États-Unis : 156 prêtres, séminaristes, frères et sœurs pédophiles identifiés dans le Maryland

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Publié le 07/04/2023 09:22:29

Pendant des décennies, « des prêtres et d’autres membres de l’archidiocèse de Baltimore se sont livrés à des abus horribles et répétés sur les enfants les plus vulnérables de leur communauté, tandis que les dirigeants de l’Archidiocèse détournaient le regard », cingle le rapport du Procureur général de l’État.

Un rapport édifiant, qui a choisi de commencer par la liste nominative de tous les hommes mis en cause. L’enquête ouverte par le procureur général du Maryland en 2018 a permis d’identifier que plus de 600 enfants ont été les victimes des abus sexuels de 156 prêtres et religieux - dont trois femmes - de l’archidiocèse de Baltimore.

Pendant près de cinq années, le Grand Jury de la ville de Baltimore a délivré des citations à comparaître à l’archidiocèse, ainsi qu’à des paroisses, des ordres religieux, au séminaire, récupérant des milliers de dossiers. Une telle démarche avait déjà été effectuée en Pennsylvanie. Le bureau du procureur du Maryland, Anthony G. Brown, a passé au peigne fin des centaines de milliers de documents remontant pour certains aux années 1940 et courant jusqu’à 2002. Une adresse électronique et une ligne téléphonique d’urgence avaient été ouvertes pour permettre aux victimes ou aux témoins de rapporter des faits. Plus de trois cents personnes ont contacté les enquêteurs, qui ont interrogé des centaines de victimes et de témoins. Certaines personnes n’avaient jamais parlé. Et si 600 enfants ont été identifiés comme les victimes de ces 156 hommes et femmes « de foi », le nombre exact de victimes de ces 156 abuseurs est inconnu, accable le procureur.

Des « abus omniprésents et persistants »

Son rapport de 463 pages (dont le PDF peut être consulté ici) donne à lire des comptes rendus détaillés des abus, de l’impact qu’ils ont eus pour les victimes, mais surtout la répétition terrible des faits et l’impunité dont ont joui les agresseurs. « L’histoire incontestable révélée par cette enquête est celle d’abus omniprésents et persistants commis par des prêtres et d’autres membres de l’archidiocèse », annonce le rapport, notant une « constance » dans « l’autorité et le pouvoir absolus des prêtres abuseurs ».

Ainsi peut-on lire que le père « John Wielebski a abusé sexuellement d’enfants qui venaient lui demander conseil. Fait effrayant : l’une de ses victimes lui a été envoyée en raison d’abus sexuels antérieurs » qu’elle avait subis. Le pasteur Robert Hopkins s’en est pris dès 1972 à un enfant de chœur qui se portait volontaire pour ouvrir le presbytère le matin. Il jouissait d’une telle confiance que les parents de la victime laissaient leur fils passer la nuit au presbytère. Hopkins l’a violé pendant cinq ans ».

En 1964, « Lawrence Brett a admis au diocèse de Bridgeport qu’il avait abusé et agressé sexuellement un garçon lorsqu’il était dans le Connecticut. Il a été envoyé en « traitement » au Nouveau-Mexique où il a continué à abuser d’enfants ». Entré dans l’archidiocèse de Baltimore, il a été placé à Calvert Hall, une école pour garçons, où il a abusé de plus de 20 garçons.

« Joseph Maskell a été déplacé de deux paroisses dans les années 1960. » Des parents s’étaient d’abord émus des questions qu’il posait aux scouts qu’il encadrait, pour connaître leurs pratiques et leurs fantasmes sexuels, puis d’autres se sont émus de « la présence de jeunes filles dans le presbytère dans des circonstances suspectes ».

Ces rapports n’ont non seulement fait l’objet d’aucune enquête interne solide, mais Maskell, considéré comme conseiller en psychologie, donc confident désigné à tous les enfants rencontrant des difficultés, a été affecté à l’aumônerie de l’Archbishop Keough High School, un lycée de filles. Maskell a abusé sexuellement d’au moins 39 victimes, souvent en présence d’un autre prêtre de Keough, le père Neil Magnus. « L’archidiocèse était au courant des préoccupations concernant la conduite de Maskell dès 1966 », note le rapport.

Preuve de l’embarras terrible que cause cette enquête à la communauté catholique : à la suite d’une action en justice portée par « un groupe anonyme de personnes nommées dans le rapport mais qui n’ont pas été accusées d’abus », le rapport avait été considéré comme confidentiel. Mais en décembre dernier, le juge du circuit de Baltimore, Robert Taylor Jr., a ordonné qu’une version expurgée soit rendue publique.

L’inaction coupable de la hiérarchie ecclésiastique

Les juges enquêteurs du Maryland dénoncent les efforts déployés par les dirigeants de l’Église catholique pour dissimuler le comportement illégal de ses serviteurs. Ils accusent l’archidiocèse de s’être soucié « peu ou pas du tout des victimes » mais surtout d’avoir tout fait pour cacher les crimes.

Robert Hopkins, par exemple, dont les premiers abus datent probablement des années 1970, n’a été classé par l’archidiocèse dans « la catégorie des accusés crédibles » qu’en 2002. Pourtant, dans une lettre qu’il lui avait adressée en juin 1995, après que le pasteur avait reconnu avoir abusé d’un garçon de 10 ans à plusieurs reprises, l’inspecteur général de l’Ordre annonçait à l’homme d’église que ses facultés lui étaient retirées. Il lui exprimait sa sympathie pour avoir traversé « une période extrêmement difficile ». Le prêtre a achevé sa retraite paisiblement, avant de décéder en 2006.

L’État du Maryland n’a pas fixé de prescription pour les crimes. Les abus dénoncés dans le rapport peuvent être poursuivis à tout moment dès lors qu’ils constituent un crime au moment où ils ont été commis. Or, depuis les années 1960 et la première loi protégeant les enfants contre les maltraitantes, les textes ont énormément évolué. Au terme de ces années d’enquête, le bureau du procureur général recommande que l’État modifie le délai de prescription pour les actions civiles impliquant des abus sexuels sur des enfants. La loi actuelle prévoit un délai de trois ans à compter de la date du préjudice, selon l’Assemblée générale du Maryland. « L’archidiocèse choisit systématiquement de s’appuyer » sur ce délai de prescription, selon le rapport, pour ne pas avoir à indemniser les victimes.

Dans un communiqué daté de mercredi, l’archevêque William E. Lori, en poste depuis 2012, a présenté ses excuses aux victimes pour le « préjudice causé » par l’Église et appelé les fidèles à « accepter » les conclusions du rapport. Selon lui, il rend compte d’une période du passé de l’archidiocèse « lorsque notre réponse à de telles allégations était terriblement inadéquate ».

« Nous vous entendons. Nous croyons que vous et vos voix courageuses avez fait une différence. (…) La puissance de vos paroles m’oblige à faire tout ce qui est en mon pouvoir pour prévenir de futurs incidents d’abus et promouvoir la guérison des survivants », affirme-t-il.

Crédits image et texte : Le Parisien©
Source : https://www.leparisien.fr/faits-divers/etats-unis-156-pretres-seminaristes-freres-et-soeurs-pedophiles-identifies-dans-le-maryland-07-04-2023-VTMUHV4UG5DKNGNVZQEBBR3SAA.php