Église et pédophilie : les principaux scandales d’abus sexuels depuis 30 ans

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Publié le 04/10/2021 18:10:35

CHRONOLOGIE – Ce mardi 5 octobre, le rapport Sauvé sur la pédocriminalité dans l’Église de France doit être remis. L’occasion de revenir sur les principaux scandales de pédophilie qui ont secoué l’Église en France et dans le monde depuis les années 1990.

Très attendu, le rapport Sauvé sur la pédophilie dans l’Église catholique sera divulgué ce mardi 5 octobre. Il y a eu « entre 2 900 et 3 200 pédocriminels », hommes – prêtres ou religieux – au sein de l’Église catholique en France depuis 1950, a déclaré le 4 octobre à l’AFP Jean-Marc Sauvé, le président de la commission qui enquête sur la pédocriminalité dans l’Église. « Il s’agit d’une estimation minimale », fondée sur le recensement et le dépouillement des archives (Église, justice, police judiciaire et presse) et sur les témoignages reçus par cette instance, a-t-il ajouté. C’est un chiffre à rapporter à une population générale de 115 000 prêtres ou religieux au total sur cette période de soixante-dix ans.

La France n’est pas le seul pays touché par les scandales de pédophilie au sein du clergé. Depuis le début des années 2000, les langues se sont déliées partout dans le monde et des dizaines de milliers de victimes se sont manifestées pour dénoncer les abus qu’elles avaient subis. Australie, États-Unis, Irlande, Allemagne, Brésil… dans de nombreux pays, des affaires ont éclaté au grand jour, parfois des années après les faits.

Mars 1995 : l’archevêque de Vienne est démis de son poste

En Autriche, un de ses anciens élèves révèle dans un magazine que Hans Hermman Groër (1919-2003) se livrait à des attouchements sexuels sur ses élèves et qu’il avait fait de lui son amant durant 4 ans. Le prêtre démissionne immédiatement mais ne répond pas à ces accusations.

Fin des années 1990 : les débuts d’un scandale en France

Mgr Pierre Pican, entouré de ses trois avocats arrivant le 4 septembre 2001 au tribunal de Caen pour y entendre le délibéré de son jugement pour non-dénonciation de crimes et d’atteintes sexuelles sur mineur de 15 ans.

Archives AFP / Mychele Daniau

Alors que jusqu’à présent, les cas de pédophilie au sein de l’Église étaient traités dans la confidentialité, plusieurs affaires éclatent au grand jour. Une dizaine de prêtres et de religieux sont mis en examen. L’abbé Bissey, qui officie dans une paroisse de la banlieue de Caen, est accusé d’une douzaine de viols et agressions sur mineurs entre 1985 et 1996. Il est condamné le 6 octobre 2000, à 18 ans de prison.

Car l’évêque du diocèse de l’abbé Bissey, Mgr Pierre Pican, a aussi été mis en examen pour « non-dénonciation de crime » et « non-dénonciation d’atteinte sexuelle sur mineurs de 15 ans ». Mis au courant des agissements du prêtre dès 1986, il l’a muté dans une autre paroisse sans en informer les autorités. En 2001, Mgr Pican est condamné à 3 mois de prison avec sursis.

Années 2000 : 14 500 enfants abusés durant des décennies en Irlande

Dans les années 2000, des allégations d’abus sexuels commis depuis des décennies sur 14 500 enfants ont mis en cause des institutions de l’Église en Irlande. Plusieurs évêques et prêtres, accusés d’avoir couvert ces agissements, ont été sanctionnés.

2001 : à Bordeaux, un prêtre bordelais condamné à 4 ans de prison

En septembre, Gérard Mercury, un prêtre de 51 ans est condamné à quatre ans de prison par le tribunal correctionnel de Bordeaux pour des atteintes sexuelles sur huit enfants mineurs dont il s’occupait entre 1994 et 1999 lorsqu’il officiait dans les paroisses de Léognan et de Saint-Médard-d’Eyrans, avant d’être muté à la paroisse Saint-Jean-Marie-Vianney-Curé-d’Ars de Pessac. Il avait déjà été condamné à 18 mois de prison avec sursis pour des faits similaires dans le Var quelques années auparavant.

11 prêtres en prison

En novembre 2001, selon la Conférence des évêques de France, onze prêtres purgent à cette date une peine de prison ferme pour des faits de pédophilie. Dix-huit autres sont mis en examen, dont sept placés en détention provisoire

2003 : deux condamnations pour viol en France

En mars 2003, la cour d’assises du Calvados condamne le curé de Pont-Saint-Pierre (Eure), Émile Leblond, 84 ans, à huit ans de prison pour viol.

