Haurus, le policier de la DGSI qui vendait des infos sur le Darknet, faisait aussi dans les faux documents

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Publié le 16/06/2021 19:48:15

Jugé pour avoir extrait et vendu des données confidentielles, l’agent de la Direction générale de la sécurité intérieure avait élargi ses activités au faux documents. Son procès, où comparaissent ses deux meilleurs clients et un faussaire, devrait s’achever ce jeudi.

Après les informations extraites de fichiers policiers, les faux documents administratifs. Au deuxième jour de son procès, ce mercredi, Haurus, policier de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) jugé notamment pour avoir vendu des données confidentielles sur le Darknet, a dû s’expliquer sur les faux papiers qu’il proposait aussi.

« Je n’ai jamais fabriqué moi-même des cartes d’identité, cadre d’emblée cet homme à la personnalité affirmée. Je n’ai fait que des faux chèques. Mais le principe des chèques, c’est que pour les utiliser, il faut la carte d’identité qui va avec. »

Un magasin virtuel où l’agent prenait les commandes

Ainsi donc, sur son « shop », son magasin virtuel à l’allure d’un site d’e-commerce classique, Haurus proposait des documents « en tout genre » et prenait les commandes. « Et je transmettais les informations à mettre sur la carte d’identité à Monsieur R. qui les fabriquait. » Monsieur R., faussaire de talent, jugé aussi dans ce procès.

Lui travaillait le plus souvent pour son compte, mais quand Haurus est apparu sur l’Internet occulte en 2018, les deux hommes ont travaillé « en partenariat » « Je vendais environ 150 euros la carte d’identité, mais ça dépendait de la qualité. La Gold plus, elle pouvait déjouer les contrôles de sécurité », explique le faussaire à la barre. Un autre faussaire est jugé dans ce procès, mais en son absence.

Les faux chèques cachés sous le lit

Haurus, lui, élaborait donc les faux chèques dans son petit appartement du XVe arrondissement de Paris, qu’il partageait avec son compagnon. Un jeune homme, étudiant en droit, qui comparaît également devant le tribunal correctionnel de Nanterre (Hauts-de-Seine) depuis mardi. Jugé pour complicité, ce jeune homme visiblement énervé de subir l’épreuve du procès, après celle d’une longue détention provisoire, jure n’avoir jamais rien su des activités de son compagnon.

Les faux chèques cachés sous le lit, il ne les a jamais vus. « Je ne passe pas ma vie sous le lit ! » s’emporte-t-il, quand la présidente s’étonne de sa cécité. Et les imprimantes, les cartouches, le massicot ? « Je ne suis pas un faussaire. Une imprimante, c’est une imprimante, un coupe-papier, c’est un coupe-papier », cingle encore le prévenu, avec un soupçon d’arrogance.

Tout de même, les dizaines de milliers d’euros qu’ont rapporté les combines du policier auraient eu de quoi l’étonner. D’autant qu’Haurus était en surendettement. « J’ai eu des doutes, concède l’étudiant. ll m’a dit qu’il travaillait avec un détective privé, on s’est engueulé, je ne comprenais pas qu’il prenne tant de risques. »

Un détective privé parmi ses clients

Le détective privé, l’un des deux meilleurs clients d’Haurus, est lui aussi sur le banc des prévenus. Ce n’est pas pour les faux chèques qu’il sollicitait le policier, mais pour obtenir des informations utiles à ses enquêtes d’adultère, concurrence déloyale, etc. « Je lui demandais une info, il me la donnait, elle était fiable. Ça me faisait gagner un temps fou. »

Apparemment pétri de contrition, le détective, qui ne l’est plus, admet avoir cédé à « la facilité, par opportunisme ». Toutes ces informations, Haurus allait les chercher sur les fichiers de police auxquels sa fonction lui donnait accès depuis son bureau de la DGSI, où il était enquêteur en contre-terrorisme.

« Un jour, mon associé m’a demandé un numéro de châssis à partir de la plaque d’immatriculation d’une Ferrari, j’ai demandé à Haurus, il m’a donné l’info », raconte encore le détective, qui reconnaît avoir sollicité Haurus pour une quarantaine à une cinquantaine de recherches, payées 100 à 200 euros l’unité.

L’autre très bon client d’Haurus se cachait sous le pseudonyme CVVGold. Gros casier judiciaire, cet homme de 52 ans est le seul à comparaître dans le box. Il a fait connaissance avec Haurus sur le Darknet alors même qu’il était incarcéré dans le sud de la France. « En prison, quelqu’un m’a initié au Darknet, expliquait le prévenu, ce mardi. J’ai commencé à acheter des choses, des trucs pour mes enfants, un drone… »

« Comme si c’était Amazon », relève la présidente du tribunal, Sophie-Hélène Château. « Oui », répond simplement le prévenu. « Une fois, j’ai vu sur un post qu’on pouvait localiser une personne. J’avais des clients... », s’explique encore cet homme à la faconde toute méridionale.

Des informations sur des membres du banditisme marseillais

Il vient de Marseille (Bouches-du-Rhône), connaît le milieu. Et justement, il a passé commande à Haurus d’informations concernant plusieurs membres du banditisme marseillais. Plusieurs ont été abattus peu après les recherches du policier. « Je ne savais que c’était des gens du grand banditisme. Moi, on me passait commande, je faisais des copiés-collés à Haurus et voilà. »

N’appréciant pas d’être prise pour une « imbécile », la présidente a tenté d’obtenir plus de réponses du prévenu mais sans succès. L’homme dit réserver ses explications aux juges marseillais. Comme Haurus, il est mis en examen pour association de malfaiteurs criminelle.

À Nanterre, le procès, initialement prévu jusqu’à ce vendredi, pourrait s’achever ce jeudi soir.

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Source : https://www.leparisien.fr/hauts-de-seine-92/haurus-le-policier-de-la-dgsi-qui-vendait-des-infos-sur-le-darknet-faisait-aussi-dans-les-faux-documents-16-06-2021-XE7UFCXLYNDZ5OPNKAS2UCBNLQ.php