Le patron du Raid raconte l’évacuation de l’ambassade à Kaboul, «la crise la plus intense» qu’il ait connue

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Publié le 24/01/2023 11:08:24

Cet événement a été géré depuis une salle de crise dans les locaux de l’unité d’élite à Bièvres (Essonne). Pour cette mission délicate, alors que les Talibans venaient de reprendre la capitale afghane, les super flics ont été décorés il y a peu de la médaille de l’engagement. Rencontre avec Jean-Baptiste Dulion, patron du Raid.

Ils étaient onze. Isolés, avec d’autres policiers affectés à l’ambassade de France à Kaboul. Leur mission : protéger l’ambassadeur, David Martinon, évacuer les personnels, les ressortissants et les Afghans qui avaient travaillé pour la France. Ces onze policiers du Raid n’ont pu compter sur aucun renfort. « C’était une première, confie Jean-Baptiste Dulion, le patron de cette unité d’élite de la police nationale. Kaboul, ça sort du cadre ».

Pour cette mission, menée à bien, il a reçu il y a peu une médaille de l’engagement dans la catégorie « protéger à tout prix », remise par la MGP, la mutuelle des policiers, dont l’objectif est de « saluer des actions des agents et de leur dire merci », décrit Benoît Briatte, président de la mutuelle. Cette année, une trentaine de fonctionnaires ont été récompensés pour 13 faits. Parmi eux, donc, le Raid et la direction de la coopération internationale de sécurité (DCIS).

Cette évacuation, celui que ses collègues appellent Laser 1, son indicatif sur la radio, l’a vécue depuis une salle de crise installée dans les locaux que le Raid partage avec la CRS 8 dans un parc arboré à Bièvres (Essonne). On y croise des candidats aux sélections strictes du Raid, des policiers aguerris mais aussi des daims qui observent les allées et venues.

« Il existe trois types de crise, détaille Jean-Baptiste Dulion. Celles qui sont gérées en autonome par les différentes antennes du Raid. Celles qui sont gérées depuis Bièvres quand il y a la présence d’otage par exemple. Et les crises avec projection sur place soit par la route, hélicoptère, avion. Nous avons un tel maillage qu’on peut se renforcer très rapidement. Kaboul, ce n’est rien de tout ça. J’ai connu beaucoup de crises, mais celle là a été la plus intense. »

La salle de crise modernisée après « Kaboul »

Quand le 15 août 2021, les Talibans font tomber la capitale afghane, c’est la surprise. « Personne ne s’attendait à ce que le régime s’écroule aussi vite sans résistance de l’armée régulière, reprend Jean-Baptiste Dulion. Nous sommes alors dans un pays en guerre avec des scènes chaotiques après la victoire d’un groupe insurgé ». Certains ressortissants français sont déjà partis suivant ainsi les conseils du quai d’Orsay. Mais d’autres restent sur place soit parce qu’ils n’ont pas cru à la chute de Kaboul, soit parce qu’ils ont voulu rester le plus longtemps possible.

Et dans la zone verte où se trouvent les ambassades, il ne reste que la France. En 2012, le Raid a été dépêché sur place. La sécurité des ambassades, dans les zones à risque sont réparties entre le Raid et le GIGN, présent en Ukraine par exemple. Après l’attentat de 2017 sur la zone verte, la sécurité a été renforcée.

Le chef du Raid, qui est alors en vacances, rentre en urgence et envisage d’abord d’envoyer des renforts. Il fait partie des effectifs qui montent dans un avion, direction l’Afghanistan. Mais plus aucun avion ne se pose à Kaboul et l’équipe en chemin fait demi-tour au dessus de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme).

Y a-t-il de l’angoisse à ce moment ? « Nous sommes habitués à gérer les crises », rappelle Jean-Baptiste Dulion. La salle de crise sera donc le seul appui pour les onze fonctionnaires de l’unité. 24 heures sur 24, en lien avec la direction générale de la police nationale, le commandement se relaie, communique, prend des décisions et est en contact avec l’armée afghane. Un itinéraire est défini pour évacuer tout le monde vers l’aéroport où l’ambassadeur peut travailler en entendant de rallier Paris. Le trajet de 10 km dans onze bus prendra 1h45 à cause des arrêts aux nombreux check-points.

Cette évacuation de Kaboul a été racontée par Mohamed Bida, à l’époque adjoint à l’attaché de sécurité intérieure de l’ambassade de France, dans son livre « 13 jours et 13 nuits dans l’enfer de Kaboul » (éditions Denoël). La photo du commandant divisionnaire, aujourd’hui retraité, en train de sortir une femme afghane pataugeant dans les eaux usées d’un petit canal traversant l’aéroport, a fait le tour du monde. Au total près de 200 Français et 2300 Afghans auront été évacués.

Depuis cet événement, la salle de crise de Bièvres a subi un coup de jeune. Le lieu a été modernisé avec un mur d’écrans qui se partage en fonction des tâches et sur lequel peuvent être projetés des plans ou des retours vidéos. Elle a été inaugurée en novembre dernier.

Crédits image et texte : Le Parisien©
Source : https://www.leparisien.fr/essonne-91/le-patron-du-raid-raconte-levacuation-de-lambassade-a-kaboul-la-crise-la-plus-intense-quil-ait-connu-24-01-2023-ITXHZDYYABAM7OWVT3YZ3TLGQI.php