Courchevel : un milliardaire ukrainien remis en liberté contre une caution d’un million d’euros

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Publié le 06/01/2023 09:59:12

Cet ancien député ukrainien assure ne pas être un oligarque et avoir toujours combattu contre eux. Il a été remis en liberté contre une caution et a été placé sous contrôle judiciaire avec notamment l’interdiction de sortir du territoire national.

Le richissime homme d’affaires et ancien député ukrainien Kostiantin Jevago, avait été arrêté le 28 décembre à Courchevel (Savoie). Objet d’une demande d’extradition de son pays, il s’est dépeint jeudi devant la justice française en victime « politique », avant d’être remis en liberté sous caution. L’audience devant la chambre d’instruction de la cour d’appel de Chambéry devait être consacrée à la validité de la demande d’extradition de l’Ukraine.

Mais ce débat a été renvoyé au 19 janvier, comme l’ont demandé ses avocats, MM. François Zimeray et Etienne Arnaud, soutenus d’ailleurs par l’avocat général Richard Pallain. Motif : la nécessité d’examiner toutes les pièces de ce dossier de 244 pages « avec des dizaines de décisions en ukrainien à se faire traduire, et des rapports sur les droits humains dans ce pays », a expliqué Me Arnaud.

Une caution d’un million d’euros

Cette question évacuée, les échanges ont alors porté sur la demande de remise en liberté de l’ancien député, détenu à la maison d’arrêt d’Aiton (Savoie). Elle a lui été octroyée dans l’après-midi, sous caution préalable d’un million d’euros. « Dans un contexte marqué par une émotion et une empathie légitimes, la Cour a tenu à faire prévaloir le droit », se sont félicités ses avocats.

Leur client a été placé sous contrôle judiciaire avec notamment l’interdiction de sortir du territoire national ainsi que l’obligation de remettre ses deux passeports » et « de se présenter trois fois par semaine au commissariat de son lieu de domicile », a précisé un communiqué de la Cour. En doudoune grise et polo vert, assisté d’une interprète, Kostiantin Jevago avait auparavant affirmé être victime d’une « affaire politique », et des « oligarques ».

« On dit que je suis un oligarque. Ce n’est pas vrai »

« En Ukraine, on dit que je suis un oligarque. Ce n’est pas vrai, j’ai toujours combattu contre eux », « l’injustice » et « la corruption ». Aujourd’hui, je paye pour cela » et « je ne mérite pas cela », a-t-il lancé.

Accusé d’avoir détourné 113 millions de dollars de sa banque Finance and Credit Bank, ayant fait faillite en 2015, il a assuré avoir « 15 fois, pendant trois ans », demandé audience pour s’expliquer, en vain. Ses avocats ont eux aussi tenté de déconstruire l’image de l’oligarque « qui aurait fait sa fortune de l’État, lors de privatisations aux conditions douteuses, et continuant d’exercer en lien étroit avec l’État ».

Bien au contraire, a affirmé Me Zimeray : actionnaire principal de la société minière Ferrexpo, Kostiantin Jevago a justement choisi de faire coter sa société à la Bourse de Londres, « où les standards sont les plus élevés », là où les vrais oligarques choisissent, eux, « la Bourse de Moscou ». « C’est le seul entrepreneur de cette dimension », dont la fortune est estimée à 1,3 milliard de dollars selon Forbes, à avoir pris cette décision.

Rentrer en Ukraine pour « combattre les agresseurs russes »

Et « pour dissiper toute équivoque, Kostiantin Jevago est totalement au soutien du peuple dans la lutte contre la Russie », a appuyé Me Zimeray. D’ailleurs, s’il veut bien retourner en Ukraine, « c’est non pas pour aller en prison, mais pour combattre les agresseurs » russes, a insisté l’homme d’affaires, sous les yeux de sa femme et de sa fille.

Ancien député de 1998 à 2019, tantôt en tant qu’indépendant, tantôt dans le camp de l’ancienne Première ministre Ioulia Timochenko, il a aussi été « un acteur du mouvement démocratique en Ukraine, de la Révolution orange » en 2004 « à celle de Maïdan » en 2014, selon Me Zimeray.

Celui-ci, ex-ambassadeur des droits de l’homme, a également mis en garde contre le risque de remettre son client aux autorités ukrainiennes « pour leur être agréable ». « On peut être admiratif et solidaire » du « combat souvent héroïque » des Ukrainiens contre la Russie « sans être naïf » de « l’état de la justice » dans un pays « détenant le record de condamnations en 2021 par la Cour européenne des droits de l’Homme ».

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De surcroît, M. Jevago présenterait aujourd’hui toutes les « garanties de représentation » militant pour sa remise en liberté : notamment un bail d’un appartement à Paris et un cautionnement « pouvant aller jusqu’à un million d’euros », selon Me Arnaud, qui a au passage jugé « irrégulière » la notification de la demande d’arrestation provisoire de son client.

Autant d’arguments repoussés par l’avocat général. « Pourquoi voudriez-vous que je sois agréable aux autorités ukrainiennes ou indifférent au conflit ? Ce n’est pas le débat ! », avait recadré Richard Pallain, se prononçant contre cette remise en liberté.

Selon lui, ces hébergements ne seraient que « de circonstance ». Puis, s’adressant à la présidente après avoir évoqué les « moyens très importants » de M. Jevago et par conséquent du risque éventuel de fuite : « vous êtes garante de la possibilité qu’il soit remis aux autorités ukrainiennes ».

Crédits image et texte : Le Parisien©
Source : https://www.leparisien.fr/faits-divers/courchevel-un-milliardaire-ukrainien-remis-en-liberte-contre-une-caution-dun-million-deuros-06-01-2023-WB4UI3SYUJGGZK2XBKLWD7XSJM.php