Crash du Rio-Paris : à la barre, le représentant d’Air France défend la formation des pilotes

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Publié le 09/11/2022 20:50:30

La compagnie aérienne, jugée treize ans après l’accident du vol AF447, a contesté le manque de formation et d’information de ses équipages, ce mercredi 9 novembre 2022. L’interrogatoire se poursuit ce jeudi.

Le représentant d’Air France a soutenu, ce mercredi 9 novembre 2022, à la barre que la formation et l’information des pilotes du Rio-Paris, qui s’est crashé le 1er juin 2009, n’étaient pas lacunaires.

La compagnie aérienne est jugée depuis le 10 octobre devant le tribunal correctionnel de Paris avec Airbus pour homicides involontaires, plus de treize ans après l’accident du vol AF447 qui a tué 216 passagers et 12 membres d’équipage.

Cette nuit-là, l’A330 traversait le Front intertropical (FIT), une zone météorologique difficile autour de l’équateur, quand trois sondes situées à l’extérieur de l’appareil, les sondes Pitot, ont givré, entraînant la perte des indications de vitesse.

Dans le cockpit, cette panne a aussi provoqué une déconnexion du pilote automatique, un basculement en mode de pilotage dégradé et de nombreuses alarmes. Surpris, les pilotes ont perdu le contrôle de l’appareil, qui a heurté l’Atlantique moins de cinq minutes plus tard.

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Air France est soupçonnée de ne pas avoir mis en place une formation adaptée et de ne pas avoir assez informé ses équipages de cette panne et de ses conséquences, alors que des incidents similaires s’étaient multipliés les mois précédents.

Après un mois d’audience, le tribunal a débuté l’interrogatoire de son représentant. Pascal Weil, ancien chef pilote et instructeur chez Air France, a défendu dans de longues réponses, non sans digressions, l’absence de faute de la part de l’entreprise.

La présidente Sylvie Daunis a d’abord abordé la formation des pilotes à la procédure à suivre en cas de panne des sondes. Sur la saison 2008-2009, Air France avait décidé de faire un « rappel » de cette procédure, mais elle était alors enseignée en basse altitude.

Or les incidents dans les mois précédents s’étaient produits en haute altitude, comme pour l’AF447, ce qui a fait dire au premier collège d’experts judiciaires que cette procédure était « inadaptée ».

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« Les formations cherchent à armer les pilotes d’une méthode robuste » mais « l’entraînement ne peut pas épuiser le réel », a fait valoir Pascal Weil. « On ne peut pas couvrir exhaustivement toutes les situations que va rencontrer un équipage. On fait des choix, qui sont des choix forts, par rapport à des pannes typiques ».

L’un des incidents les plus graves a eu lieu lors d’un vol reliant Paris à Antananarivo le 16 août 2008 : le pilote avait émis un « Mayday » (appel de détresse).

Une situation « pas anodine », mais « maîtrisée », selon le représentant d’Air France. À l’époque, dans les neuf rapports d’incidents étudiés, « les équipages n’avaient jamais donné de signe avant-coureur de perte de contrôle de l’appareil », a-t-il affirmé. « L’analyse faite à l’époque était constante sur le sujet : c’était opérationnellement maîtrisé ».

« Il nous semblait que les barrières mises en place à l’époque étaient opérantes », a plus tard résumé Pascal Weil, en soulignant que la compagnie avait, dans le même temps, interrogé Airbus sur le sujet, en « augmentant la pression » de ses questions au fil des mois.

Méthodique, la présidente a ensuite attaqué l’information des pilotes, en particulier une note de sécurité sur la panne, diffusée le 6 novembre 2008 dans les casiers des pilotes.

Cette note de l’Officier de sécurité des vols (OSV) a été jugée « tardive » et « inefficace » par les premiers experts, en particulier par rapport à celles diffusées à la même période par les compagnies Air Caraïbes et XL Airways.

La note faisait suite à une réunion avec Airbus, a expliqué Pascal Weil. Mais les pilotes étaient déjà « informés » de certains incidents via la revue interne Survol, a-t-il estimé. Il s’agissait d’une « sensibilisation un peu plus ciblée ».

Pourquoi la note ne précise-t-elle pas la procédure à appliquer ? a demandé la présidente. Car elle aurait pu « changer de nom quelques semaines après », a soutenu Pascal Weil.

« Le métier de pilote demande d’exercer son sens critique », a-t-il poursuivi. « Le risque d’une impulsion un peu trop impérieuse […] c’est de shunter (court-circuiter) complètement ce processus qu’on essaie de développer avec les entraînements ».

L’interrogatoire se poursuit ce jeudi 10 novembre, avant celui du représentant d’Airbus, lundi 14 et mardi 15 novembre.

Crédits image et texte : Ouest France©
Source : https://www.ouest-france.fr/societe/justice/crash-du-rio-paris-a-la-barre-le-representant-d-air-france-defend-la-formation-des-pilotes-1d19244c-6064-11ed-81fe-30b170697b40