ENTRETIEN. Peut-on rendre les forêts françaises plus résilientes face au changement climatique ?

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Publié le 30/07/2022 08:30:17

Le changement climatique apporte son lot de conséquences dévastatrices pour l’environnement, en particulier les forêts. Près de 40 000 hectares sont déjà partis en fumée depuis début juin. Est-il possible d’endiguer ces drames environnementaux par une gestion différente des zones boisées ? Un écologue de l’Inrae nous répond.

Chaleurs, sécheresse, prolifération de nuisibles… Le changement climatique fragilise toute la biodiversité, y compris les forêts, en proie depuis le début de l’été à des incendies gigantesques.

Selon Bernard Prévosto, chercheur en écologie forestière à l’Inrae (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement) Aix-en-Provence, la gestion des zones boisées française pourrait être amenée à évoluer pour que les forêts s’adaptent au dérèglement du climat.

Êtes-vous surpris par l’ampleur des incendies en Gironde, en Bretagne ou en Ardèche ?

Malheureusement, on sait que le changement climatique met des coups de boutoir de plus en plus prononcés sur les systèmes forestiers. Cette récurrence d’épisodes secs, de hausses de températures et de baisses de précipitations, était prévue dans le cadre du changement climatique. Et le corollaire de cet assèchement du climat est, entre autres, les incendies. En moyenne 24 000 hectares sont partis en fumée chaque année au cours des quatre dernières décennies. Ce n’est pas terminé.

Lire aussi : Incendies. Près de 40 000 hectares de forêt ont déjà brûlé depuis le début de l’été 2022

Tous les types de forêts sont-ils menacés dans les mêmes proportions ?

Nos systèmes forestiers sont très diversifiés en France, suivant les climats, les sols et les types de végétation. On a donc des situations contrastées entre les pins des Landes, dans des systèmes réguliers, régénérés de façon artificielle par plantation, et le Sud-Est par exemple, avec des systèmes moins gérés, une régénération plutôt naturelle. Pourtant, ces deux systèmes sont vulnérables quand même lorsque les conditions climatiques sont extrêmement défavorables.

Au-delà de la composition, la structure des peuplements est importante. Les peuplements âgés, peu stratifiés avec des arbres hauts, sont moins vulnérables. Dans ce cas-là, un incendie grimpe moins dans les cimes, passe plutôt au sol et n’endommage pas trop gravement les arbres. Les arbres plus vieux sont aussi mieux protégés par une écorce épaisse et résistante.

En revanche, si on a un système très diversifié, c’est-à-dire des arbres de toutes dimensions, avec plusieurs espèces, le feu va plus facilement passer d’une strate basse à une strate supérieure et dévaster l’ensemble.

La structure de la forêt détermine donc, en partie, le risque de propagation de l’incendie ?

On a ce que l’on appelle le « triangle du feu » pour qu’un incendie se forme. Il faut du combustible (le bois), du comburant (l’oxygène, les grands vents sont alors favorables au feu) et une étincelle (une production de chaleur, volontaire ou non).

Le feu va progresser s’il trouve du combustible. Or les forêts stratifiées verticalement présentent le risque d’un incendie plus total, qui peut facilement se propager des pieds aux cimes des arbres de la strate dominante. La stratification horizontale, ce sont les vastes continuums de forêt.

Sur quelle face du triangle peut-on intervenir pour limiter les risques d’incendie ?

Il faut essayer de jouer sur les deux composantes sur lesquelles on a prise. D’abord l’étincelle, pour cela, il faut jouer sur la prévention et l’intervention rapide en cas de départ de feu. Ensuite sur le combustible, c’est pour cela que l’on fait des pare-feu ou que l’on débroussaille.

Dans le bassin aquitain, la forêt des Landes s’étale sur un million d’hectares : il s’agit du plus grand massif d’Europe, avec un vaste continuum forestier. Il y a une vraie réflexion à avoir afin d’évaluer si ces continuums ne doivent pas être restreints pour limiter la propagation des incendies par exemple.

Mais qui dit casser les continuums de forêt, dit contraindre et affaiblir la biodiversité…

L’écologie c’est toujours compliqué… On est confronté à un dilemme entre maximiser la biodiversité avec de larges massifs et limiter les risques.

Un large massif où des espèces très diversifiées peuvent se développer, qui sont favorables à la vie animale, avec plusieurs strates de végétation, va être très vulnérable à l’incendie. Donc il y a des compromis à faire entre ce risque incendie et la préservation de la biodiversité.

Pour l’adaptation des forêts au climat futur, il y a actuellement des expérimentations un peu partout en France. On prend par exemple des espèces du sud, plus résilientes à la sécheresse, et on les implante dans des conditions du nord, une zone qui commence aussi à subir ces conditions sèches. Il s’agit de la migration assistée. Mais il n’y a pas de solution miracle. Il va falloir chercher des solutions localement, qui soient adaptées à chaque territoire.

Crédits image et texte : Ouest France©
Source : https://www.ouest-france.fr/environnement/entretien-peut-on-rendre-les-forets-francaises-plus-resilientes-face-au-changement-climatique-a09023e0-0e78-11ed-9988-8d99268291f5