Les quatre questions que pose le séminaire sur les violences dans les quartiers d’Angers

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Publié le 22/06/2022 13:00:02

Marwan Mohammed et Yohann Le Moigne, deux sociologues réputés, interviennent, jeudi 23 juin 2022, lors d’une réunion de travail organisée par la municipalité angevine. Mais cette démarche, réservée aux professionnels, interroge jusqu’aux chercheurs qui n’en connaissent pas tous les contours.

Les rixes interquartiers seront au centre d’un séminaire organisé par la ville d’Angers (Maine-et-Loire). Ce phénomène difficilement mesurable a déjà été inscrit à l’ordre du jour d’un temps d’échange en 2018. Après une pose marquée par le Covid, la ville d’Angers le reprend, toute la journée ce jeudi 23 juin 2022. Cette réunion laissera la place aux interventions de deux sociologues le matin, et se poursuivra par des échanges en tables rondes l’après-midi. Nous avons recensé quatre questions qu’elle pose.

La municipalité a choisi deux sociologues qui ont largement fait leurs preuves. Marwan Mohammed, dont c’est le retour à Angers, est un chercheur parisien affilié au CNRS. Ses livres sur Les bandes de jeunes, La formation des bandes et La sortie de la délinquance font autorité sur le sujet. « Il est brillant et très accessible, se souvient Jeanne Behre-Robinson, adjointe au maire à la sécurité et la tranquillité (Agir), qui signe l’invitation. En 2018, son intervention était très documentée, extrêmement pertinente, concrète. »

Pour Yohann Le Moigne, ce sera une première. Le sociologue de l’université d’Angers a acquis une connaissance experte dans les conflits interethniques entre gangs à Los Angeles. Rapport avec Angers ? « Depuis les années 70, on peut voir ce qui a été mis en place pour lutter contre la délinquance juvénile, envisage le chercheur. Regarder ce que l’on peut récupérer comme expérience. Il ne s’agit pas de plaquer de façon aveugle et automatique une expérience sur une situation française. On peut trouver points de convergence. »

Pour l’élue, les contours de cette intervention paraissent plus flous. « Le phénomène existe toujours au États-Unis. Il faut l’analyser pour voir s’il y a des choses en commun, des actions de prévention. Sur la question de groupes qui s’opposent, le sentiment d’appartenance, la notion de territoire très forte dans nos quartiers. On peut voir ce que l’on peut en retirer à moindre échelle. » À condition de bien maîtriser les différences historiques de part et d’autre de l’Atlantique.

Jeanne Behre-Robinson en convient : « Je n’en suis pas spécialiste. » Elle signe pourtant l’invitation… sans que le sociologue local, en contact avec des agents, ait bien saisi qu’il s’agissait d’une initiative municipale. Il découvre, en même temps que le nom de l’organisatrice, ses propos polémiques sur RCF au sujet « la couleur de peau ». « La couleur est un problème, répond Yohann Le Moigne, mais pour d’autres raisons. Si on a des rivalités racialisées, c’est parce qu’ils sont en concurrence dans un ordre racial qui les place en bas de l’échelle sociale. » Ce qui sous-tend une forme de ségrégation économique.

On peut l’affirmer : cette rencontre n’est pas ouverte au public. « C’est un séminaire de travail, pas un colloque, prévient l’adjointe à la sécurité. Qui liste les Invités : « Les correspondants jeunesse, les bailleurs sociaux, les personnels des maisons de quartier, de l’éducation nationale, médiateur, les éducateurs de la prévention spécialisée, les membres du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance, les acteurs de quartiers. » Que des professionnels. Pas de bénévoles associatifs, ni de militants des quartiers, ni même de parents impliqués. « Ça n’est pas grand public », renchérit l’élue. Pourtant, nous savons que Marwan Mohammed aurait souhaité des interactions avec des acteurs que la Ville ne souhaite plus avoir comme interlocuteurs. « Les associations de quartiers, les acteurs de terrain doivent être les acteurs principaux, soutient Yohann Le Moigne. La police ne doit pas intervenir dans ces rivalités. Il faut créer des liens avec les associations. Il faut absolument éviter d’institutionnaliser la chose. »

Reste à savoir ce que la Ville peut tirer comme enseignements d’une telle journée de travail avec d’éminents spécialistes de ces questions. « Nous mettons en place une veille sur les quartiers pour adapter notre posture, insiste Jeanne Behre-Robinson. Sur les procédures d’alerte, la chaîne entre les collèges, la police municipale. Pour être le plus réactif. On déjoue très régulièrement ce type de regroupements. » En termes de prévention, l’élue cite les classes justice du centre départemental d’accès au droit, le travail autour du rodéo, « des tas d’actions, avec les médiateurs sportifs, les opérations avec police nationale et municipale ou avec le Raid. Quand on se connaît, on n’agit pas de la même manière. La police va dans les écoles. » Elle oublie les relations difficiles entretenues avec le tissu associatif et les initiatives d’habitants.

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Source : https://www.ouest-france.fr/politique/les-quatre-questions-que-pose-le-seminaire-sur-les-violences-dans-les-quartiers-d-angers-e6f5c7d8-f17f-11ec-87d0-35a1f71d923f