Banksy volé au Bataclan : trois prévenus reconnaissent le vol, sans avoir pensé au « symbole »

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Publié le 08/06/2022 20:28:18

Le procès de huit hommes renvoyés devant le tribunal correctionnel pour le vol et le recel de la porte, décorée d’un dessin du célèbre street artiste, en janvier 2019, s’est ouvert ce mercredi 8 juin 2022 à Paris.

Tous les trois confirment leurs déclarations durant l’instruction : Franck A. Danis G. et Kevin G. ont répété devant le tribunal leur participation au vol de la porte d’issue de secours du Bataclan, décorée d’un pochoir de Banksy représentant une jeune fille triste, en hommage aux victimes des attentats du 13 novembre 2015. Mais ces trois hommes, qui se connaissent depuis des années, assurent ne pas avoir pensé au « symbole ».

Ces trois-là sont jugés pour vol aggravé, cinq autres à leurs côtés pour recel de ce délit. Ils étaient les premiers interrogés ce mercredi 8 juin 2022 après des questions de procédure débattues à l’ouverture de l’audience devant la quatorzième chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Paris.

Les prévenus ont dérobé l’œuvre le 26 janvier 2019. Arrivés avec une fourgonnette blanche peu après 4 h du matin, Danis G. et Kévin G. ont « ouvert » la porte au pied de biche puis l’ont « portée », Franck A. a « utilisé une meuleuse » reliée à un groupe électrogène pour « découper les gonds ». En moins de dix minutes, ils l’ont embarquée et se sont enfuis.

L’enquête de la PJ parisienne, qui patine un temps sur ce vol « minutieusement » préparé, selon la juge d’instruction chargée du dossier, va s’accélérer en novembre 2019 grâce à une information des gendarmes de l’Isère. Ces trois trentenaires, connus des services, étaient soupçonnés d’avoir cambriolé un magasin de bricolage peu avant le vol de la « porte de Banksy ». Parmi les objets dérobés figuraient des disqueuses et groupes électrogènes. Leurs téléphones ont, en outre, révélé qu’ils étaient à Paris la nuit des faits.

« Qui a eu l’idée de commettre ce vol ? » demande la présidente. Danis, seul à comparaître détenu, dit que « c’est Franck et Kevin, qui voulaient essayer de trouver un acheteur ». Il explique qu’on lui a proposé de participer à l’opération « un mois avant les faits ». Après avoir hésité, il a « dit oui […]. On est venu me chercher le 25 janvier au soir, tout était prêté », assure-t-il, tandis que les deux autres, côte à côte à la barre, ne sont d’accord sur rien.

Franck imputant l’idée à « Kevin, qui lui a parlé de Banksy ». Précisant que « c’était à la demande d’un quatrième homme qui devait revendre la porte […]. C’est ce que j’ai compris », souligne celui qui « regrette ». Il assure avoir participé au vol « uniquement par peur ». Se disant « menacé » par son ancien ami qui lui aurait « tiré dessus » avec un pistolet. Mais sans donner les « raisons » réclamées par la présidente et la procureure.

Kevin G. réfute totalement, opposant que Franck « était tous les week-ends à Paris » fin 2018 et début 2019 « avec les Gilets jaunes. Il me disait que c’était facile de voler à Paris. Il m’a parlé de Banksy. » Lui souligne qu’ils ont eu « ensemble l’idée du vol ». Et c’est son coprévenu qui s’est chargé d’acheter et de préparer le camion, selon lui. Il affirme encore n’avoir jamais parlé « de commande. On aurait divisé en trois le produit de la vente », dit-il.

C’est lui qui, une fois la porte volée, a contacté un autre prévenu propriétaire d’un camion pour faire le trajet dans le Var. Là où vit Mehdi Meftah, 41 ans, qui dit avoir gagné des millions au Loto. Cet homme, créateur de la marque de T-shirt de luxe « BL1.D » et amateur de street art, est soupçonné d’avoir été le commanditaire du vol. Ce qu’il conteste. Soulignant lors d’auditions avoir été mis « devant le fait accompli ». Il déclare avoir répondu à un comparse qui lui a présenté la porte : « T’es fou, qu’est-ce que tu veux que j’en foute de ton truc ? » Avant de décider « d’éloigner le problème » vers l’Italie, où la « porte de Banksy » a été retrouvée dans une ferme des Abruzzes le 10 juin 2020.

Aucune tentative de revente n’avait eu lieu et personne n’avait touché d’argent. « Ce n’est pas n’importe quelle porte, n’importe quelle œuvre », a souligné la présidente du tribunal. « Le Bataclan, c’est un traumatisme pour la France, le symbole est très important. Comment vous vous retrouvez à voler cette porte ? » a-t-elle demandé ce mercredi 8 juin aux trois trentenaires qui ont reconnu avoir subtilisé l’œuvre. « L’argent. Les Banksy, c’est hors de prix », répond Kevin G.

« Vous vous êtes dit : l’argent. Et le symbole des victimes de terrorisme ? » poursuit la magistrate. « J’ai pas pensé », souffle le prévenu. « Je ne savais pas ce qu’elle représentait en fait, indique aussi Franck A. Je ne pensais pas que ça allait avoir autant d’impact. » C’est un « très grand manque de respect, mais je n’ai pas réfléchi tout de suite », confesse aussi Danis G.

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Source : https://www.ouest-france.fr/culture/arts/banksy-vole-au-bataclan-trois-prevenus-reconnaissent-le-vol-sans-avoir-pense-au-symbole-256b86de-e70c-11ec-8458-b2f5aa0496fd