Au procès des attentats du 13-Novembre, l’avenir très assombri de Sofien Ayari

logo Ouest France illustration Au procès des attentats du 13-Novembre, l’avenir très assombri de Sofien Ayari

Publié le 22/06/2022 18:55:58

Sofien Ayari n’a pas encore 30 ans et pourrait être condamné à deux peines de perpétuité en moins d’un an. Au procès du 13-Novembre, ses avocats ont défendu un accusé qui n’a jamais voulu mourir en martyr.

Contre Sofien Ayari, un Tunisien de 28 ans, les avocats généraux ont requis la réclusion criminelle à perpétuité, assortie d’une peine de sûreté de 30 ans. Celui qui avait été arrêté le 18 mars 2016, en même temps que Salah Abdeslam à Molenbeek, est accusé de complicité de meurtres en bande organisée en lien avec une entreprise terroriste.

Retrouvez notre direct sur l’audience du mercredi 22 juin 2022 au procès des attentats du 13 novembre 2015.

Le 13 novembre 2015, cet accusé n’était pourtant pas à Paris ni même en Belgique, parmi les autres membres de la cellule terroriste. Il s’est rendu à l’aéroport de Schiphol, à Amsterdam, en compagnie d’un autre accusé, Osama Krayem. Selon l’accusation, les deux hommes avaient pour mission d’y commettre un attentat ou d’effectuer des repérages en vue d’un attentat. Mais où sont les armes ? Les explosifs ? Le ministère public se raccroche à cette thèse​, déplore Me Ilyacine Maallaoui, l’un des deux avocats de Sofien Ayari, lors de sa plaidoirie. Aucune trace d’explosifs n’a en effet été retrouvée dans les deux sacs que transportaient ce jour-là les deux accusés.

Mais dans l’ordinateur de la cellule terroriste que les enquêteurs ont retrouvé rue Max Roos à Schaerbeek, les policiers ont découvert un dossier 13 novembre​, dans lequel figuraient cinq sous-dossiers. Trois correspondaient aux cibles visées à Paris et à Saint-Denis, un quatrième était intitulé métro ​et un cinquième Schiphol​… Que devaient précisément faire ces deux hommes à Schiphol ? Durant l’instruction, Osama Krayem avait indiqué qu’il devait repérer la présence de consignes. Sofien Ayari, lui, ne s’est jamais expliqué, indiquant simplement qu’il était resté dans la chambre d’hôtel qu’ils avaient louée, attendant que son comparse revienne de l’aéroport.

Ce voyage à Schiphol restera un mystère. Mais les charges pesant contre Sofien Ayari ne se limitent pas à ce seul déplacement. Ce dernier a reconnu s’être rendu dans les rangs de Daech, en Syrie, où il a été formé militairement et où il a combattu. Sofien Ayari a également concédé avoir été recruté pour mener une action en Europe, sans préciser par qui et pour quoi​, avait précisé Camille Hennetier, l’avocate générale.

En Belgique, il a séjourné dans plusieurs planques. Son ADN a ainsi été retrouvé sur quatre vêtements de l’appartement de la rue Henri-Bergé, à Schaerbeek, là où les enquêteurs ont établi que des gilets explosifs avaient été fabriqués. Mais pas par Sofien Ayari, soutient Me Maallaoui. Son ADN n’a jamais été retrouvé sur les matériels ayant servi à les fabriquer. Un expert est pourtant venu vous expliquer que ce n’est pas parce qu’il n’y a pas son ADN qu’il n’a pas participé… C’est terrifiant. Peut-être M. le président que vous y avez participé autant que moi puisque votre ADN n’a pas été retrouvé​, s’insurge l’avocat.

Les avocats soutiennent d’autant plus cette possibilité que pour eux leur client n’est pas un jusqu’au-boutiste. Il n’est pas de ces terroristes, comme les frères Kouachi ou Coulibaly, qui vont chercher à mourir en martyr. Ils en veulent pour preuve la journée qui a précédé son arrestation. Les policiers viennent perquisitionner un appartement. Abdeslam, Ayari et Belkaid s’y trouvent. Mais les deux premiers abandonnent leurs kalachnikovs et fuient. Il y avait onze chargeurs dans l’appartement. Si l’objectif était de mourir en martyr, vous n’abandonnez pas vos Kalachnikovs et vous vous retournez contre les policiers​, plaide Me Isa Gultaslar. Qui ajoute, contrairement à ce que soutiennent les avocats généraux : tous les membres de la cellule n’étaient pas interchangeables. Tous n’étaient pas destinés à mourir​.

Sofien Ayari avait peu parlé durant l’instruction. Il en a fait de même durant ces presque dix mois de procès. En une occasion, ce Tunisien, âgé de 21 ans en 2015, marqué par les printemps arabes, a expliqué qu’il avait été touché par les souffrances infligées aux Syriens par le régime de Bachar el-Assad. Et a semblé regretter ces choix de jeunesse. Pour comprendre Sofien Ayari, la radicalisation religieuse n’est pas la bonne clé de lecture, rappellent ses avocats. Pour comprendre Sofien Aayari, il faut comprendre la guerre qu’on a prise dans le visage et dans la mâchoire et qu’on porte dans la tête​, a insisté Me Gultaslar, avant d’ajouter plus globalement : Ce n’est pas la religion qui est à l’origine de ces attentats, c’est la guerre.

Mais au-delà de ce qu’a commis Sofien Ayari, ses avocats ont aussi interrogé les juges sur l’espoir qui pourrait être laissé à cet homme qui n’a pas encore 30 ans. Il a déjà été condamné à vingt ans de prison, à Bruxelles, pour la fusillade survenue peu avant son arrestation, blessant deux policiers. Devant vous, il encourt une lourde peine. ​Et il sera à nouveau jugé lors du procès des attentats de Bruxelles, à partir d’octobre, où il encourt encore la perpétuité. La peine que prononcera la cour d’assises à Paris doit-elle tenir compte de cet horizon ultra-bouché ? Pour un gars comme moi, avoir de l’espoir en prison, c’est dangereux​, avait lâché Sofien Ayari, au cours du procès. Comme si toute perspective de liberté lui était désormais interdite…

Crédits image et texte : Ouest France©
Source : https://www.ouest-france.fr/faits-divers/attentats-paris/proces/au-proces-du-13-novembre-l-avenir-tres-assombri-de-sofien-ayari-e14be644-f226-11ec-a95f-884fbec18e50