En mai, le père Jacques Daheron, ex-salarié des Orphelins d’Auteuil est condamné à six ans de prison pour viols et agressions sexuelles sur trois mineurs par les assises de Paris. La Fondation des orphelins apprentis d’Auteuil est condamnée deux ans plus tard au civil en appel.

Septembre 2004 : un évêque autrichien démis par le Vatican

Kurt Krenn, évêque ultra-conservateur de Sankt-Pölten, démissionne. Il est accusé d’avoir voulu étouffer un scandale sexuel dans son diocèse après la découverte de quelque 40 00 images pornographiques, dont certaines à caractère pédophile ou zoophile, dans les ordinateurs portables de plusieurs prêtres du séminaire. En octobre de la même année, toujours en Autriche, le prêtre d’Annaberg-Lungoetz a été relevé de ses fonctions et transféré dans une abbaye proche de cette localité. Il se serait livré à des attouchements sexuels sur des jeunes gens.

Juin 2005 : une figure de l’humanitaire condamné pour viols sur mineurs en France

Le père François Lefort, médecin, figure de l’humanitaire et se prônant « dénonciateur » des réseaux pédophiles est condamné à huit ans de prison pour tentatives de corruption, agressions sexuelles et viols sur mineurs.

2006 : démission au Mexique, condamnations en France

Au Mexique, le fondateur de la congrégation des Légionnaires du Christ, le père Marcial Maciel, a dû démissionner en 2006, accusé publiquement de sévices sexuels et de maltraitance sur mineurs en 1956 et 1997.

En mai, en France, Pierre Dufour, 71 ans, vicaire épiscopal et curé de Saint-Jean-de-Maurienne (Savoie), est condamné pour « viols et agressions sexuelles », à 15 ans de réclusion criminelle. Il reconnaît avoir violé ou fait subir des attouchements sexuels pendant des années à au moins une dizaine de jeunes adultes.

Un autre prêtre français, Henri Le Bras est condamné à 10 ans de réclusion en octobre par la cour d’assises de Seine-et-Marne pour avoir imposé entre 1995 et 1998 des relations sexuelles à un garçon né en 1983. Pour la première fois, l’Église a été admise à se porter partie civile dans ce type d’affaire.

Novembre 2008 : enquête civile et canonique en France

En novembre 2008, la cour d’assises de la Corrèze condamne à 12 ans de réclusion criminelle Olivier Guinant, 56 ans, un ancien prêtre accusé de viols d’un mineur et d’attouchements sexuels sur deux autres jeunes garçons, de 1988 à 1994. Le Vatican demande à l’évêque de Tulle, Mgr Bernard Charrier une « enquête canonique » sur l’affaire

2008-2011 : plus de 50 enfants abusés dans une communauté religieuse en France

En 2008, un membre de la Communauté des Béatitudes est accusé de nombreuses agressions sexuelles. Il reconnaît les faits, qui concerneraient plus de 50 enfants. Plusieurs témoignages indiquent que les responsables de la communauté auraient exclu quatre membres qui avaient révélé l’affaire. En 2011, la justice s’empare de l’affaire. Le frère Pierre-Étienne Albert est accusé de 38 cas d’agressions sexuelles, car les autres faits avoués sont prescrits. Il est condamné à 5 ans de prison. Les responsables de la communauté, poursuivis pour « non-dénonciation d’atteintes sexuelles » bénéficient finalement d’un non-lieu pour prescription.

2010 : Allemagne et Pays-Bas : des milliers de cas d’abus sexuels révélés

Depuis 2010, des centaines de cas d’abus sexuels sur des mineurs dans des institutions ont été révélés en Allemagne, notamment dans le très huppé collège Canisius à Berlin. Une table ronde sur les scandales pédophiles se met en place.

Aux Pays Bas, ce sont plusieurs dizaines de milliers de mineurs qui ont été abusés sexuellement au sein de l’Église entre 1945 et 2010 et 800 auteurs présumés ont pu être identifiés.

La même année, en Belgique, Roger Vangheluwe, l’évêque de Bruges, démissionne après avoir reconnu des abus sexuels sur ses deux neveux.

51 prêtres déjà inculpés, 56 déjà condamnés en France

Selon une enquête de la Conférence des évêques de France (CEF), en octobre 2010, 9 prêtres sont emprisonnés pour actes de pédophilie et 51 mis en examen. 45 prêtres ont purgé des peines pour faits de pédophilie.

2012 : 17 000 victimes en 63 ans aux États-Unis

Bernard Law, archevêque de Boston de 1984 à 2002.

