Kurdes tués à Paris : polémique autour de l’attaque d’un camp de migrants par le suspect, en 2021

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Publié le 27/12/2022 18:31:19

Un an avant l’attaque contre des Kurdes rue d’Enghien à Paris, le tireur présumé avait été mis en examen et placé en détention pour avoir attaqué des migrants au sabre dans la capitale. Le traitement policier de cette affaire avait scandalisé des ONG à l’époque, rappellent « Le Monde » et « Médiapart », ce mardi 27 décembre.

La dangerosité de William Mallet, l’auteur présumé de l’attaque contre des Kurdes à Paris, vendredi 23 décembre 2022, a-t-elle été sous-évaluée par la police et la justice lors d’une précédente attaque ? C’est ce que pointent des articles du Monde et de Médiapart parus ce mardi 27 décembre en revenant sur l’attaque au sabre d’un camp de migrants un an plus tôt.

Le 8 décembre 2021, William Mallet (qui demeure présumé innocent des faits qui lui sont reprochés jusqu’à l’annonce d’un verdict) s’approche de ce campement installé dans le parc de Bercy, dans le XIIe arrondissement de Paris en se faisant passer pour un joggeur, raconte Le Monde . Armé d’un sabre, l’homme de 68 ans à l’époque commence alors à lacérer les tentes. « Il était 7 h du matin quand cet homme a débarqué avec un sabre et a commencé à secouer les tentes dans lesquelles les exilés dormaient », a confié à nos confrères de Médiapart Paul Alauzy, chargé de projet à Médecin du Monde qui suivait ce camp. William Mallet blesse deux migrants, dont l’un grièvement au dos et à la hanche, avant d’être maîtrisé par d’autres occupants du campement.

Une agression rarissime. « Il peut y avoir des rixes entre réfugiés vu leurs conditions de vie mais on n’avait jamais vu quelqu’un venant de l’extérieur faire une chose pareille », selon Ian Brossat, adjoint à la mairie de Paris en charge des réfugiés, qui s’était rendu sur place.

Peu après l’attaque, les forces de l’ordre interviennent et interpellent l’assaillant et quatre migrants, dont l’un des blessés. Tous seront placés en garde à vue pendant quarante-huit heures.

« Après leur garde à vue, elles [les victimes] nous ont dit n’avoir reçu aucun soin ni avoir eu accès à un traducteur. Apparemment, on ne les a même pas vraiment interrogées », témoigne Cloé Chastel, l’ancienne responsable de l’accueil de jour de l’association Aurore, qui intervenait sur le campement, auprès du Monde.

Nikolaî Pozner, de l’association Utopia56, confirme aussi à l’AFP que les migrants n’ont pas été assistés d’interprètes. « Dans un premier temps, on peut comprendre qu’il fallait interpeller les personnes qui participaient à ce qui ressemblait à une rixe mais il a manqué le deuxième temps où on essaye de comprendre », estime-t-il.

Le parquet va, lui, changer son analyse. Si l’enquête préliminaire est ouverte le jour des faits pour « tentative d’homicide volontaire », l’information judiciaire qui lui succède deux jours plus tard vise, elle, des « violences avec arme, préméditation et à caractère raciste » .

C’est sous ce chef de poursuites, moins grave, que William Mallet est mis en examen le 10 décembre 2021 et placé en détention provisoire. Autre fait étonnant, le suspect n’a pas été fiché par les services de renseignement malgré les motifs clairement racistes revendiqués lors de cette attaque.

Les quatre migrants arrêtés à ses côtés sont, eux, placés sous le statut intermédiaire de témoin assisté et l’un d’eux, un Marocain sans-papiers, se voit alors notifier une obligation de quitter le territoire français (OQTF), au grand dam des ONG.

Un autre épisode va provoquer leur émoi. Le lendemain de l’attaque, des militants associatifs se rassemblent au parc de Bercy en soutien à des migrants encore traumatisés. Ils voient alors arriver les forces de l’ordre qui les encerclent et vont verbaliser plusieurs d’entre eux pour « participation à une manifestation interdite sur la voie publique ». Dix-neuf militants, dont huit de l’association Aurore, écopent alors d’une amende de 135 euros, précise Le Monde.

« La réponse à laquelle on s’attendait, un peu naïvement, c’était qu’on nous envoie des travailleurs sociaux, des psychologues et on nous a envoyé des policiers », indique à l’AFP Paul Alauzy, de Médecins du Monde, qui était sur place ce soir-là et a été conduit, « sirène hurlante », au commissariat. Il sera relâché une heure après.

Un an plus tard, les investigations sur cette attaque « sont toujours en cours », indique à l’AFP une source judiciaire, mais son auteur présumé est désormais mis en cause pour un triple meurtre.

C’est à l’expiration du délai maximal de sa détention provisoire, soit un an, que William Mallet avait été remis en liberté le 12 décembre dernier sous contrôle judiciaire, avec notamment l’interdiction de détenir une arme.

Plusieurs membres d’associations se sont dit choqués par l’attitude de la police dans cette affaire. « À cause d’un filtre raciste, la police a mis au même niveau l’agresseur et les victimes. Le traitement aussi léger de cette attaque par les forces de l’ordre est clairement lié à la couleur de peau des personnes agressées », dénonce William Dufourcq, responsable associatif ayant suivi l’affaire, auprès de Médiapart.

Un avis partagé par Cloé Chastel : « Ce qui est choquant dans tout ça, c’est le traitement raciste de cette histoire autour de l’attaque à Bercy, confie-t-elle à nos confrères. Si l’agression avait été prise au sérieux à l’époque, on aurait peut-être évité la mort des personnes kurdes vendredi dernier. »

Lundi 26 décembre 2022, trois jours après la tuerie de la rue d’Enghien, William Mallet a été mis en examen pour assassinat et tentative d’assassinat en raison de la race, l’ethnie, la nation ou la religion, ainsi que pour acquisition et détention non autorisées d’arme. Il est retourné en prison.

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Source : https://www.ouest-france.fr/societe/faits-divers/kurdes-tues-a-paris-polemique-autour-de-l-attaque-d-un-camp-de-migrants-par-le-suspect-en-2021-d5b50452-85f4-11ed-87e6-f8c7f0068918