Découvrez le monde de la justice sous l’œil de l’avocat photographe Thomas Klotz

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Publié le 06/05/2022 07:30:50

De la robe noire à la chambre noire. Thomas Klotz, pénaliste passionné de photos, présente dans un livre et une exposition un portrait de l’institution judiciaire à travers ses acteurs, ses justiciables, ses lieux symboliques magnifiques ou miséreux... Un formidable travail d’appropriation artistique et sensible.

Quand il ne porte pas sa robe d’avocat, Thomas Klotz se promène avec son appareil photo en bandoulière. Après un premier livre sur les paysages périurbains de son nord natal ( » Northscape ») et un second centré sur le personnage de sa fille ( « Eve, la montagne et la jeune fille »), ce passionné de 44 ans livre, toujours aux éditions Maison CF, un ouvrage sur l’univers qu’il connaît le mieux : la justice.

Avec justesse et pudeur, ce pénaliste réputé offre, au gré de ses clichés en couleur, un instantané à hauteur d’homme de cet univers méconnu, secret et générateur de fantasmes.

Un passionnant portrait de l’institution

« Je n’ai pas voulu faire un reportage ou un documentaire, je ne cherche pas à être exhaustif », prévient Thomas Klotz en revendiquant la dimension artistique de ce qu’il qualifie de « travail d’appropriation ».

Il n’empêche, des entrailles du palais de justice de Béthune (Pas-de-Calais) aux murs crasseux d’un centre de détention en passant par les bancs d’une fac de droit, l’avocat photographe offre, par son point de vue très subjectif, un passionnant portrait de l’institution.

Un mot résume la production de Thomas Klotz : la sensibilité. Par ses portraits d’abord. Ici une greffière stagiaire toute de jaune vêtue prête à s’investir à fond dans un métier qu’elle sait gourmant en temps et en énergie, là une avocate aux yeux bleu azur aphone à la veille d’une plaidoirie, ailleurs deux jeunes magistrats pris en clair-obscur dont on sent la détermination ou bien encore cet ancien détenu qui a passé 38 ans derrière les barreaux mais que le système n’a pas cassé. Il émane de leurs regards une profonde humanité qui manque parfois à ce monde du droit.

Bien entendu, cet habitué des salles d’audience n’ignore pas la souffrance que génère par nature cet univers. Mais là encore l’artiste ne cède pas à la facilité et caresse son sujet plus qu’il ne l’exhibe.

On s’émeut de l’amour qui se dégage de ce couple qui se dévoue aux soins de leur fille tétraplégique depuis un accident de voiture.

On scrute le regard perdu de ce père de famille privé de son fils parti au Japon avec sa mère. On saisit la saine et froide colère de cette victime de violence conjugale et de son avocate qui n’ont pas obtenu la reconnaissance qu’elles méritaient après une erreur de procédure.

On se penche sur la dignité de cette victime du Mediator qui se répare en cuisinant pour tous ses proches. La souffrance affleure sans ostentation ni artifice.

Une capacité à faire parler le vide

Mais le principal tour de force de ce fan du RC Lens qui a grandi à Arras (Pas-de-Calais) réside dans sa capacité à faire parler le vide. À suggérer. Les dossiers qui s’empilent et s’étalent disent tout de cette justice exsangue et submergée. Les cafards soigneusement glissés dans une pochette plastique par une avocate pour appuyer la demande de mise en liberté d’un de ses clients témoignent à merveille de l’état de délabrement de nos prisons. Les dorures du ministère, les bancs patinés d’une cour d’assises, les chaises vides et démodées d’un tribunal sont autant de touches impressionnistes distillées au fil de ces pages agrémentées de courts textes rédigés par des écrivains, avocats ou journalistes.

L’artiste multiplie aussi les photos de murs nus aux couleurs blafardes : la justice peut être laide c’est un fait. La violence du choc carcéral est illustrée à merveille par cette photo de table en formica dans un café sinistre sur laquelle sont posés une briquette et un cahier. Sa légende : « Quelque part en France. 8h58. Jus de pomme et coloriage. Départ pour le parloir. »

« Justice », éditions Maison CF. Sortie le 5 mai 2022. 192 pages. 45 euros. La sortie du livre s’accompagne d’une exposition à la Galerie Clémentine de la Féronnière, 31 rue Saint-Louis en l’île à Paris (IVe) du 19 mai au 30 juillet.

Crédits image et texte : Le Parisien©
Source : https://www.leparisien.fr/faits-divers/decouvrez-le-monde-de-la-justice-sous-loeil-de-lavocat-photographe-thomas-klotz-06-05-2022-2H42HONX2NFHLK25FXHTUYYLDA.php