Allemagne : ce que l’on sait des soupçons d’empoisonnement de deux dissidentes russes en exil

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Publié le 22/05/2023 10:23:46

La police allemande a ouvert une enquête sur des soupçons d’empoisonnement ayant affecté une journaliste et une militante russes après une réunion de dissidents à Berlin.

La liste des opposants à Vladimir Poutine mystérieusement empoisonnés est-elle en passe de s’allonger ? Les investigations débutent outre-Rhin, après que le média russe d’investigation Agentstvo a fait état cette semaine de problèmes de santé rencontrés par deux participantes à une réunion de dissidents russes à Berlin, les 29 et 30 avril.

L’enquête a été confiée au service de protection de l’État, chargé du terrorisme et des crimes politiques, a confirmé un porte-parole de la police de Berlin à l’AFP.

Qui sont les victimes ?

La première est présentée comme une journaliste ayant récemment quitté la Russie. La deuxième participante est Natalia Arno, directrice de l’ONG Free Russia Foundation, basée aux États-Unis, où elle vit depuis dix ans, après avoir dû quitter la Russie.

Quel était le motif de la réunion à Berlin ?

Les deux femmes ont participé à une réunion d’opposants russes autour du sort de Mikhaïl Khodorkovsky. Cet homme d’affaires et dissident russe a été emprisonné en 2003 pour « escroquerie à grande échelle » et « évasion fiscale ».

Après dix ans d’incarcération aux confins de la Sibérie, il a été gracié par le président Vladimir Poutine et libéré en 2013. Exilé à Londres depuis 2015, celui qui fut l’homme le plus riche de Russie est un fervent critique de Poutine. L’ex-oligarque est souvent présenté comme une victime du régime russe, dont l’incarcération a été motivée par des raisons politiques.

Comment les faits se sont-ils déroulés ?

La journaliste a ressenti durant l’événement des problèmes de santé non précisés, mais elle suggère qu’ils avaient peut-être commencé avant. Le média Agentstvo ajoute qu’elle s’est ensuite rendue à l’hôpital berlinois de la Charité où avait été soigné l’opposant russe Alexeï Navalny, victime d’un empoisonnement au Novitchok en août 2020.

Natalia Arno a quant à elle fait part de « premiers symptômes étranges », apparus lors de son voyage à Berlin où elle a assisté à cette conférence, a-t-elle raconté dans un message publié cette semaine sur Facebook.

L’opposante s’est ensuite rendue à Prague, en République tchèque, pour une série de rencontres publiques sur la Russie. C’est après ces réunions que son état a empiré.

Elle dit avoir ressenti « des symptômes étranges » et « des douleurs aiguës », qui se sont aggravés lors de son trajet de retour en avion vers les États-Unis, avec un « engourdissement prononcé ». Elle a été médicalement prise en charge sur place.

La directrice de Free Russia Fondation déclare également avoir trouvé, à Prague, la porte de sa chambre d’hôtel ouverte, et y avoir senti « une odeur étrange et piquante de parfum bon marché ».

« Il existe des soupçons sur le fait que j’ai été empoisonnée avec un agent innervant (des poisons s’attaquant au système nerveux dont fait partie le Novitchok) », a-t-elle déclaré. Certains symptômes persistent encore aujourd’hui, même si elle affirme se sentir « mieux ».

Qu’est-ce que le Novitchok ?

Le Novitchok (littéralement « petit nouveau » en russe) a été spécifiquement mis au point à des fins militaires par des chercheurs soviétiques dans les années 1970.

Il s’agit d’un groupe d’agents neurotoxiques, considéré comme cinq à dix fois plus létal que les deux autres agents innervants les plus connus : le gaz sarin et le VX. Le poison a été ajouté à la liste des substances illicites de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques en 2019.

Ce poison, qui existe dans des versions liquides et solides, s’attaque au système nerveux, l’empêchant de communiquer avec les muscles, ce qui peut provoquer la mort par étouffement ou arrêt cardiaque. Les victimes qui en réchappent gardent souvent des séquelles irréversibles dans le cerveau.

Quels sont les précédents cas d’empoisonnement au Novitchok ?

Ces dernières années, plusieurs attaques au poison ont été perpétrées à l’étranger et en Russie contre des dissidents au pouvoir.

L’opposant au Kremlin Alexeï Navalny a été victime en 2020 d’une tentative d’assassinat au poison Novitchok (son utilisation a été confirmée par les laboratoires européens), dont il accuse le régime russe d’être le commanditaire.

Le poison Novitchok a également été utilisé dans la tentative de meurtre en 2018 de l’ancien agent double Sergueï Skripal et de sa fille dans la ville anglaise de Salisbury. Selon les autorités anglaises, « seul l’État russe avait les moyens techniques, l’expérience et le mobile » pour mener cette opération.

L’affaire avait encore exacerbé les relations déjà difficiles entre Londres et Moscou depuis le décès de l’ancien espion Alexandre Litvinenko, empoisonné par du polonium 210, une substance radioactive extrêmement toxique, en 2006 dans la capitale britannique.

À chaque fois, Moscou a nié toute responsabilité de ses services secrets.

Crédits image et texte : Le Parisien©
Source : https://www.leparisien.fr/faits-divers/allemagne-ce-que-lon-sait-des-soupcons-dempoisonnement-de-deux-dissidentes-russes-en-exil-22-05-2023-UQRJASFJXJAPZGCJ44HSGNTUZY.php