Deux djihadistes jugés pour un projet d’attentat en 2017 : 3 questions pour comprendre l’affaire

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Publié le 05/01/2023 08:30:34

Deux hommes de 29 et 35 ans, soupçonnés d’avoir voulu commettre un attentat en 2017, sont jugés à partir de ce jeudi 5 janvier 2023 devant la cour d’assises de Paris. Ils avaient été arrêtés en avril 2017, peu avant le premier tour de l’élection présidentielle.

L’un est expert en dissimulation, l’autre un délinquant multirécidiviste. Clément Baur, 29 ans, et Mahiedine Merabet, 35 ans, soupçonnés d’avoir voulu commettre un attentat en 2017, comparaissent devant la cour d’assises de Paris à partir de ce jeudi 5 janvier 2023, et pour quatre semaines. Les deux hommes avaient été arrêtés le 18 avril 2017, cinq jours avant le premier tour de l’élection présidentielle.

Ce dossier est devenu emblématique pour l’antiterrorisme. Il est le fruit d’une cyberinfiltration et d’une vaste surveillance téléphonique qui a permis d’identifier ces deux hommes radicalisés, codétenus en 2015 à la maison d’arrêt de Lille-Sequedin (Nord) pour des faits de droit commun. Voici ce que l’on sait de cette affaire.

C’est au début du mois d’avril 2017 que les services antiterroristes sont alertés par le profil de Mahiedine Merabet. Celui-ci est alors à la recherche d’un contact pour transmettre au groupe État islamique une vidéo d’allégeance et de revendication.

Le 12 avril, un agent cyberinfiltré s’est trouvé destinataire d’une vidéo montrant des dizaines de munitions disposées sur une table de telle sorte qu’il formait des lettres pour écrire « la loi du talion ». Juste à côté, sur cette même table, se trouvent un fusil-mitrailleur, un drapeau de l’EI, et la Une du Monde du 16 mars 2017 avec une photo du candidat de droite François Fillon, suivie d’un montage d’enfants victimes de bombardements en Syrie.

Six jours plus tard, Mahiedine Merabet et Clément Baur sont interpellés près de l’appartement qu’ils louent à Marseille. La perquisition permet de saisir un arsenal important : le fusil-mitrailleur Uzi, trois pistolets de calibre 7,65 mm, des centaines de munitions et un sac de boulons.

Les enquêteurs découvrent aussi plus de 3,5 kg de TATP, un explosif instable prisé des djihadistes et déjà utilisé lors des attentats du 13-Novembre 2015 à Paris et Saint-Denis. Une partie sèche sur des étagères tandis qu’une grenade artisanale constituée de 250 grammes de TATP est prête à l’emploi.

L’exploitation des supports numériques met en évidence des recherches Internet tous azimuts sur les potentielles cibles du duo : des clubs libertins, des bars, un restaurant casher et un meeting de la candidate d’extrême droite Marine Le Pen à Marseille, prévu le 19 avril.

Au cours de l’instruction, Mahiedine Merabet, conteste tout projet d’attentat meurtrier, admettant toutefois avoir envisagé « un coup d’éclat » en faisant exploser une grenade artisanale à proximité du meeting de la responsable du Rassemblement national. Mais pour « faire peur », excluant de s’en prendre à des civils.

Clément Baur, qui a assumé son appartenance idéologique à l’EI, a assuré qu’il ne voulait que causer des « dégâts matériels » sur des cibles institutionnelles, en représailles aux frappes en Syrie.

Lors de conversations interceptées à son insu durant ses parloirs en prison, les enquêteurs l’ont entendu dire : « Baghdadi [ex-chef de l’État islamique] il a raison, il faut pas parler avec eux, il faut juste les rafaler, les exploser. »

Le parcours de Clément Baur est atypique. Né en région parisienne, il se serait converti à l’islam à 14 ou 15 ans, au contact de la communauté tchétchène de Nice (sud-est), où il a vécu avec sa mère. Il a appris le russe en autodidacte, puis l’arabe.

À 17 ans, il est parti en Belgique, où il demande l’asile sous une première fausse identité. Cet as de la dissimulation a déposé d’autres demandes d’asile en France et en Allemagne, se faisant passer pour un réfugié tchétchène.

C’est précisément pour avoir détenu de faux papiers qu’il a fait un passage de quelques semaines en prison à Lille, aux côtés de Mahiedine Merabet. Ce dernier est un délinquant multirécidiviste de Roubaix. Selon France 3, il se serait radicalisé à la prison de Sequedin, dans le Nord. Il avait été placé en détention pour trafic de cannabis.

Les deux hommes étaient entrés en clandestinité en décembre 2016, après la perquisition administrative du domicile de Mahiedine Merabet, dans lequel se trouvait Clément Baur, sous un alias.

Les enquêteurs sont convaincus qu’au cours de son sinueux parcours, Clément Baur a fréquenté la cellule terroriste de Verviers en Belgique, celle d’Abdelhamid Abaaoud, le chef opérationnel des commandos du 13-Novembre, et qu’il fut en contact en Allemagne avec Anis Amri, l’auteur de l’attentat au camion sur le marché de Noël de Berlin en 2016 (12 morts).

Dix autres hommes sont jugés aux côtés des deux principaux accusés, soupçonnés d’avoir fourni des armes et des munitions. Le verdit est attendu le vendredi 3 février.

Crédits image et texte : Ouest France©
Source : https://www.ouest-france.fr/societe/justice/deux-djihadistes-juges-pour-un-projet-d-attentat-en-2017-3-questions-pour-comprendre-l-affaire-2bda3dee-8c16-11ed-9fb2-0b86ee40425f