ÉDITORIAL. Éradiquer la pédocriminalité…

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Publié le 13/11/2021 08:02:36

« L’Église de France, en instituant la Commission présidée par Jean-Marc Sauvé, a impulsé un mouvement de prise de conscience et de protection. Il faut que toutes les institutions fassent le même travail », a déclaré Édouard Durant, coprésident de la Commission sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants.

« Tout le bien du monde ne rachète pas les pleurs d’un enfant », a dit Mgr de Moulins Beaufort, le président de la Conférence des évêques de France (CEF) réunie à Lourdes. Une image représentant le visage d’un enfant en larmes a été dévoilée. Dans ses yeux « se mêlent la souffrance de la violence subie, le déni de sa parole et une grande solitude », a écrit une personne victime d’abus sexuel (1).

C’est un tournant dans la lutte contre les abus sexuels dans l’Église. Les évêques ont reconnu la responsabilité institutionnelle de l’Église et « la dimension systémique de ces violences : […] Des fonctionnements, des mentalités, des pratiques au sein de l’Église catholique ont permis que ces actes se perpétuent et ont empêchés qu’ils soient dénoncés et sanctionnés […] cette responsabilité entraîne un devoir de justice et de réparation, qui ouvre la possibilité de demander pardon en vérité ».

Des mesures sont prises. Elles suivent les conclusions de la Commission indépendante qui travaille depuis trois ans à la demande des évêques (2) : création d’une instance indépendante de reconnaissance et de réparation et d’un tribunal canonique national ; des protocoles avec les Parquets ; participation des laïcs ; formation ; prévention… « C’est une grande satisfaction. Nous n’aurions pas imaginé cela il y a six mois, » déclarait l’un des fondateurs du Collectif 85 regroupant des victimes en Vendée (3).

Le travail remarquable de la Commission Sauvé a aussi révélé l’ampleur des violences sexuelles en France : « Plus de 5 millions et demi de personnes majeures vivant dans notre pays ont subi pendant leur minorité de telles violences. […] On estime à 160 000 le nombre de mineurs qui chaque année subissent des violences sexuelles. De tels chiffres […] interpellent notre société tout entière » (2). Si 6 % de ces crimes ont été commis par des personnes en lien avec l’Église catholique, 94 % l’ont été dans « le cercle familial, […] amical, l’école publique, les colonies et les camps de vacances, les clubs de sport et les structures culturelles » (2).

« L’Église de France en instituant la Commission présidée par Jean-Marc Sauvé a impulsé […] un mouvement de prise de conscience et de protection […] Il faut que toutes les institutions fassent le même travail », déclarait Édouard Durand, coprésident de la Commission sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (4). Constituer des commissions indépendantes serait nécessaire.

Mais il faut aussi combattre les causes culturelles de ces violences. Dans les années 1970, des médias relayaient la soi-disant « libération sexuelle des enfants ». Aujourd’hui, la production de la pédopornographie s’étend. Le pape François pense que « les gouvernements devraient agir contre cette délinquance […] Leurs victimes sont des enfants et des mineurs utilisés pour être filmés ; tant de gens, tant de jeunes parfois même des mineurs regardent ces choses-là ! »(5)

Là aussi il faut agir. Ce qui se passe dans l’Église catholique devrait être un électrochoc pour la société tout entière qui doit résolument combattre ces crimes, libérer les personnes victimes du poids de leurs souffrances, essuyer les larmes de l’enfant qui pleure en elles. « Ce que j’ai vécu, je ne veux pas que d’autres le vivent, » témoignait l’une d’elles. C’est notre devoir.

(1) La Vie 11-11-21 (2) Rapport de la CIASE, octobre 2021 (3) Libération 9-11-21 (4) France Info 20-10-21 (5) Paris Match 10-11-21

Crédits image et texte : Ouest France©
Source : https://www.ouest-france.fr/societe/religions/editorial-eradiquer-la-pedocriminalite-b5e80b6e-43c0-11ec-8221-cbcea3ca8ebe