Éditeur français arrêté à Londres : La Fabrique dénonce une « censure politique », audience dans un mois

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Publié le 20/04/2023 15:06:35

La maison d’édition française La Fabrique a dénoncé ce mercredi l’arrestation « arbitraire » d’un de ses collaborateurs à son arrivée à Londres pour un salon littéraire. Ce dernier, depuis libéré, affirme avoir été interrogé sur sa participation à des manifestations… et son avis sur Emmanuel Macron.

C’est une étrange affaire. Pourquoi la police britannique a bien pu arrêter Ernest Moret, un éditeur français de 28 ans, lundi soir, à la sortie de son train à la gare de Saint-Pancras de Londres ? La raison officielle : « l’homme a été placé en garde à vue, soupçonné de s’être volontairement opposé à un contrôle » a déclaré un porte-parole de la Metropolitan Police de Londres lundi soir. L’affaire est loin d’être anodine puisqu’elle conduira le principal intéressé à traverser de nouveau La Manche dans un petit mois pour assister à son audience, nous fait savoir ce jeudi son avocat britannique Richard Parry. Lui se demande clairement s’il ne s’agirait pas là d’une opération commandée par les autorités françaises.

Ses doutes sont notamment liés aux conditions de cette arrestation, justifiée en vertu de l’article de la loi britannique sur le terrorisme datant de l’an 2000. Ce texte permet d’interroger les voyageurs traversant la frontière et, dans ce cadre très particulier, la police peut exiger d’avoir accès aux téléphones ou ordinateurs de la personne retenue. En cas de refus, la peine maximale peut atteindre trois mois de prison. L’éditeur français travaillant pour La Fabrique, une maison d’édition connue pour ses publications très engagées à gauche, a finalement été libéré sous caution mardi mais son téléphone et son ordinateur ont été saisis. Venu pour assister à la Foire du livre de Londres, qui se déroule du 18 au 20 avril, son arrestation a suscité une vague de soutien et de dénonciation allant de personnalités politiques à un collectif d’éditeurs.

Dans une tribune paraphée par une trentaine d’éditeurs, ces derniers dénoncent « une collaboration inquiétante entre les autorités britanniques et françaises », et ces événements constitueraient « de fait une attaque de l’État français contre une maison d’édition dont le catalogue et la politique éditoriale sont notoirement inscrits dans les pensées critiques et en opposition avec les politiques gouvernementales ».

« Logique de censure politique »

Du côté de la maison d’édition hexagonale, on ne décolère d’ailleurs pas ce jeudi matin. « Nous sommes tous et toutes très soulagé.e.s qu’il soit maintenant libre, mais nous sommes également très choqué. es et inquièt.es de ce qui vient d’arriver » précise la maison d’édition. La Fabrique est un éditeur indépendant, qui publie en France des essais politiques, parmi ses derniers ouvrages parus, un essai sur « Sciences-po, l’école de la domination » et « Programme désordre absolu, décoloniser le musée » à titre d’exemples.

« Ernest a été interrogé pendant plusieurs heures et lui ont été posées des questions très troublantes : son point de vue sur la réforme des retraites en France, sur le gouvernement français, sur Emmanuel Macron, etc. Peut-être plus grave encore, lors de son interrogatoire, il lui a été demandé de nommer les auteurs « antigouvernementaux » du catalogue des éditions La fabrique » accuse la maison d’édition dans son dernier communiqué.

« Poser des questions au représentant d’une maison d’édition, dans un cadre antiterroriste, sur les opinions de ses auteurs, c’est pousser encore plus loin la logique de censure politique et de répression des courants d’idées contestataires. Dans un contexte d’escalade autoritaire du gouvernement français, en pleine période de mouvements sociaux, cet élément fait froid dans le dos » critique encore vivement la maison d‘édition, sans qu’Ernest Moret ait pris la parole directement.

Retour à Londres dans quatre semaines

« Cette affaire marque un précédent pour toute personne qui exerce un travail intellectuel et dont la production peut être jugée gênante par le pouvoir » insiste la maison d’édition. « Si n’importe quel téléphone et ordinateur contenant des manuscrits confidentiels, des sources journalistiques ou sociologiques peut être subtilisé, intégralement analysé et décrypté par une police étrangère bénéficiant de prérogatives draconiennes, les libertés de la presse, académiques, d’expression et les droits à la protection des données personnelles sont très sérieusement menacés » alerte La Fabrique. Par voie de communiqué, elle a également exigé « l’arrêt de toutes les procédures et poursuites à l’encontre de son responsable des droits étrangers ». Contacté, le ministère de l’Intérieur n’a pas souhaité nous répondre sur cette question.

Crédits image et texte : Le Parisien©
Source : https://www.leparisien.fr/faits-divers/editeur-francais-arrete-a-londres-la-fabrique-denonce-une-censure-politique-audience-dans-un-mois-20-04-2023-K6VW2GJBWVFATLAHYPAIVMVQEY.php