Chlordécone aux Antilles : la justice prononce un non-lieu

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Publié le 05/01/2023 17:52:52

Le parquet de Paris avait requis le non-lieu en novembre dernier dans cette affaire hautement sensible aux Antilles.

Suivant les réquisitions du parquet, la justice a prononcé un non-lieu dans l’affaire sur l’empoisonnement au chlordécone, ce pesticide classé comme cancérogène possible par l’OMS et utilisé jusqu’en 1993 aux Antilles, a-t-on appris de source proche du dossier.

Responsable de cancers de la prostate notamment, ce produit avait été interdit en métropole en 1990 mais avait continué à être utilisé jusqu’en 1993 aux Antilles, en particulier dans les plantations de bananes. Avec 227 cas sur 100 000 habitants, la Martinique détient en effet le record du monde de ce type de cancer, qui a été reconnu comme maladie professionnelle en décembre 2021.

Selon Santé publique France, plus de 90 % de la population adulte des deux îles est contaminée par ce pesticide.

En 2006, plusieurs associations martiniquaises et guadeloupéennes avaient déposé une plainte contre l’État français pour empoisonnement, mise en danger de la vie d’autrui et administration de substance nuisible. Une information judiciaire avait été ouverte au tribunal judiciaire de Paris en 2008.

Selon des éléments de l’ordonnance de non-lieu, les deux magistrates instructrices reconnaissent un « scandale sanitaire », sous la forme d’ » une atteinte environnementale dont les conséquences humaines, économiques et sociales affectent et affecteront pour de longues années la vie quotidienne des habitants » de Martinique et de Guadeloupe.

Des faits commis 10 à 30 ans avant la plainte

Mais elles prononcent un non-lieu, évoquant la difficulté de « rapporter la preuve pénale des faits dénoncés », « commis 10, 15 ou 30 ans avant le dépôt de plaintes », la première l’ayant été en 2006.

Les magistrates soulignent également « l’état des connaissances techniques ou scientifiques » au moment où les faits ont été commis : « le faisceau d’arguments scientifiques » au début des années 1990 « ne permettait pas de dire que le lien de causalité certain exigé par le droit pénal » entre la substance en cause d’un côté et l’impact sur la santé de l’autre, « était établi ».

Avançant également divers obstacles liés au droit, à son interprétation et son évolution depuis l’époque d’utilisation du chlordécone, les magistrates attestent de leur « souci » d’obtenir une « vérité judiciaire », qui a toutefois abouti à une impossibilité à « caractériser une infraction pénale ».

Ce non-lieu à haute valeur symbolique était redouté par des élus et habitants de Martinique et de Guadeloupe, qui ont régulièrement dénoncé un risque de « déni de justice ». Dans ses réquisitions de non-lieu, le parquet de Paris avait lui estimé que les faits étaient prescrits, s’agissant notamment de l’empoisonnement, ou non caractérisés, concernant l’administration de substances nuisibles, ce qui empêche toute poursuite.

En mars dernier, les juges d’instruction du pôle santé publique du tribunal judiciaire de Paris, avaient annoncé la fin des investigations dans cette affaire sans avoir procédé à des mises en examen, suscitant un tollé.

Depuis l’annonce des réquisitions de non-lieu manifestations et rassemblements se sont multipliés en Martinique.

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