Wikimedia Commons

L’Église américaine a reçu entre 1950 et 2013 des plaintes d’environ 17 000 victimes d’abus commis par quelque 6 400 membres de son clergé entre 1950 et 1980. C’est en 2002 que les révélations du plus grand scandale de pédophilie des États-Unis vont faire le tour du monde, à travers une enquête du quotidien « The Boston Globe » qui a inspiré le film « Spotlight », sorti en 2015 : plus de 200 victimes accusent 90 prêtres d’abus sexuels commis pendant 33 ans dans l’archidiocèse de Boston. Des experts évoquent au Vatican le chiffre de 100 000 enfants victimes d’abus sexuels de la part de prêtres.

Des experts évoquent au Vatican le chiffre de 100 000 enfants victimes d’abus sexuels de la part de prêtres. Plusieurs hauts prélats ont été contraints de démissionner pour avoir fermé les yeux, dont les cardinaux Bernard Law (Boston) et Roger Mahony (Los Angeles).

En mars 2013, le cardinal Roger Mahony et un ancien prêtre ont accepté de verser près de 10 millions de dollars de dédommagement à quatre personnes affirmant avoir été victimes d’abus sexuels de la part d’un prêtre quand ils étaient enfants, évitant ainsi la tenue d’un procès.

2013 : l’Église australienne présente ses excuses

Le cardinal George Pell présente ses excuses au nom de l’Église catholique australienne.

AFP ROSLAN RAHMAN

En Australie, 620 enfants ont été victimes d’abus sexuels depuis 1930. En mai 2013, l’archevêque de Sydney présente « ses excuses les plus complètes »

Juin 2015 : le pape destitue un nonce polonais

Jozef Wesolowski, nonce en République dominicaine, est accusé d’abus sexuels sur mineurs et de détention de matériel pédopornographique. Le prélat polonais est destitué par le pape François. Il décède en août, la veille de son procès qui aurait dû se tenir au Vatican. Une première qui n’aura pas lieu.

2016 : l’Église de France ébranlée par l’affaire Preynat, à Lyon

Le père Bernard Preynat, alors qu’il dirigeait un camp scout.

DOCUMENT TF1

Début 2016, un groupe d’anciens scouts brise l’omerta : ils dénoncent les abus sexuels dont quelque 70 d’entre eux auraient été victimes entre 1986 et 1991 et accusent le père Bernard Preynat, qui reconnaît les faits. Le 10 février, dans un entretien au journal La Croix, l’archevêque de Lyon Philippe Barbarin reconnaît avoir eu connaissance des comportements du prêtre vers 2007-2008. Cependant, il maintiendra les fonctions du prêtre jusqu’en 2015, sans dénoncer les faits à la justice comme la loi l’y oblige, ni même l’affecter à des fonctions éloignées des enfants.

Plusieurs victimes présumées ont porté plainte contre lui pour « non-dénonciation et mise en péril de la vie d’autrui ». Le 15 mars, Mgr Barbarin est mis en cause par une autre victime, qui aurait été abusée par un autre prêtre, sans que rien ne soit fait ou dénoncé au niveau du diocèse.

Le 9 novembre, une centaine d’évêques français réunis à Lourdes demandent pardon pour le silence de l’Église face à la pédophilie. Une initiative collective encore jamais vue dans le pays.

2017 : multiplication des révélations sur des affaires de pédophilie impliquant des prêtres autour du monde

En 2018, des victimes d’abus sexuels posent avec des photos de membres du clergé lors d’une conférence de presse le 7 juin 2018 à Genève.

Archives AFP/ Fabrice COFFRINI

Les langues se délient. En Australie, le scandale éclate en 2017 : entre 1950 et 2010, 7 % des prêtres catholiques australiens ont fait l’objet d’accusations d’abus sexuels sur des enfants sans que les soupçons ne débouchent sur des investigations. 4 444 faits de pédophilie ont été signalés aux autorités de l’Église.

Le 21 mars de la même année, une enquête journalistique dénonce l’exfiltration d’Afrique par l’Église catholique de prêtres français soupçonnés d’abus sexuels sur de jeunes africains. Couverts par l’Église, Ils sont ainsi soustraits à la justice locale.

À l’issue de la cérémonie du Vendredi Saint devant le Colisée de Rome, le pape François fait allusion à la pédophilie dans l’Église et parle de la « honte pour toutes les fois où des évêques, des prêtres et des religieux ont scandalisé et blessé » l’Église. 15 avril 2017

En mai, c’est une femme, une religieuse japonaise, qui est arrêtée en Argentine. Elle est accusée d’abus sexuels sur 27 enfants malentendants dans une école. Deux curés et trois employés de l’institution, tous sous les verrous, sont également soupçonnés par la justice dans ce dossier.

