June Hopkins, et leur fils, Brendan, sont jugés depuis lundi par la cour d’assises de Paris, cet homme de 57 souffre d’une grave dépression.

Bénéficiant de l’allocation adulte handicapé, il demeure sous traitement anxiolytique et antidépresseur. Il faut de l’imagination – et les questions de l’avocat général – pour se représenter le fringant jeune homme qu’il fût quand, dans les années 1990, il travaillait comme garçon d’étage au Ritz ou steward sur l’Orient-Express.

Un père complètement désorienté

C’est précisément à bord du train mythique que la tragédie prend corps. En 1990, Grégoire rencontre June, une Américaine fraîchement séparée de son mari Mark Walsh et venue effectuer ses études en Angleterre. « Un coup de foudre », se souvient-il. Très vite, cette jeune femme abusée par son père pendant l’enfance s’installe à Paris et tombe enceinte. « On n’en avait pas beaucoup discuté, c’est venu très, très vite », expose Grégoire qui, pour rassurer sa nouvelle compagne, reconnaît l’enfant à naître à seulement deux mois de grossesse. Mais un jour, en rentrant du travail, il constate qu’elle est partie sans prévenir. Brendan voit le jour aux États-Unis en janvier 1992.

Ses parents se rendent sur place en Californie pour faire la connaissance de leur petit-fils mais pas lui. La cour s’étonne. « Je n’ai pas été invité, elle vivait avec Mark Walsh », annonce Grégoire, homme de peu de mots. Une année passe et June revient s’installer à Paris avec leur enfant. Un retour « définitif », espère-t-il. L’Américaine tombe à nouveau enceinte. « J’étais heureux d’avoir une petite famille », explique Grégoire qu’on sent malgré tout assez passif face à cet enchaînement. Là encore, June s’enfuit sans prévenir avant la naissance et accouche d’Austin aux États-Unis en mars 1994.

Deux tentatives d’assassinat et deux enquêtes... très différentes

Elle expliquera que son compagnon s’était montré violent et l’avait menacé de la faire avorter lui-même, ce que rien n’atteste. « Je n’ai jamais été violent », conteste le Parisien, « très déçu » d’apprendre que ses deux fils qu’il a reconnus portent le nom de Walsh, ce mari dont June ne s’est en fait jamais vraiment séparé. « Je l’avais demandée en mariage mais quand je lui ai parlé de contrat, elle ne voulait plus », avance Grégoire qui introduit une dimension pécuniaire susceptible d’éclairer les évènements qui vont suivre.

Pendant plus de dix ans, Brendan et Austin grandissent loin de leur père qui ne leur adresse ni courrier, ni argent. L’avocat général, qui a pris le parti de le brusquer pour désamorcer les éventuels griefs de la défense, enchaîne les questions incisives : « Pourquoi vous ne vous bagarrez pas ? C’est vos gamins ? » Grégoire reste interdit. « June s’était remariée avec son ancien mari, elle ne m’avait jamais demandé d’argent », souffle-t-il.

« Brendan m’a aspergé d’essence. J’ai entendu le bruit du briquet »

En 2008, June est informée du décès du père de son ex, un gynécologue-obstétricien. L’année suivante, elle effectue un séjour en France avec les deux garçons. « C’est la première fois que je voyais Austin. J’étais heureux de connaître mes enfants », retrace Grégoire qui a rompu avec sa petite amie en France car il refusait d’en avoir d’autres, de peur de subir un nouvel « abandon ».

En 2010, June est à nouveau en France, uniquement avec Brendan. Grégoire leur a laissé son studio du XIe arrondissement. Les visites touristiques s’enchaînent jusqu’à cette journée du 20 août. Tout le monde se retrouve dans l’appartement, la discussion doit porter sur l’avenir de Brendan. Le frère de Grégoire est présent. « En rentrant, je découvre que mes albums photo sont à la poubelle et que tous mes papiers ont été fouillés. June me dit qu’elle les a photocopiés et envoyés aux États-Unis », retrace l’ancien steward.

Pendant la discussion, Brendan se place derrière lui. « Il m’a aspergé d’essence, poursuit Grégoire qui sent un liquide dégouliner sur lui. J’ai entendu le bruit du briquet. Je crois qu’il voulait me tuer. » « Pourquoi ? » interroge le président. « Pour toucher l’héritage et l’assurance-vie que je n’avais pas remplie », avance-t-il. Mis en échec par la réaction de son père, Brendan se serait ensuite saisi d’un sabre japonais avant d’être maîtrisé par son oncle. Quant à June, assise à l’autre bout du canapé en L, elle serait restée impassible. Mère et fils repartiront aux États-Unis avant que la plainte ne soit déposée.

La veille, le témoignage de l’enquêtrice a étalé les lacunes de l’enquête : le t-shirt de Grégoire n’a jamais été expertisé, pas plus que le sabre. Aucune constatation sur les lieux n’a été faite. L’avocat général en a conscience alors il poursuit dans cette même stratégie : pousser la partie civile dans ses retranchements pour contrecarrer en amont les dénégations des accusés. « Toute cette histoire, vous ne l’avez pas inventée dans votre tête ? » lance-t-il à un Grégoire trop diminué pour saisir l’effet recherché. « Non », se contente-t-il de répondre.

Cette première agression plonge le jardinier dans un état dépressif dont il n’a jamais réussi à s’extraire. D’autant que les menaces perdurent, June et Brendan étant secrètement revenus vivre en France. Ainsi, en 2014, d’étranges messages de menaces rédigés dans un mauvais français sont placardés sur la porte de son studio. « MONSTRE GRÉGOIRE vous allez à la meurtre la mère de vos fils », peut-on lire sur l’une de ses affiches montrées à la cour. En apercevant son œuvre – elle reconnaît immédiatement en être l’autrice – June sourit encore davantage, visiblement très satisfaite.

« Un syndrome d’aliénation parentale »

« Je voulais créer un embarras social pour que Grégoire arrête ses projets », justifie June qui s’est persuadé que son ex voulait s’en prendre à elle. Une obsession nourrie par de pathétiques manœuvres d’espionnage et dans laquelle elle a embarqué Brendan, totalement sous sa coupe. « En raison de la défection radicale du père, il a développé un lien de stricte dépendance à sa mère, éclaire l’expert psychiatre qui évoque un syndrome d’aliénation parentale. Brendan a adopté de façon quasi naturelle à la vision négative de son père. »

C’est dans ces conditions qu’intervient la seconde tentative d’assassinat, en août 2015, qui vise Grégoire et sa grande sœur chez laquelle il s’est réfugié. L’intervention de riverains permettra de mettre un terme à cette agression contestée par June et son fils. « Brendan n’a eu que la version de sa mère, il ne me connaît pas, admet Grégoire, lucide malgré son handicap. J’espère que la justice l’aidera par un suivi médical. » « Vous êtes prêt à reprendre une relation avec lui ? » interroge le président. Sa réponse est aussi brève que d’habitude mais parfaitement claire : « Non ».

Crédits image et texte : Le Parisien©
Source : https://www.leparisien.fr/faits-divers/liaison-fatale-dans-lorient-express-la-descente-aux-enfers-de-gregoire-victime-dune-double-tentative-de-parricide-11-05-2022-NBIYAUZVF5ATPHJPWFTR2GNY5E.php