Enfants maltraités dans le Pas-de-Calais : «Mes petits frères sont marqués à vie»

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Publié le 25/01/2023 17:48:29

Jugés mardi devant le tribunal correctionnel de Béthune pour de graves maltraitances et des violences sur leurs dix enfants, Christine B. et Marc R., dénoncés aux services sociaux par un de leurs aînés, ont été confrontés aux récits sans appel de trois de leurs victimes.

Sur le banc des prévenus, la silhouette frêle et le regard fuyant de Christine B., 40 ans. A ses côtés, son compagnon et père de leurs dix enfants, Marc R., 44 ans, cheveux en brosse et visage marqué. Au tribunal correctionnel de Béthune, ce mardi 24 janvier, le couple s’apprête à affronter trois de ses dix enfants, Bryan, 21 ans, Maxime, 16 ans, et Mélanie, 14 ans (les deux derniers prénoms ont été changés). Le couple, qui comparaît libre, est poursuivi pour « violences sur mineur de 15 ans par ascendant » et « soustraction aux obligations légales ».

La procureure requiert deux ans de prison avec sursis pour chacun des prévenus, avec interdiction de contact avec les sept mineurs, et l’obligation d’un stage de parentalité. La décision du tribunal est mise en délibéré.

Tout commence le 30 août dernier, à 14h13. Bryan lance un appel à l’aide aux services sociaux. Pour sauver ses frères et sœurs, le jeune-homme, expulsé du domicile familial à ses dix-huit ans, relate les mauvais traitements perpétrés par ses parents. Il décrit un quotidien infernal, rythmé par des carences éducatives, médicales et hygiéniques, ainsi que des violences et insultes fréquentes. L’affaire est prise au sérieux, une procédure judiciaire est diligentée. Les parents sont placés en garde à vue puis sous contrôle judiciaire. Le juge des enfants ordonne le placement provisoire des sept enfants mineurs. La famille était pourtant déjà connue des services sociaux depuis 2013.

« Mes petits frères sont marqués à vie »

Le premier à s’avancer à la barre des témoins est Maxime. Il énumère les insultes qui s’abattaient sur lui et ses frères et sœurs : « Bâtards », « Fils de pute », « Salopes ». Le jeune homme au regard bleu perçant livre quelques précisions : « J’ai déjà eu des coups de ceinture de mes deux parents, c’était tous les jours ». La timidité de l’adolescent face au tribunal ne cache pas complètement une expression endurcie. Ses propos sont aussitôt confirmés par Justine, l’épouse de Bryan, qui renchérit : « J’ai entendu énormément d’insultes ». « Je faisais le ménage lorsque je venais, sinon ce n’était pas fait. Les bébés étaient sales, et jouaient avec leurs excréments », lâche-t-elle, au bord des larmes.

C’est lors d’un jour de plus grande violence, que Bryan (lui-même papa d’une petite fille), alors en visite dans sa famille, doit intervenir physiquement au milieu d’un énième conflit. C’en est trop pour lui, il décide d’agir pour mettre à l’abri sa fratrie. « Mes petits frères sont marqués à vie », dit-il en pleurant, « je suis choqué que mes parents ne réfléchissent pas aux conséquences ».

Lui-même a eu par le passé des accès de violences qui l’ont mené en prison et il lâche : « La seule chose que j’aimerais dire à mes parents c’est que, lorsque j’étais en prison, ils m’ont dit d’assumer mes conneries. Aujourd’hui, j’aimerais qu’ils assument les leurs. » Un avis partagé par sa jeune soeur Mélanie, qui assure à la barre : « Si tu fais dix enfants, tu dois les assumer. Si elle (Christine B.) nous aimait vraiment, elle nous aurait mis en sécurité ». La jeune-fille confie découvrir une vie normale depuis qu’elle est placée hors du foyer de ses parents : « On ne se fait pas engueuler pour rien, on s’occupe de nous. » Mélanie assure faire maintenant de la danse et voir plus souvent ses amis.

« Je n’en pouvais plus »

Face aux récits de ses enfants et de sa belle-fille, Christine B. tente de se justifier. « On s’est sentis dépassés, fatigués. Je n’en pouvais plus », explique cette mère. Elle avoue néanmoins : « On ne peut pas le nier ». Quant à Marc R., s’il reconnait des claques « aux fesses et à la tête », il nie farouchement les coups de poings, les coups de ceinture, et la plupart des maltraitances découvertes pendant l’enquête (négligences multiples, manque de suivi scolaire, saleté du logement, attitude impudique des adultes devant les enfants, etc.). Afin de justifier les accès de colère qui lui sont reprochés, il tente de noyer le poisson maladroitement.

Selon Bryan, sa mère « se voile la face » et « est soumise pour protéger son père ». Face à la réticence des parents, le président s’agace : « Ça saute aux yeux ! Si on n’avait pas eu l’appel de Bryan, combien de temps cela aurait encore duré ? Quel aurait été le déclic ? ».

La prévenue affirme pourtant avoir « signé un contrat » en juillet dernier avec les services sociaux, « pour avoir un éducateur » en septembre. Mais ses enfants contredisent cette version : « Ils ne demandaient pas d’aide. Les assistantes sociales étaient là, mais ma mère ne les a pas laissées entrer », déclare Maxime.

« Je me demande pourquoi je n’ai pas agi avant. En tant que mère, je me le reproche tous les jours », assure Christine B. « Comment voyez-vous l’avenir familial ? » interroge le président. « J’accepte que mes enfants soient placés et restent en sécurité, souffle-t-elle. On les aime, ils feront toujours partie de nous. »

Crédits image et texte : Le Parisien©
Source : https://www.leparisien.fr/faits-divers/enfants-maltraites-dans-le-pas-de-calais-mes-petits-freres-sont-marques-a-vie-25-01-2023-F3HGBKNYIFB6DGDPCWREYTHUBM.php