La France est de nouveau sur la sellette en juin, avec la mise en examen de l’ancien évêque d’Orléans, Mgr André Fort, pour n’avoir pas dénoncé des faits présumés d’attouchements sexuels sur mineurs, commis par le père Pierre de Castelet (69 ans). Ce dernier a été condamné à 3 ans d’emprisonnement dont un an avec sursis, deux ans de mise à l’épreuve avec obligations de soins. L’évêque honoraire d’Orléans André Fort, a quant à lui, été condamné à 8 mois de prison avec sursis, pour non-dénonciation d’atteintes sexuelles sur mineurs.

Le 29 juin, le n°3 et argentier du Vatican, le cardinal australien George Pell, est officiellement inculpé en Australie pour de multiples abus sexuels. Les faits présumés remontent aux années 1970, 1980 et 1990. Il sera condamné en 2019 à six ans de prison pour agressions sexuelles contre deux enfants de chœur, des crimes « éhontés » aux yeux du juge. Il fera appel et gagnera en avril 2020.

En juillet, de nouvelles révélations éclaboussent l’Église allemande. Entre 1945 et 1990, dans le célèbre chœur catholique de Ratisbonne, plus de 500 enfants auraient été maltraités ou abusés, dont certains violés. 49 auteurs présumés ont été identifiés, mais ne seront pas poursuivis car leurs crimes sont prescrits. C’est le propre frère de l’ex pape Benoît XVI qui dirigeait alors ce chœur.

2018 : le « scandale Karima » rebondit au Chili, 700 prêtres accusés de pédophilie aux États-Unis

L’Église catholique du Chili avait été secouée par le « scandale Karima », du nom de cet ancien prêtre, curé d’une paroisse de Santiago, auteurs d’abus sexuels dans les années 1970 et qui avait été renvoyé de l’état clérical en 2011. La polémique rebondit en 2018 lors du voyage au Chili du pape François. Certaines des victimes affirment que Mgr Juan Barros, évêque d’Osorno et nommé par le souverain pontife, était au courant.

L’ampleur du scandale des prêtres pédophiles ne cesse de croître aux États-Unis. Mi-août 2018, le procureur de la Pennsylvanie avait rendu publique une enquête révélant des abus sexuels perpétrés par plus de 300 prêtres pédophiles sur plus de 1 000 enfants. Des actes couverts par l’Église catholique en Pennsylvanie. Ce rapport de 884 pages indiquait que les abus s’étalaient sur une période de 70 ans.

 Le 20 décembre 2018, la justice a révélé que près de 700 membres du clergé de l’Illinois avaient été accusés, sur plusieurs décennies, d’agression sur mineur. 

2020-2021 : condamnation du père Preynat à Lyon, relaxe du cardinal Barbarin

L’affaire Preynat a inspiré le film de François Ozon, « Grâce à Dieu ». Sorti en février 2010, il bouleverse et « fait jaser » à Lyon et partout en France.

Le prêtre est condamné en mars 2020 à cinq ans d’emprisonnement pour d’innombrables agressions sexuelles commises sur des scouts entre 1971 et 1991.

La Cour de cassation, plus haute juridiction de l’ordre judiciaire, rejette, mercredi 14 avril, le pourvoi de huit victimes de l’ancien prêtre Bernard Preynat contre l’arrêt de la cour d’appel de Lyon qui avait relaxé, en janvier 2020, le cardinal Barbarin pour non-dénonciation d’agressions sexuelles du Père Preynat. Le 6 mars 2020, le pape a accepté la démission de Philippe Barbarin.

Ce dernier, qui est désormais aumônier d’un couvent de religieuses en Bretagne, avait été condamné en première instance, en 2019, à six mois de prison avec sursis pour n’avoir pas signalé à la justice certains des faits, non prescrits, dont il avait été informé.

Juin 2021 : le Vatican inscrit dans son droit un article explicite sur les crimes pédophiles

Le 1er juin, l’Église catholique inscrit un article explicite sur les crimes de pédophilie dans le droit canon. Jusqu’à présent les abus sur mineurs étaient punis sous le simple intitulé du non-respect du sixième commandement « tu ne commettras pas l’adultère ».

Mars 2021 : un rapport secoue l’Église allemande

Un rapport indépendant commandé par l’Église catholique en Allemagne a identifié que des violences sexuelles ont été infligées à 314 mineurs par 202 membres du clergé ou des laïcs entre 1975 et 2018, dans le diocèse de Cologne.

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