Dix kilos d’héroïne dans les Scénic : le chauffeur des «trafiquants des parkings» plaide l’ignorance

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Publié le 23/01/2023 17:30:32

Un dernier suspect de cette équipe francilienne installée en Espagne s’est constitué prisonnier en octobre. Il conduisait les boss lors de rendez-vous destinés à alimenter les trafiquants.

Toujours sur les routes pour alimenter les dealers d’Île-de-France et de la province, il est soupçonné d’être le chauffeur des « trafiquants des parkings ». Sofiane, 31 ans, a été maintenu derrière les barreaux, mardi 10 janvier, par la chambre de l’instruction de Versailles (Yvelines). Ce petit délinquant opportuniste, originaire de l’Essonne, est le dernier suspect du gang mis en examen, le 31 octobre 2022 à Nanterre (Hauts-de-Seine), pour son implication dans ce vaste trafic d’héroïne et de cocaïne.

« Ce n’est pas à mon âge, avec mon bac, que je vais entrer dans les stupéfiants. Si j’avais su, je n’aurais jamais fait vivre ma famille avec de l’argent sale. D’ailleurs j’ai toujours travaillé pour vivre », assure cet homme qui tente de se faire passer pour une victime.

Son avocat estime qu’il n’est « qu’une pièce rapportée » dans cette histoire. « Il a reconnu avoir réalisé quelques trajets, explique son conseil. Mon client a travaillé comme ambulancier et en cuisine. Puis il a tenté de mettre en œuvre un projet dans l’immobilier en Espagne qui n’a pas fonctionné. Pour s’en sortir, il travaillait au noir en Espagne quand il a eu l’opportunité de prendre le volant pour ces deux trafiquants sans bien comprendre de quoi il retournait. »

Des voitures nourrices garées dans les parkings publics

Cette histoire commence le 20 décembre 2020, lorsqu’une femme qui loue son appartement sur Leboncoin.fr à Asnières-sur-Seine (Hauts-de-Seine) prévient la police car ses locataires ont précipitamment quitté les lieux, laissant 830 g de cocaïne, 16 g d’héroïne, un pistolet d’alarme et un téléphone portable.

Pour faciliter le travail des forces de l’ordre, Ismaëla a donné sa véritable identité pour signer le bail. Les enquêteurs du service départemental de police judiciaire (SDPJ92) identifient les membres de cette équipe qui sont originaires de Paris, d’Alfortville, de Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne) et de Rouen (Seine-Maritime).

Ils mènent des recherches sur la téléphonie, posent des balises sur les voitures et ne comptent pas leurs heures de surveillances avant de comprendre comment fonctionne le système. Le trafic alimente des détaillants en région parisienne mais aussi en Savoie, dans l’Ouest, dans le Sud et le Sud-ouest de la France.

Les malfaiteurs logent temporairement dans des hôtels ou des locations et stockent la drogue dans des « voitures nourrices », garées dans les parkings publics. Ces véhicules sont loués ou maquillés pour éviter d’être identifiés et ils sont tous équipés de caches aménagées dans les portières pour livrer discrètement leurs clients.

« Sekou » et Fatima, les époux à la tête du réseau ?

Le 6 mai 2021 trois hommes sont interpellés dans deux chambres d’hôtel à Issy-les-Moulineaux. Les forces de l’ordre découvrent deux Renault Scénic garées sur des parcs auto et mettent la main sur dix kilos d’héroïne, deux kilos de cocaïne et plus de 14 000 euros. Mais le locataire de l’appartement d’Asnières est en fuite. Les trois suspects nient en bloc toute implication dans ce trafic. L’un d’eux soutient devant le juge d’instruction que ses déplacements sont liés à l’achat et revente de véhicules.

La suite de l’enquête permet d’identifier une autre tête réseau. Un certain « Sekou », déjà condamné en compagnie de son épouse Fatima pour un vaste trafic de stupéfiants en Seine-Maritime. Cette jeune femme est sous contrôle judiciaire à Rouen mais elle se déplace souvent en Espagne.

Elle se rend à Madrid pour y concevoir un enfant in vitro, mais aussi dans une villa du côté d’Alicante, où son compagnon s’est installé avec ses complices. En juin 2022, les policiers franciliens, épaulés par leurs collègues de la direction centrale de la police judiciaire, filochent ces trafiquants qui passent par le Nord pour s’alimenter aux Pays-Bas ou en Belgique, avant d’assurer leurs livraisons.

Mercedes classe S, Audi RS3, Fiat 500…

Les 12 et 13 septembre 2022, deux nouvelles « voitures nourrices » sont repérées dans des parkings à la porte de Champerret (XVIIe) et en banlieue proche. Les fonctionnaires les font renifler par les chiens anti-stups et saisissent plus de 20 kg de poudre blanche à l’intérieur. Quatre jours plus tard, les deux principaux suspects sont interpellés à Pau (Pyrénées-Atlantiques) dans une voiture par les hommes de la BRI de Bayonne, sur la route de la péninsule ibérique. Les forces de l’ordre mettent la main sur 6 800 euros. Fatima est interpellée chez ses parents en Normandie.

Les trafiquants nient en bloc. « Sekou » ajoute que son épouse n’est pas impliquée. Cette femme de 34 ans, dont le casier judiciaire porte déjà six mentions, est soupçonnée de participer aux activités criminelles du groupe en apportant un soutien logistique : la fourniture de voitures de location qui leur servent pour leur déplacement.

Il est question d’une Mercedes classe S, d’une Audi RS3 et d’une Fiat 500. Les investigations permettent de faire le lien avec une autre procédure ouverte à Pontoise (Val-d’Oise) durant laquelle, un complice accuse clairement « Sekou ». Cet intermédiaire assure qu’il lui fournissait des « voitures nourrices » et le mettait en relation avec des acheteurs. Pour ses services, il aurait perçu 65 000 euros.

Ces deux-là s’étaient présentés comme des chefs d’entreprise

Le 17 octobre 2022, c’est le septième suspect de cette affaire, repéré grâce au passage au péage, qui se présente au commissariat pour s’expliquer. Sofiane confirme qu’il vit à Alicante et qu’il a accepté de conduire les deux gérants du trafic entre l’Espagne et différents points en France.

Le trentenaire soutient qu’il est innocent et que ces deux-là s’étaient présentés comme des chefs d’entreprises rencontrés en Espagne. Il reconnaît avoir appris, plus tard, qu’il convoyait de la drogue. Les forces de l’ordre ont découvert dans son téléphone des itinéraires, des feuilles de comptes et une vidéo avec des liasses de billets qui laissent à penser qu’il est un peu plus qu’un conducteur.

« Le dossier établit dix trajets pour alimenter des points de deal, remarque l’avocat général. C’est un trafic de grande ampleur particulièrement bien organisé. Sa motivation est évidente, c’est l’argent sale et facile ».

Crédits image et texte : Le Parisien©
Source : https://www.leparisien.fr/hauts-de-seine-92/dix-kilos-dheroine-dans-les-scenic-le-chauffeur-des-trafiquants-des-parkings-plaide-lignorance-23-01-2023-J6PZQ3TW5BD4TLGU6MTR7ZC7YQ.php