Le crime était parfait : en 1981, le propriétaire de la trattoria Don Peppone à Bordeaux, avait reconnu son assassin

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Publié le 11/11/2021 09:52:57

AFFAIRE NON RÉSOLUE – Il y a 40 ans jour pour jour, Dino Balducci, propriétaire de plusieurs pizzerias à Bordeaux, était abattu dans son appartement cours Georges-Clemenceau, dans la nuit du 11 au 12 novembre 1981. Le meurtre n’a jamais été élucidé

C’était il y a 40 ans, jour pour jour. Dans la nuit du mercredi 11 au jeudi 12 novembre 1981, « Dino » Popito Balducci, 46 ans, et sa femme, Alberte, sont sortis dîner chez des amis. À 3 h 30 du matin, le couple rentre à son domicile, au premier étage du numéro 60 du cours Georges-Clémenceau (qui ne compte par ailleurs que des bureaux) où Balducci possède deux restaurants. À peine ont-ils ouvert la porte blindée de leur appartement que deux individus masqués et gantés leur sautent dessus. L’un des agresseurs entraîne la femme de Balducci dans la cuisine où il la plaque au sol, en lui braquant un revolver sur la tempe. Le second pousse Dino dans le salon et lui demande d’ouvrir son coffre-fort. L’Italien résiste, les deux hommes se bagarrent. Un premier coup de feu part. Violente, la lutte continue. Un second coup de feu retentit. Dino meurt sur le coup, d’une balle en pleine tête, par son agresseur qu’il avait vraisemblablement reconnu après lui avoir enlevé sa cagoule. Alberte racontera en effet aux enquêteurs avoir entendu son mari crier : « Va-t’en, je ne reconnaîtrai pas ! ».

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L’homme qui a abattu Balducci rejoint son complice dans la cuisine. « Ça y est », lâche-t-il devant Alberte. Les deux malfaiteurs l’obligent ensuite à ouvrir le coffre en la menaçant de mort. Ils raflent les bijoux du couple et la recette des pizzerias, soit 8 millions de centimes, et s’enfuient, après avoir ligoté leur otage. Cette dernière parvient à défaire ses liens et à alerter police secours.

« Dino a été tué »

12 novembre 1981.

Archives Sud Ouest

Décrit comme affable, enjoué et charmeur, Dino Balducci, un ancien commercial, représentant de Singer, s’était reconverti brillamment dans la restauration et s’était vite retrouvé à la tête de plusieurs établissements dans ces deux villes où il était très connu. Arrivé en France quinze ans auparavant, il avait gardé la nationalité italienne.

L’effet d’une bombe

À Bordeaux, cours Clemenceau, après avoir racheté une pizzeria, il avait ensuite acquis le restaurant de Guy Lapébie, devenu la trattoria Don Peppone, et possédait un autre établissement cours de l’Yser. À Arcachon, il tenait le restaurant de la patinoire municipale et une guinguette sur la plage. La nouvelle de son assassinat fait l’effet d’une bombe. Sympathique, l’homme avait beaucoup d’amis. Sa rapide ascension sociale avait sûrement suscité des jalousies mais on ne lui connaissait pas d’ennemis déclarés. Une foule importante se presse à son enterrement à l’église Saint-Seurin, le 17 novembre, pour entourer sa femme, appelée couramment « Maman », et ses trois filles, Brigitte, Catherine et Pascale.

Des familiers ?

L’enquête commence aussitôt. Elle n’a jamais abouti. Les policiers privilégient dès le départ la piste d’un hold-up qui a mal tourné, évacuant l’hypothèse du racket, dont étaient victimes à l’époque de nombreux restaurants bordelais. Les malfaiteurs, pas forcément des pros, connaissaient les habitudes du couple et devaient attendre Alberte qui rentrait chaque soir vers 1 h 30, seule, avant son mari. En l’attendant, sûrs de leur coup, ils avaient tranquillement cassé des noisettes, bu du whisky et écouté de la musique… Sauf que Dino est arrivé avec elle.

Les indices ne mènent à rien

Sur l’arme du crime, abandonnée sur place par les malfaiteurs, un revolver de calibre 357 magnum, marque Ruger Peed Six, les policiers ne découvrent aucune empreinte. Le numéro de la crosse est meulé. La police établira que l’arme, fabriquée en Allemagne, a été volée en mai 1981, dans la région de Montpellier. Comment les tueurs sont-ils entrés dans l’appartement ? Dehors, les policiers découvrent une échelle double maculée de peinture, face au numéro 64 du cours Clemenceau. A-t-elle servi aux agresseurs pour grimper au balcon des Balducci ? Ils ont peut-être escaladé la gouttière. Ce qu’il y a de sûr, c’est que pour entrer dans l’appartement, ils ont cassé une porte-fenêtre. Alberte, en retraçant les circonstances du drame, témoignera d’ailleurs qu’en ouvrant la porte d’entrée de l’appartement, elle avait senti un courant d’air qui venait du salon et qu’elle avait fait part de son étonnement à son mari. Sur le trottoir, devant la maison, les enquêteurs trouvent un paquet de cigarettes vide de marque Malboro et une cagoule noire en tissu, sur laquelle ils prélèvent plusieurs cheveux. Ces indices ne mèneront à rien. À l’époque, les cheveux n’ont pas pu faire l’objet de la part de la police scientifique d’une analyse d’ADN, comme ce serait le cas aujourd’hui.

Le temps des truands

« Cherche-t-on encore ? »

Après la Sûreté urbaine, la police judiciaire est saisie le 20 octobre 1982. Aucun témoin n’a livré de signalement des malfaiteurs, à part la description vague sur leur taille et leur corpulence, donnée par l’épouse de Dino. Deux Yougoslaves seront interpellés dans le quartier de la gare Saint-Jean, dans une chambre d’hôtel, mais ils seront relâchés. L’instruction est arrêtée en 1985. Le 1er août 1993, plus de dix ans après les faits, Alberte s’interrogeait dans « Sud Ouest » : « Cherche-t-on encore ? » Elle a la conviction que les assassins de son mari étaient bien renseignés et qu’ils étaient les mêmes que ceux qui s’étaient introduits cinq mois plus tôt dans l’appartement du cours Clemenceau où ils avaient tout mis sens dessus dessous, et avaient essayé d’ouvrir le coffre. « Je voudrais que la police les trouve, c’est une question de justice. Il n’est pas normal que leur crime reste impuni. Je n’ai plus de nouvelle depuis des années », déplorait-elle.

« On s’est fait Balducci ».

L’affaire est prescrite depuis 1995. Les assassins de Balducci n’ont jamais été retrouvés. En 1981, pourtant, deux jours avant le meurtre, deux hommes auraient annoncé dans un café du centre-ville de Bordeaux qu’ils allaient « se faire Balducci ». Le lendemain, ils seraient revenus dans l’établissement et se seraient vantés au comptoir : « On s’est fait Balducci ». Ils auraient même négocié quelques-uns des bijoux volés du coffre… « À Bordeaux, ce fait divers inquiétant révèle une escalade dans la grande délinquance, prouve que le temps des petits cambrioleurs de banlieue est révolu : celui des truands est là », écrivait Sud Ouest le 14 novembre 1981.

Crédits image et texte : Sud Ouest©
Source : https://www.sudouest.fr/gironde/bordeaux/le-crime-etait-parfait-en-1981-le-proprietaire-de-la-trattoria-don-peponne-a-bordeaux-avait-reconnu-son-assassin-6893719.php