Chantage au roi du Maroc : les deux journalistes condamnés à un an de prison avec sursis

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Publié le 14/03/2023 18:57:21

Éric Laurent et Catherine Graciet étaient soupçonnés d’avoir demandé au Maroc d’importantes sommes d’argent en échange de la non-publication du tome II de leur livre sur Mohammed VI, intitulé « Le roi prédateur ».

Deux journalistes français ont été reconnus coupables d’avoir tenté de faire chanter le roi du Maroc en 2015 en réclamant de l’argent en contrepartie de la non-publication d’un livre. Ils ont été condamnés ce mardi à Paris à un an de prison avec sursis et 10 000 euros d’amende.

Déjà auteurs en 2012 d’un ouvrage sur Mohammed VI, « Le roi prédateur », Éric Laurent et Catherine Graciet, âgés de 76 et 48 ans aujourd’hui, avaient signé un contrat avec Le Seuil pour un second tome sur le même sujet. À l’été 2015, Éric Laurent, ancien reporter de Radio France et du Figaro Magazine et auteur de nombreux ouvrages, avait contacté le secrétariat particulier du roi et une rencontre avait été organisée le 11 août dans un palace parisien avec l’avocat Hicham Naciri, émissaire du royaume. Après ce premier rendez-vous, le Maroc avait porté plainte à Paris. Deux autres rencontres s’étaient ensuite tenues sous surveillance policière les 21 et 27 août. Les trois rencontres avaient été enregistrées en cachette par l’émissaire du roi.

Catherine Graciet, notamment auteure de livres sur le Maghreb et la Libye, n’était présente qu’au troisième rendez-vous, au cours duquel les deux journalistes avaient signé un accord financier à hauteur de 2 millions d’euros pour abandonner le livre. À l’issue, ils avaient été interpellés avec deux enveloppes contenant chacune 40 000 euros en liquide.

Un livre « dévastateur » pour Rabat

Selon le jugement, « le prix du silence, c’est-à-dire correspondant à la non-parution du livre, non seulement vient des deux journalistes, mais le montant fixé aussi ». Pour le tribunal correctionnel de Paris, les deux journalistes ont eu une « démarche commune » et exercé une « pression » sur l’émissaire, parlant entre autres d’un livre « dévastateur » pour le royaume.

Le tribunal a quasi intégralement suivi les réquisitions du parquet, qui avait demandé lors du procès le 17 janvier un an avec sursis et 15 000 euros d’amende. Les journalistes ont en outre été condamnés à payer un euro de dommages-intérêts au royaume du Maroc et 5 000 euros chacun au titre des frais d’avocats.

Les journalistes, dont les avocats ont immédiatement fait appel, ont contesté avoir formulé une quelconque menace mais reconnu avoir commis une « erreur déontologique » en acceptant une proposition d’arrangement financier émanant de Rabat.

Déplorant un « tribunal qui ne nous écoutait pas, qui ne nous lisait pas », l’avocat d’Éric Laurent, Serge Portelli, a dit « espérer » que les magistrats de la cour d’appel « essaieront de réfléchir réellement à cette manipulation qui était évidente et dont nos clients sont victimes ». « Les démonstrations de la fabrication de la preuve ont été faites tout au long des débats », a estimé de son côté, Éric Moutet, avocat de Catherine Graciet, dénonçant un enregistrement « trafiqué ».

Considéré comme illégal par la défense, l’enregistrement des entretiens par l’émissaire a été au cœur d’une bataille procédurale et la Cour de cassation a finalement rejeté les recours des journalistes en 2017. « C’est une satisfaction, après tant d’années de procédure, de voir les prévenus reconnus coupables et donc de voir reconnu par le tribunal le préjudice subi », a réagi Antoine Vey, un des avocats du Maroc.

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Source : https://www.leparisien.fr/faits-divers/chantage-au-roi-du-maroc-les-deux-journalistes-condamnes-a-un-an-de-prison-avec-sursis-14-03-2023-UI72FPZHKFC3TE4B3XCMBQTSU4.php