Cold case dans l’Yonne : un meurtre peut en cacher un autre

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Publié le 28/06/2021 16:37:03

Un incendie qui cache une mort violente, un suspect retrouvé tué des années plus tard... L’enquête rocambolesque sur deux meurtres commis en 2008 dans l’Yonne a connu un rebondissement ces dernières semaines et s’oriente vers la piste d’une troisième homme, mort en 2016.

Une tenace odeur de fumée, et très vite les flammes. Quand les pompiers parviennent à éteindre le brasier qui ravage une petite maison de ville de Pont-sur-Yonne (Yonne) ce 13 septembre 2008, ils ne peuvent que constater le décès de Michel Pérol, 57 ans. Le corps du quinquagénaire a été carbonisé dans ce logement à la limite de l’insalubrité… Un mois plus tard, premier coup de théâtre : Michel Pérol n’a pas péri dans les flammes. L’autopsie n’a relevé aucune trace de gaz carbonique dans les poumons du quinquagénaire et son corps a été lardé de plusieurs plaies visiblement provoquées par une arme blanche.

Des traces de carburants retrouvées sur les chaussures de la victime finissent de convaincre les enquêteurs que Michel Pérol ne s’est pas endormi avec une cigarette allumée mais qu’il a été tué et son corps incendié. Le 26 mai dernier, treize ans plus tard, « un couple qui avait des réponses à apporter aux enquêteurs a été placé en garde à vue dans cette affaire, confirme Hugues de Philly, le procureur de la République d’Auxerre. À ce stade, il n’y a pas eu assez d’éléments pour engager des poursuites ». Selon des sources concordantes, ces auditions ont toutefois permis aux enquêteurs et à la justice de faire un grand pas vers la vérité dans la mort de Michel Pérol… et sur un second meurtre.

Une vie de misère

Quand ils se plongent sur la mort de Michel Pérol en 2008, les gendarmes découvrent une vie de misère marquée par l’alcool. Sans profession, le quinquagénaire vivote depuis quatre ans dans cette petite maison sans eau ni électricité. Ce constat pousse les enquêteurs à s’intéresser au milieu des marginaux de Pont-sur-Yonne. Deux hypothèses sont alors privilégiées pour expliquer sa mort : une bagarre qui aurait dégénéré ou un meurtre crapuleux, Michel Pérol ayant gagné quelques dizaines d’euros au PMU avant sa mort.

Dans cet univers interlope, un nom revient sans cesse et revêt les habits du suspect tout désigné. Depuis l’incendie qui a coûté la vie à Michel Pérol, son ami Jérôme Trinquier, SDF de 36 ans, a disparu de Pont-sur-Yonne. En rupture familiale, ce trentenaire était un compagnon de boisson de Michel Pérol, et plusieurs témoins assurent qu’il était hébergé par la victime… Face au caractère sérieux de cette piste, la gendarmerie lance un avis de recherche en avril 2009, mais Jérôme Trinquier reste introuvable durant des années.

En 2015, un rebondissement donne une nouvelle dimension à cette enquête et relance les investigations sur la mort de Michel Pérol. Très sensible aux découvertes de cadavres inconnus depuis la terrible affaire des « disparues de l’Yonne », ces victimes d’Émile Louis dont les corps n’ont jamais été retrouvés, le parquet d’Auxerre fait procéder à des analyses génétiques sur un cadavre découvert en 2010 à proximité de Pont-sur-Yonne. Grâce à l’ADN, les enquêteurs identifient Jérôme Trinquier, leur principal suspect dans le meurtre de Michel Pérol. Et le trentenaire n’est pas décédé de sa belle mort : ses os ont visiblement été découpés avant d’être abandonnés dans la nature. S’il est impossible de dater avec précision la mort de Jérôme Trinquier, le doute est désormais permis : a-t-il tué Michel Pérol avant d’être lui-même supplicié, ou le trentenaire disparu depuis 2008 a-t-il été abattu avant son ami ?

Des confidences décisives à un couple

En 2018, les gendarmes de la section de recherche de Dijon se repenchent sur l’affaire à l’aune des nouvelles découvertes, troublés par ailleurs par la capacité à disparaître de Jérôme Trinquier alors qu’il ne bénéficiait d’aucun ami pour l’aider ni d’argent caché pour financer une cavale… Le parcours de vie de Jérôme Trinquier est retracé avec minutie et permet d’établir que le trentenaire a très certainement été tué avant Michel Pérol. Il ne peut donc pas avoir éliminé son ami…

Les enquêteurs reprennent tout à zéro, se replongent dans la vie des deux hommes, entendent à nouveau leurs amis, leurs proches, leurs compagnons de boisson… et obtiennent finalement un témoignage crédible et essentiel. La rumeur populaire affirme qu’un troisième homme, un certain Olivier, aurait avoué les deux meurtres à un couple peu avant son décès en 2016. Ce troisième homme âgé d’une cinquantaine d’années au moment de sa mort aurait tué Jérôme Trinquier, puis Michel Pérol ensuite pour brouiller les pistes ou réduire au silence un témoin gênant.

Le 26 mai dernier, les deux confidents sont placés en garde à vue par la SR de Dijon. Selon une source judiciaire, ils ont confirmé avoir reçu les aveux d’Olivier, décédé en 2016, et avoir gardé le silence depuis. Ils ne devraient pas être poursuivis pour cette omission, mais leur témoignage a sans doute livré la vérité sur une incroyable affaire et lavé l’honneur de Jérôme Trinquier, suspecté pendant près de dix ans du meurtre de Michel Pérol. L’enquête pourrait être clôturée dans les prochains mois par le juge d’instruction en charge du dossier.

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