Daech : la « revenante » Douha Mounib condamnée à 12 ans de réclusion

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Publié le 01/03/2023 15:55:22

La jeune femme de 32 ans, qui a pratiqué comme sage-femme en zone irako-syrienne, était jugée par la Cour d’assises spéciale de Paris cette semaine. Elle avait tenté de s’évader en 2021 de la prison de Fresnes, où elle est incarcérée.

Une « détermination hors du commun » et un repentir dont il est permis de douter. L’accusation a requis ce mercredi quatorze ans de réclusion criminelle à l’encontre d’une « revenante » du groupe État islamique (EI), jugée à Paris pour deux séjours en Syrie entre 2013 et 2017. L’avocate générale Alexa Dubourg a demandé que cette peine d’un « quantum significatif » soit assortie d’une période de sûreté des deux tiers, soulignant les « capacités de dissimulation » de l’accusée et son attitude parfois « incohérente ». Verdict attendu dans la soirée.

À l’ouverture de son procès lundi, Douha Mounib, 32 ans, a adopté une posture de repentie, assurant avoir « changé » depuis sa radicalisation express fin 2012 et son « désir » qui avait viré à « l’obsession » de partir en Syrie. Au troisième jour d’audience, l’avocate générale s’est dite incapable de se prononcer sur la « sincérité » de ce repentir. « Je ne prendrai pas le pari de la croire », a-t-elle asséné.

Dans son réquisitoire d’un peu plus d’une heure, la magistrate a cité en exemple la rocambolesque tentative d’évasion de Douha Mounib, le 14 novembre 2021, alors qu’elle était incarcérée depuis quatre ans à la maison d’arrêt de Fresnes et qu’elle tenait déjà des « discours sur sa volonté de s’insérer en France ». Si la cour n’est pas saisie de cette procédure distincte, elle a plané sur les débats tant cette tentative d’évasion interroge sur le degré de dangerosité de l’accusée.

Version des faits « très édulcorée »

Ses longs cheveux bruns détachés, les jambes croisées et le visage appuyé sur sa main, Douha Mounib n’a pas perdu une miette des réquisitions de l’accusation dans le box, haussant de temps en temps les sourcils. La jeune femme reconnaît « la globalité » des faits qui lui sont reprochés. Elle s’en est expliquée longuement et avec une certaine franchise, fournissant de nombreux détails sur sa radicalisation et son parcours, beaucoup moins sur son second séjour syrien d’une quinzaine de mois.

Si « on peut avoir le sentiment qu’on est face à quelqu’un de très coopérant », Douha Mounib « nous livre une version des faits très édulcorée », les « minimise », a considéré l’avocate générale. Fin 2013, l’accusée avait quitté sa troisième année d’école de sage-femme dans le sud-est de la France pour passer une première fois en Syrie, après un périple du Maroc à la Turquie où elle avait épousé un passeur qu’elle venait juste de rencontrer.

Après ce premier séjour de deux mois écourté en raison de l’instabilité de la région, Douha Mounib n’avait eu de cesse de vouloir rallier de nouveau cette zone de guerre, mais avait été refoulée par les Turcs à chacune de ses tentatives. Sa « détermination extrême » à vouloir rejoindre l’EI avait fini par payer à l’été 2015 : grâce à la carte d’identité dérobée à sa mère, elle avait réussi à passer la frontière turco-syrienne avec son second époux tunisien et le fils de ce dernier, âgé de moins de 2 ans.

« Discours totalement inaudible »

Concernant ce second séjour, à Mossoul (Irak) puis Raqqa (Syrie), deux villes sous le joug djihadiste, Douha Mounib « ne dit pas la vérité », a martelé la représentante de l’accusation. La magistrate ne croit ni au fait que le mari de l’accusée soit resté plus de quinze mois sans « jamais combattre » pour une organisation qui « ordonnait de combattre », ni qu’elle n’ait elle-même rien vu des « atrocités quotidiennes commises » par l’EI, et qu’elle ait pu exercer comme sage-femme - une « compétence précieuse » - « de manière clandestine » comme elle le dit.

« C’est assez audacieux » que Douha Mounib vienne l’affirmer, et pour l’avocate générale, cela démontre un « niveau de discours totalement inaudible et indéfendable ».

Douha Mounib avait quitté fin 2016 les territoires contrôlés par le groupe État islamique. Devant la cour, elle a justifié ce départ par sa « colère » face aux « injustices sur place ». L’avocate générale a elle avancé les « importants revers » subis à l’époque par l’EI. Douha Mounib avait été arrêtée par les autorités turques en mars 2017, alors qu’elle passait la frontière avec sa fille âgée de quelques mois et son beau-fils. Après neuf mois dans un centre de rétention en Turquie, elle avait été rapatriée en France et incarcérée.

Crédits image et texte : Le Parisien©
Source : https://www.leparisien.fr/faits-divers/daech-14-ans-de-reclusion-requis-contre-la-revenante-douha-mounib-01-03-2023-YRLXLYYTKBC7HHFFL6GOKVFTM4.php