Disparition de Marion Wagon à Agen, 25 ans après : la justice étudie encore « toutes les pistes »

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Publié le 12/11/2021 09:50:11

« L’enquête n’a jamais été clôturée, cela fait 25 ans que des enquêteurs spécialisés travaillent en pensant qu’un jour quelque chose peut ressortir » assure la Procureure

14 novembre 1996, Marion Wagon disparaît à Agen à la sortie de son école, sans laisser de traces. Vingt-cinq ans après ce drame jamais élucidé qui a ému la France, la justice étudie encore « toutes les pistes », à commencer par l’hypothèse Fourniret relancée récemment à la lumière de progrès scientifiques.

« Décoller l’affiche, cela voudrait dire qu’on laisse tomber »

Dans le local de l’association de défense et protection de l’enfance La Mouette à Agen, l’affiche jaunie par les années prend tout un mur : au-dessus du visage bien connu de la fillette aux yeux bleus et en chemisier vichy, des mots qui martèlent toujours, « aidez-nous à retrouver Marion ». « Il faudrait repeindre… mais décoller l’affiche, cela voudrait dire qu’on laisse tomber », dit la présidente de l’association Annie Gourgue, 85 ans, qui suit l’affaire depuis ce 14 novembre 1996.

Ce jeudi-là, à l’heure du déjeuner, Marion, 10 ans, s’est volatilisée à seulement 400 m de chez elle, au coeur d’Agen. Après avoir envisagé une fugue, les enquêteurs mènent d’intenses recherches, jusqu’à vider le Canal du Midi sur 14 km. Un chien est mobilisé… mais il est déjà 17H00. « La thèse d’une fugue a malheureusement porté atteinte aux premières heures de l’enquête. Il y a eu beaucoup de pratiques moyenâgeuses dans ce dossier », estime aujourd’hui l’avocat historique des parents, Georges Catala.

Annie Gourgue, présidente de l’association La Mouette.

Loïc Déquier/ SUD OUEST

La petite fille des packs de lait

A une époque où l’internet viral n’existe pas encore, une campagne d’appels à témoins sans précédent est lancée. Depuis le local associatif, 15 millions d’affiches partent dans toute la France. Grâce à Jacques Pradel et à son émission « Perdu de vue » (TF1), l’association convainc aussi les industriels du lait d’imprimer la photo de Marion « sur 10 millions de packs ». Sans succès.

L’énigme n’a jamais été dénouée malgré des milliers de témoignages et d’auditions jusqu’en Martinique et même de magnétiseurs, des dizaines d’enquêteurs sur le pont, la diffusion en 1998 d’un portrait vieilli de la fillette. Mais la justice ne « désespère pas ». « L’enquête n’a jamais été clôturée, cela fait 25 ans que des enquêteurs spécialisés travaillent en pensant qu’un jour quelque chose peut ressortir », souligne la procureure d’Agen Manuella Garnier.

Justement. En 2020, le nom de Fourniret, mort en mai dernier en emportant ses secrets, est revenu hanter l’affaire de la disparue d’Agen. « On voudrait savoir si c’est Fourniret, mais on prie pour que ce ne soit pas lui », confie l’avocat de Michel et Françoise Wagon, un couple resté uni. L’hypothèse avait déjà été étudiée à Agen après l’arrestation du tueur en série en Belgique en 2003 mais « aucun élément ne laissait penser que Fourniret était dans le Lot-et-Garonne en novembre 1996 », souligne la procureure.

Les parents de la Petite Marion, Françoise et Michel Wagon, se tiennent près d’une affiche de leur fille, le 14 novembre 1997 à Agen, un an après sa disparition.

FRANCOIS GUILLOT

L’ADN de la fillette n’existe pas

Grâce à des techniques d’analyse plus fines, l’ADN partiel d’Estelle Mouzin, disparue en 2003, et une dizaine de traces inconnues ont été découverts sur un matelas ayant appartenu à Michel Fourniret. Plusieurs dossiers de disparitions non élucidées sont alors choisis aux fins de comparaisons génétiques, dont Marion.

Mais il y a un « couac » : à l’hiver 2021, l’avocat découvre stupéfait que l’ADN de la fillette n’existe pas. « Personne ne s’est soucié des scellés pendant plus de 20 ans », s’indigne-t-il. Les cheveux prélevés sur la brosse de Marion ne pouvaient pas donner d’ADN, car ils étaient dépourvus de « bulbe ». « L’ADN de la mère permettait de faire toutes les comparaisons utiles or jusqu’à il y a peu, on n’avait rien à comparer », se défend le parquet.

Vingt-cinq ans après, les parents ont fourni une brosse à dents et des jouets de Marion pour tenter de reconstituer son ADN et le confronter aux traces du matelas. Des analyses sont « en cours » dans un laboratoire bordelais spécialisé dans les cold-cases. Mais « il n’y a pas que Fourniret, toutes les pistes sont vérifiées », insiste Mme Garnier.

A défaut de succès, l’avocat, qui porte « l’amertume » des parents, souhaite au moins que des « leçons » soient tirées. Et attend beaucoup du futur pôle national de magistrats spécialisés dans les crimes en série, « capable de suivre à la trace les trajets de tueurs ». Ecrasés par « leur fardeau », les parents ne souhaitent aucun hommage dimanche. Annie Gourgue veut croire elle que toute cette mobilisation n’aura pas servi à rien. Après « Marion », le plan Alerte enlèvement a été instauré en 2006 pour relayer massivement les disparitions d’enfants. La dame se dit aussi qu'« il est toujours temps » : « Si quelqu’un sait quelque chose, il faut appeler ».

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